Qu’est-ce que la limite de Chandrasekhar ?

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Au cours de leur vie, les étoiles traversent plusieurs phases corrélées à leur dynamique interne. Cette évolution peut les mener au stade de naine blanche et, par la suite, jusqu’aux stades d’étoile à neutrons et de trou noir. En 1930, alors qu’il n’avait que 20 ans, le physicien indien Subrahmanyan Chandrasekhar démontre que la fin des étoiles dépend de leur masse et de celle de leur cœur.

Il calcule alors la limite maximale qu’un objet peut atteindre avant soit d’exploser, dans le cas d’une naine blanche (étoiles peu massives), soit de s’effondrer en étoile à neutrons ou en trou noir dans le cas d’une étoile massive. Cette limite porte le nom de « limite de Chandrasekhar » et vaut 1.44 masses solaires, soit 2.9×1030 kg.

Fin de vie des étoiles peu massives : naines blanches et supernovas de type Ia

1. Évolution d’une étoile en naine blanche

Le stade de naine blanche est le stade final de l’évolution des étoiles de la Séquence principale possédant une masse comprise entre 0.05 et 10 masses solaires (1). Une étoile demeure stable dès lors que l’effet de la gravitation, qui tend à contracter l’étoile sur elle-même, est contrebalancé par la pression de radiation issue des réactions de fusion thermonucléaire ayant lieu dans son cœur. Ces deux forces s’équilibrent, permettant à l’étoile de rester stable sur la Séquence principale.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Cependant, à la fin de sa vie, une étoile peu massive a fusionné la presque totalité de son hydrogène en hélium. Les réactions de fusion thermonucléaire s’arrêtent donc progressivement et ne fournissent plus assez de pression de radiation pour équilibrer la contraction gravitationnelle. L’étoile s’effondre alors sur elle-même.

Cet effondrement entraîne une élévation extrêmement importante de la température (jusqu’à 100 millions de Kelvin) et de la pression du cœur, conduisant à un nouvel état d’équilibre hydrostatique et à l’allumage de nouvelles réactions thermonucléaires fusionnant l’hélium en carbone et en oxygène, par l’intermédiaire du mécanisme de réaction triple-alpha (processus permettant d’aboutir à la formation de carbone à partir de la fusion de trois particules alpha).

Illustration décrivant l’évolution du Soleil jusqu’au stade de naine blanche. Crédit : Wikipédia

Ces réactions de fusion dégagent une importante quantité d’énergie allant du centre vers la périphérie de l’étoile, générant une pression interne responsable de l’augmentation du diamètre de l’étoile : celle-ci devient une géante rouge. Ce stade est temporaire, car la fusion de l’hélium est un processus assez rapide ; une fois cette dernière terminée, la contraction gravitationnelle recommence. L’étoile n’étant pas assez massive pour amorcer la fusion du carbone, son cœur s’effondre et donne naissance à une naine blanche. Les couches périphériques rebondissent sur le cœur et son éjectées dans l’espace pour former une nébuleuse planétaire (composée d’hydrogène et d’hélium).

2. De la naine blanche à la supernova de type Ia

Le cœur carbone-oxygène de la naine blanche continue de se contracter sous l’effet de la gravitation. Cependant, sous cette compression progressive, les atomes finissent par se retrouver très étroitement juxtaposés. La matière atteint une telle densité que les orbitales atomiques sont compressées les unes contre les autres. Dès lors, une pression opposée à la gravité apparaît : la pression de dégénérescence électronique.

En effet, le principe d’exclusion de Pauli empêche alors les orbitales atomiques contenant des électrons de se rapprocher davantage. Ce principe interdit à deux électrons d’être dans le même état quantique, c’est-à-dire de posséder un spin identique sur un même niveau d’énergie. Pour empêcher la violation du principe d’exclusion, une force s’opposant à la contraction gravitationnelle émerge. Un tel état de la matière est appelé « matière dégénérée ».

Schéma montrant l’organisation ordinaire de la matière puis l’organisation de la matière à l’état dégénéré : les orbitales électroniques sont fortement collées les unes aux autres. Crédit:jmmasuy.net

Grâce à cette pression de dégénérescence électronique s’opposant à la gravité, la naine blanche, dont le cœur possède une masse inférieure à 1 masse solaire (2), atteint un état d’équilibre très stable. Sans influence extérieure, la naine blanche est vouée à refroidir progressivement et à devenir une naine noire.

Toutefois, si la naine blanche appartient à un système binaire, celle-ci peut accréter (absorber) de la matière de son compagnon (3), ayant pour effet d’augmenter sa masse tout en diminuant son rayon. Cette augmentation de masse entraîne la compression du cœur, conduisant à une augmentation de température jusqu’à ce que cette dernière soit suffisante pour permettre la fusion du carbone (3).

Lorsque la masse de la naine blanche atteint la limite de Chandrasekhar, soit 1.44 masses solaires, la température est si élevée que la réaction de fusion du carbone s’emballe brusquement, libérant une quantité phénoménale d’énergie (supérieure à l’énergie de liaison gravitationnelle du cœur) et conduisant à l’explosion thermonucléaire de la naine blanche en supernova de type Ia (4). La naine blanche est littéralement soufflée et aucun résidu, hormis un rémanent, ne demeure après sa fin. Un tel processus porte le nom de « modèle à dégénérescence simple ».

Illustration expliquant l’explosion d’une naine blanche en supernova de type Ia. La naine blanche accrète la matière de son compagnon jusqu’à ce que sa masse atteigne la limite de Chandrasekhar. Son cœur s’effondre et l’étoile explose, ne laissant aucun résidu hormis un rémanent. Crédit: Harvard/Chandra X-Ray

Il a été avancé que, théoriquement, si une naine blanche accrète une importante quantité de matière en un laps de temps extrêmement bref, alors celle-ci pourrait contenir la réaction de fusion du carbone suffisamment longtemps pour s’effondrer sur elle-même et former une étoile à neutrons (5). Toutefois, cette hypothèse reste actuellement très discutée.

Fin de vie des étoiles massives : supernovas de type II, étoiles à neutrons et trous noirs

1. Évolution d’une étoile en étoile à neutrons

Pour une étoile possédant une masse supérieure à 10 masses solaires, le destin est tout autre. Une telle étoile est suffisamment massive pour que se son cœur de carbone-oxygène se contracte et se réchauffe de manière à amorcer la fusion du carbone en néon et magnésium. Puis, la température continuant d’augmenter sous la contraction gravitationnelle, le néon fusionne pour donner du fer et du nickel 56.

À ce stade, la pression de dégénérescence électronique qui s’exerce au sein du cœur est suffisante pour contrebalancer la gravité. Cependant, les réactions de fusion continuent à produire du fer et du nickel 56, qui se déposent progressivement sur le cœur, augmentant graduellement sa masse jusqu’à ce que elle-ci atteigne la limite de Chandrasekhar. Dès lors, la pression de dégénérescence électronique n’est plus suffisante et le cœur s’effondre.

Afin de respecter le principe d’exclusion de Pauli, les électrons entrent dans les protons qui se transforment en neutrons. Le cœur subit donc une neutronisation générale avec émission masive de neutrinos électroniques. Le cœur devient une étoile à neutrons avec un diamètre compris entre 20 et 30 kilomètres.

Schéma montrant l’explosion d’une étoile à neutrons en supernova de type II. Crédit : Chandra X-Ray

Parallèlement, les couches entourant le cœur rebondissent sur ce dernier à une vitesse égale à 10% de celle de la lumière, prenant la forme d’une onde de choc. L’émission massive de neutrinos se propage du centre vers la périphérie, chauffant brutalement l’onde de choc. L’onde de choc et l’émission rapide de neutrinos combinées conduisent à un phénoménal dégagement d’énergie sous la forme d’une supernova de type II.

À ce stade, le cœur neutronique continue de se contracter sous l’effet de la gravitation jusqu’à ce que les neutrons, soumis au principe d’exclusion de Pauli, développent une force répulsive contrecarrant la gravité : c’est la pression de dégénérescence neutronique. L’étoile à neutrons devient ainsi stable tant que le cœur ne dépasse pas une masse de 3 masses solaires.

illustration composition interne etoile a neutrons
Illustration montrant la composition interne simplifiée d’une étoile à neutrons. La densité est si phénoménale que les neutrons exercent une force s’opposant à la gravité, pour respecter le principe d’exclusion de Pauli : la pression de dégénérescence neutronique. Crédit : Universe Today

2. Évolution d’une étoile à neutrons en trou noir : la limite d’Oppenheimer-Volkoff

Comme vu ci-dessus, une étoile à neutrons est stable tant que la pression de dégénérescence neutronique contrebalance la contraction gravitationnelle. Cela n’est possible que tant que la masse du cœur reste inférieure ou égale à 3 masses solaires. Au-delà de cette limite calculée par les physiciens J. R. Oppenheimer et G. M. Volkoff, l’étoile à neutrons s’effondre en trou noir.

Pour une étoile à neutrons solitaire, l’évolution sera donc extrêmement stable. En revanche, pour une étoile à neutrons binaire et/ou entourée d’autres corps célestes, l’évolution est plus chaotique. Celle-ci pourra accréter la matière de son/ses compagnon(s), augmentant progressivement la masse de son cœur neutronique jusqu’à la limite d’Oppenheimer-Volkoff.

Une fois cette limite atteinte, la pression de dégénérescence neutronique n’est plus suffisante pour contrebalancer la contraction gravitationnelle. Le cœur s’effondre dès lors sur lui-même et un horizon des événements apparaît, piégeant la lumière émise lors du dégagement d’énergie dû à l’effondrement. L’étoile à neutrons disparaît pour laisser place à un trou noir stellaire.

Dans certains cas, la transformation en trou noir ne passe pas par l’étape de l’étoile à neutrons. Si lors de la neutronisation du cœur de l’étoile, ce dernier possède une masse supérieure à la limite d’Oppenheimer-Volkoff, alors le cœur s’effondre directement en un trou noir stellaire.

Sources : Iopscience (1), Observatoire de Paris (2), AnnualReviews (3), Department Of Astronomy Of Ohio State University (4), Arxiv.org (5)

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