Alcool : les seuils de consommation actuellement recommandés sont trop hauts

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Bien que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ait édicté quelques recommandations sur la consommation d’alcool – notamment concernant les quantités journalières recommandées pour les hommes et les femmes, l’existence d’études contradictoires sur le niveau de risque associé à la consommation d’alcool rend difficile l’établissement d’une politique globale de prévention efficace à ce sujet. Cependant, récemment, des travaux basés sur la méta-analyse de plusieurs études ont révélé que les seuils de consommation actuellement recommandés doivent être revus à la baisse.

Les seuils actuellement recommandés de faible risque associés à la consommation d’alcool varient d’un pays à l’autre. Des pays comme les États-Unis, le Canada et la Suède recommandent une quantité maximum de 196 g d’alcool par semaine pour les hommes et de 98 g pour les femmes. D’autres comme l’Italie, le Portugal ou encore l’Espagne fixent des maximums pratiquement 50% plus élevés. Tandis qu’à l’opposé, le Royaume-Uni conseille un maximum aux alentours de 90 g pour les hommes.

De telles variations reflètent l’ambiguïté qui existe au regard des seuils de consommation associés à un faible risque de mortalité. Une étude co-écrite par plus de 120 chercheurs, publiée dans The Lancet et portant sur la méta-analyse de 83 études concernant les habitudes de consommation d’alcool et les risques associés, pour un total de 599’912 personnes réparties dans 19 pays, n’a révélé aucune différence entre les hommes et les femmes au regard des seuils de consommation recommandés.

Ces résultats contredisent donc les différentes recommandations établies dans une majorité de pays, définissant la consommation modérée à faible risque à 2 verres par jour pour les hommes et à 1 verre pour les femmes. C’est notamment le cas aux États-Unis, où la limite est de 14 verres par semaine pour les hommes et 7 verres pour les femmes, avec des seuils plus bas pour les personnes au-delà de 65 ans. Toutefois, certains pays ont déjà pris des dispositions pour réduire les seuils conseillés.

En 2016, le Royaume-Uni avait modifié ses seuils en ramenant les quantités pour les hommes au même niveau que celles des femmes. « Lorsque les États-Unis reverront leurs seuils, j’espère qu’ils utiliseront les résultats de cette étude et réduiront les seuils recommandés pour les hommes au niveau de ceux des femmes » confie Angela Wood, professeure à l’université de Cambridge. Cette étude redéfinit notamment la notion de « consommation modérée » et fournit une interprétation plus nuancée sur la façon dont l’alcool augmente les risques cardiovasculaires.

De précédentes études de l’OMS, soutenues par certaines institutions médicales et l’industrie de l’alcool, ont longtemps indiqué qu’une consommation modérée aidait à diminuer les risques d’attaques cardiaques. Wood et ses collègues, quant à eux, n’ont déterminé aucun bénéfice. Les données recueillies ont montré qu’une consommation modérée d’alcool est associée à un risque plus bas d’attaques cardiaques non mortelles. L’explication généralement donnée est que l’alcool accentue la production d’une lipoprotéine particulière constituant le « bon cholestérol » et offrant une certaine protection artérielle.

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Graphiques présentant l’incidence d’apparition de différentes affections cardiovasculaires en fonction de la quantité d’alcool consommée. Au-delà de 100 g , les risques cardiovasculaires augmentent notablement. Crédits : Angela Wood & al

Toutefois, l’étude révèle que l’alcool, même consommé à ces « seuils modérés », est également associée à l’apparition de plusieurs problèmes cardiovasculaires incluant des AVC, des anévrismes aortiques, des hypertensions morbides et d’autres cardiomyopathies. Ces résultats montrent que les effets néfastes surpassent les effets bénéfiques. « La consommation modérée d’alcool permet peut-être de réduire le risque d’attaque cardiaque non mortelle, mais cela doit être mis en balance avec un risque plus élevé d’AVC, d’apparition d’autres maladies cardiovasculaires et une espérance de vie réduite » explique Wood.

La consommation d’alcool est aussi associée à des risques plus élevés de développer un cancer, notamment celui du sein. Les résultats confirment également le lien entre alcool et cancer du système digestif. « C’est une étude réellement impressionnante » affirme Aaron White, consultant scientifique au National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism. « La question de la consommation modérée d’alcool et de ses effets sur la santé est primordiale, car une grande majorité de personnes dans le pays sont concernées. C’est important pour nous de pouvoir conseiller les gens sur les seuils sans danger ».

Concernant le seuil de faible risque, White explique que « il n’y a pas de nombre magique. Les effets de l’alcool sur l’organisme sont vraiment complexes. Ils sont influencés par plusieurs facteurs comme la masse corporelle et le sexe, les traitements médicaux ou la fréquence de consommation, il est donc difficile de conclure à un seuil précis en-dessous duquel les gens sont hors de danger ».

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Diminution de l’espérance de vie en fonction de l’âge et des quantités d’alcool consommés. Au-delà de 350 g par semaine, l’espérance de vie diminue de 4 à 5 ans pour une personne de 40 ans. Crédits : Angela Wood & al

L’étude ne suggère pas qu’une personne buvant un petit peu trop chaque jour chute irrémédiablement vers une mort rapide, mais que son espérance de vie diminue parallèlement. Au fur et à mesure qu’un buveur s’aventure au-delà du seuil recommandé, son espérance de vie s’érode de plus en plus. Wood et ses collègues ont déterminé un seuil maximum sans danger pour la santé comme étant égal à 100 g d’alcool par semaine (correspondant à environ 7 bières standard par semaine).

La diminution de l’espérance de vie pour une personne de 40 ans consommant entre 100 et 200 g d’alcool par semaine est de six mois comparée à celle d’une personne consommant entre 0 et 100 g d’alcool. Une quantité comprise entre 200 et 350 g est associée à une diminution de l’espérance de vie de 1 à 2 ans, tandis qu’une quantité supérieure à 350 g amènerait à une diminution de 4 à 5 ans. Ces résultats devraient être pris en considération par les médecins lorsqu’ils conseillent leurs patients affirme Dan G. Blazer, psychiatre à la Duke University School of Medicine.

« Je pense qu’il s’agit d’un bon avertissement car ce que les médecins considèrent parfois comme une consommation modérée – qu’il s’agisse simplement de deux verres par jour tous les jours de leur vie – peut encore être excessif. Il serait vraiment bien que les autorités adoptent une campagne de santé publique alertant les usagers sur les dangers liés à l’alcool » conclut Blazer.

Source : The Lancet

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