L’évolution des poulpes et des calamars est bien plus étrange que ce que nous avions imaginé

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Une pieuvre commune (Octopus vulgaris). | Vladimir Wrangel/Fotolia
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Selon une nouvelle étude, il s’avère que les pieuvres et leurs frères céphalopodes que sont les calamars, évoluent de manière différente de presque tous les autres organismes présents sur la planète.

Des scientifiques ont découvert que les poulpes, ainsi que certaines espèces de calamars et de seiches, modifient systématiquement leurs séquences d’ARN (acide ribonucléique) afin de s’adapter à leur environnement.

C’est étrange car ce n’est pas vraiment de cette manière que se produisent les évolutions chez les animaux multicellulaires. En effet, lorsqu’un organisme change de manière fondamentale, cela commence généralement par une mutation génétique (un changement au niveau de l’ADN). Ces changements génétiques sont alors transformés en action par l’ARN. Vous pouvez penser aux instructions de l’ADN comme étant la recette, tandis que l’ARN est le chef cuisinier qui organise ce qui se passe dans chaque cellule, produisant les protéines nécessaires afin de maintenir l’organisme en vie.

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Mais l’ARN n’exécute pas simplement et aveuglément des instructions. Parfois, il lui arrive d’improviser avec certains ingrédients, changeant de ce fait les protéines produites dans la cellule, par le biais d’un processus rare appelé l’édition d’ARN, qui est en fait une modification post-transcriptionnelle des ARN changeant la séquence codante existant au niveau de l’ADN.

Lorsque cela se produit, ce processus peut changer la manière dont les protéines fonctionnent, ce qui permet à l’organisme d’affiner son information génétique sans subir de mutations génétiques. Mais la plupart des organismes n’utilisent pas vraiment cette méthode, car elle est désordonnée et cause souvent plus de problèmes qu’elle n’est utile pour les résoudre.

En 2015, des chercheurs ont découvert que le calamar commun peut éditer jusqu’à plus de 60 % de l’ARN dans son système nerveux. Ces modifications ont essentiellement changé la physiologie de son cerveau, sans doute pour l’aider à s’adapter à diverses conditions dans l’océan (telles que la température).

À présent, l’équipe a effectué une découverte encore plus surprenante : au moins deux espèces de pieuvres et une espèce de seiche peuvent faire la même chose, et ce, régulièrement. Afin de comparer différents types d’évolution, les chercheurs ont également analysé des mollusques et des limaces, mais ils ont découvert que ce processus d’édition d’ARN leur manquait. « Cela montre que des niveaux élevés d’édition d’ARN ne sont généralement pas présents chez les mollusques ; c’est une invention des céphalopodes coléoïdes », explique Joshua Rosenthal, coauteur de l’étude, de l’US Marine Biological Laboratory. « Avec les céphalopodes, ce n’est pas une exception, c’est la règle. Une règle qui veut que la plupart des protéines sont en cours de modification », a ajouté le second coauteur de l’étude, Eli Eisenberg, biophysicien à l’Université de Tel Aviv, en Israël.

Les chercheurs ont analysé des centaines de milliers de séquences d’enregistrement d’ARN chez ces animaux. Ils ont constaté que l’édition intelligente de l’ARN était particulièrement fréquente dans le système nerveux des coléoïdes, une sous-classe des céphalopodes. « Je me demande si cela est dû à leur cerveau extrêmement développé », a déclaré le généticien Kazuko Nishikura, de l’US Wistar Institute, qui n’a pas participé à l’étude. Il est vrai que les céphalopodes coléoïdes sont très intelligents : les chercheurs pensent qu’il est probable que leur intelligence puisse provenir de leur capacité d’édition d’ARN. « Il y a quelque chose de fondamentalement différent chez ces céphalopodes », explique Rosenthal.

Mais il ne s’agit pas seulement pour ces animaux d’éditer (et réparer) leur ARN en cas de besoin : l’équipe a également constaté que cette capacité était accompagnée d’un compromis évolutif, qui les distingue du reste du monde animal. En ce qui concerne l’évolution du génome (celle qui utilise des mutations génétiques) les coleoïdes ont évolué très, très lentement. Mais les chercheurs pensent que cela a été un sacrifice nécessaire, car si vous découvrez un mécanisme vous permettant de survivre, vous allez continuer à l’utiliser. « La conclusion ici est que, pour maintenir cette flexibilité d’édition d’ARN, les coleoïdes ont dû abandonner la capacité à évoluer dans les régions environnantes », explique Rosenthal.

L’équipe prévoit prochainement de développer des modèles génétiques de céphalopodes afin de pouvoir suivre comment et quand l’édition de l’ARN se déclenche. « Cela pourrait être quelque chose d’aussi simple que des changements de température, ou d’aussi compliqué que l’expérience, une forme de mémoire », ajoute Rosenthal.

Source : Cell

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