Des anomalies dans les données du LHC indiquent-elles une nouvelle physique ?

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Le Modèle Standard est le cadre théorique décrivant la matière et ses différentes interactions. Depuis son élaboration dans les années 1960, il ne cesse d’être conforté par l’expérience. Cependant, cela n’empêche pas les physiciens de se tenir constamment à l’affût du moindre indice qui indiquerait une défaillance du modèle. C’est notamment le cas de certaines anomalies dans les données du LHC, qui pourraient indiquer la présence d’une nouvelle physique.

En avril 2017, le CERN annonçait avoir observé une anomalie dans le mode de désintégration des mésons B. Les données de désintégration semblaient être en désaccord avec les prédictions statistiques du Modèle Standard. À l’époque, l’indice de confiance des mesures était estimé à moins de 2.5σ, soit bien inférieur aux 5σ requis pour confirmer la validité statistique d’une mesure.

Une équipe internationale de physiciens a de nouveau étudié les données recueillies par le LHCb concernant la désintégration des mésons B, et a souhaité savoir ce qu’il se passait en changeant l’une des hypothèses de désintégration par une autre. Cette nouvelle hypothèse suggère que des interactions à longue distance persistent après la désintégration des mésons B. Et les résultats de cette approche alternative semblent effectivement pointer vers une anomalie.

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En physique, une anomalie est loin d’être catastrophique. En effet, les physiciens recherchent en permanence des indications expérimentales suggérant l’incomplétude des modèles utilisés. Car une telle incomplétude pourrait être le signe de l’existence d’une physique au-delà du Modèle Standard.

Cependant, des précautions méthodologiques sont à prendre. Lorsqu’une anomalie est détectée, elle est premièrement traitée comme un biais statistique. Si une seconde expérience la confirme, elle passe sous le statut de « l’exception qui confirme la règle ». Si, après avoir collecté et analysé suffisamment de données, le résultat observé passe la barre des 3 déviations standards (3 sigma) — c’es-à-dire l’indice de fidélité statistique — alors les scientifiques s’y intéressent davantage. Et lorsque les 5σ sont atteints, le biais statistique est quasiment définitivement écarté.

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Les mésons sont des hadrons, comme les baryons. Mais contrairement à ces derniers, ils sont composés d’une paire quark-antiquark. Crédits : Forschungszentrum Jülich/SeitenPlan

Le LHCb est une expérience du LHC visant à étudier la dynamique des mésons B. Les mésons sont des hadrons, c’est-à-dire des particules composites constituées de quarks, qui sont composés d’une paire de quark-antiquark. Les mésons B sont constitués d’un antiquark bottom associé à un quark down, un quark up, un quark strange ou un quark charm. La durée de vie des différentes configurations est comprise entre 0.5×10−12 s et 1.6×10−12 s.

Le Modèle Standard permet de prédire les canaux de désintégration des mésons B. Dans ce cadre, le méson B se désintègre soit en paire électron-positron, soit en paire muon-antimuon, avec une probabilité de 50/50.

Toutefois, ce n’est pas ce que les physiciens ont observé en analysant les données du LHCb ; ces dernières ont en effet montré que les paires électron-positron étaient bien plus nombreuses que les paires muon-antimuon.

Cette anomalie ne bénéficie toutefois que d’un indice de confiance de 3.4σ. Bien qu’étant un édifice extrêmement rigoureux, le Modèle Standard souffre de certaines lacunes qui en montrent les limites. C’est par exemple le cas de la matière noire ou de la masse des neutrinos qui échappent à ses prédictions.

« Les calculs précédents suggéraient que, quand le méson B se désintègre, il n’y a plus aucune interaction entre ses produits de désintégration » explique Danny van Dyk, physicien à l’université de Zurich. « Dans nos derniers calculs, nous avons intégré un nouvel effet : des interactions longue distance appelées boucles de quarks charm ». De telles interactions sont au-delà du Modèle Standard et impliquent des systèmes complexes de particules virtuelles interagissant après la désintégration du méson.

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Intégrée dans le seul cadre du Modèle Standard, l’anomalie de désintégration détectée ne dépasse pas les 3.4σ de fidélité. Mais dans le cadre des boucles de quarks charm, l’indice de confiance passe à 6.1σ, indiquant potentiellement l’existence d’une nouvelle physique. Crédits : Christoph Bobeth & al.

Et en intégrant l’anomalie de désintégration observée dans le cadre de ces boucles de quarks charm, l’indice de confiance passe à 6.1σ. Cependant, cela ne signifie pas qu’une nouvelle physique est définitivement à l’oeuvre. De nombreuses autres observations seront nécessaires pour conforter cette anomalie dans ce cadre explicatif.

« Nous aurons probablement assez de données d’ici deux ou trois ans pour confirmer l’existence de l’anomalie avec une crédibilité suffisante pour parler de véritable découverte » conclut Marcin Chrzaszcz, physicien à l’université de Zurich. Si une telle anomalie venait à être confirmée, alors cela signerait potentiellement l’existence d’une physique au-delà du Modèle Standard.

Source : European Physical Journal C

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