Des nœuds de gluons expliqueraient la structure tridimensionnelle de l’univers

noeuds gluons
Les expériences du RHIC et du LHC ont des atouts complémentaires dans l'étude du plasma quark-gluon, un état de la matière dans lequel les quarks ne sont pas liés entre eux. | Brookhaven National Laboratory
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Avec les travaux d’Einstein, l’univers a pu bénéficier d’une description mathématique dont le socle fondamental est l’espace-temps composé de trois dimensions spatiales et d’une dimension temporelle (3+1). Bien que certaines théories au-delà du Modèle Standard admettent des dimensions supplémentaires, les physiciens ne se sont intéressés qu’anecdotiquement à l’origine de la structure tridimensionnelle de l’univers.

Avec une étude publiée le 14 octobre 2017 dans le très sérieux journal The European Physical Journal C (1), une équipe internationale de physiciens composée d’Arjun Berera (University of Edinburgh), de Roman Buniy (Chapman University), d’Heinrich Päs (University of Dortmund), de João Rosa (University of Aveiro) et de Thomas Kephart (Vanderbilt University) propose une nouvelle théorie offrant une nouvelle explication à l’inflation, ainsi qu’une hypothèse sur l’origine tridimensionnelle de l’univers.

Des quarks, des gluons et des tubes

La chromodynamique quantique, c’est-à-dire la théorie quantique décrivant l’interaction nucléaire forte et donc les interactions quarks-gluons, montre qu’au sein des hadrons (les particules composées de quarks), les gluons forment des « tubes » d’énergie liant les quarks entre eux ; de tels tubes sont appelés « tubes de flux ». Ainsi, dans le cas des mésons par exemple – particules composées d’une paire quark-antiquark – le quark et l’antiquark sont liés par un tube de flux. Un tel tube peut physiquement être traité comme un objet unidimensionnel, telle qu’une corde.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Contrairement aux autres interactions, dans l’interaction forte, le couplage entre particules augmente avec la distance. Donc plus les quarks sont séparés spatialement, plus l’énergie du tube de flux augmente, jusqu’à atteindre un point de rupture. Lorsque le tube de flux se « rompt » en deux parties, un nouveau quark et un nouvel antiquark apparaissent à chaque extrémité des parties résultantes, conduisant à la formation de deux paires quark-antiquark.

illustration formation tube de flux
Illustration montrant la formation d’un tube de flux, puis sa rupture lorsque le quark (bleu) et l’antiquark (rouge) de la paire sont trop éloignés. Un quark et un antiquark apparaissent aux extrémités de chacune des parties, résultant en la formation de deux paires quark-antiquark. Crédits : Quora.com

Un tube de flux est une structure instable. En effet, lorsque le quark et l’antiquark de la paire entrent en contact, l’annihilation des deux particules entraîne la disparition concomitante du tube de flux. Cependant, dans leur étude, les physiciens démontrent qu’un tube peut adopter une configuration stable dès lors qu’il se replie sur lui-même ou qu’il forme des connexions avec d’autres tubes. Ainsi, dans ces circonstances, un tube de flux peut persister même si la paire quark-antiquark s’annihile.

Un univers rempli de nœuds d’énergie

Le Modèle Standard de la cosmologie nous apprend que dans ses tous premiers instants, l’univers était composé d’une « soupe » de quarks et de gluons, sous la forme d’un liquide extrêmement dense et chaud et électriquement chargé, appelé « plasma quark-gluon » (QGP). Depuis le début des années 2000, le plasma quark-gluon est recréé et étudié dans les accélérateurs de particules tels que le Supersynchrotron à protons (SPS) et le RHIC.

Les auteurs de l’étude ont ainsi eu l’idée de traiter le phénomène des tubes de flux dans le contexte des très hautes énergies, comme c’est le cas pour le plasma quark-gluon. À ce titre, Thomas Kephart explique que « nous avons pris le phénomène bien connu des tubes de flux et l’avons expédié à un niveau d’énergie bien plus élevé ». Ils ont découvert que le QGP était un excellent milieu énergétique pour la formation d’un très grand nombre de tubes de flux.

À l’issue du Big Bang, l’univers est donc rempli d’un plasma quark-gluon au sein duquel se forme un réseau dense de tubes de flux. Certains de ces tubes disparaissent et d’autres adoptent des conformations stables en s’enroulant ou en se connectant aux autres, constituant un véritable réseau persistant de nœuds de tubes de flux (2) et occupant tout l’espace. À chaque fois qu’un tube de flux s’ajoute au réseau, ce dernier se resserre tandis que son énergie globale augmente.

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Simulation informatique montrant la configuration du réseau de nœuds de tubes de gluons remplissant l’univers dans ses premiers instants. Crédits : Thomas Kephart / Vanderbilt University

Des nœuds à l’origine de l’inflation… et de la structure tridimensionnelle de l’univers ?

Les calculs des chercheurs montrent que l’énergie stockée dans ce réseau de nœuds gluoniques correspond à l’énergie d’une constante cosmologique effective homogène, semblable à la constante cosmologique actuellement candidate pour expliquer l’énergie sombre. Cette constante cosmologique déclencherait un phénomène d’inflation brutal, offrant de ce fait une explication au mécanisme inflationnaire du Modèle Standard de la cosmologie.

Mais ce n’est pas tout. Kephart explique que « non seulement notre réseau de tubes de flux offre l’énergie nécessaire pour déclencher l’inflation, mais il explique également pourquoi elle s’arrête tout aussi abruptement. Lorsque l’univers commence à s’étendre, le réseau de tubes de flux commence progressivement à se désintégrer puis finit par se déliter, supprimant la source d’énergie qui alimentait l’inflation ».

En effet, une fois l’inflation commencée, des modifications et des réarrangements apparaissent au sein du réseau de tubes. Certains tubes se brisent, d’autres se reconnectent de manière instable, et d’autres encore subissent d’importantes perturbations quantiques. Lorsque le réseau s’effondre, les quarks s’agencent entre eux pour former un gaz de hadrons.

Dès lors, l’univers est composé d’un gaz de hadrons et de radiations parcourant l’espace, conduisant à la formation progressive des structures cosmologiques, et retrouvant ainsi le schéma évolutif actuellement établi par le Modèle Standard de la cosmologie.

En outre, les physiciens démontrent, en s’appuyant sur le formalisme mathématique de la théorie des nœuds, qu’un nœud ne peut constituer une configuration stable que si il évolue dans un espace à trois dimension spatiales. En effet, en tant que structures unidimensionnelles, les nœuds ne peuvent être topologiquement stables que dans un espace tridimensionnel.

Les calculs topologiques montrent qu’un espace bidimensionnel ne possède pas les degrés de liberté nécessaires pour aboutir à une structure en forme de nœud, tandis qu’un espace quadridimensionnel (et supérieur) conduit nécessairement à l’instabilité du nœud et donc au démêlage. Un tel résultat expliquerait ainsi l’origine tridimensionnelle de l’espace, seule topologie admissible pour qu’un réseau de nœuds de gluons puisse exister.

Sources : The European Physical Journal C (1), Arxiv.org (2)

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