Une équipe de recherche a identifié une protéine jouant un rôle de protection essentielle au fonctionnement des cellules souches des follicules pileux (HFSC). Elle agirait comme un puissant régulateur de l’apoptose, si bien que lorsque son taux diminue, les HFSC, surmenées, ne produisent plus de nouveaux cheveux. La régulation de cette voie pourrait ainsi potentiellement inverser le processus et traiter ou prévenir la calvitie et l’alopécie.
Le follicule pileux des mammifères constitue un excellent modèle pour l’étude de la structuration et de la régénération des tissus, ainsi que de la biologie des cellules souches. Chez la souris, par exemple, la formation du follicule pileux débute avec l’émergence des placodes (des ébauches cellulaires) au cours du développement cutané du fœtus et s’achève environ six jours après la naissance. Les follicules matures se répartissent ensuite entre l’épiderme et le derme ; les germes des cheveux et des poils étant localisés dans la couche supérieure.
Les follicules pileux suivent un cycle continu de croissance, de régression et de quiescence (ralentissement ou arrêt de développement) tout au long de la vie. Ce processus est régulé par les HFSC situées au niveau de la niche du bulbe pileux. Le premier cycle pilaire postnatal est relativement synchronisé et se produit de manière plus ou moins uniforme. Par la suite, il se produit par zones localisées au cours de la vie.
Des études ont montré que la délétion d’un gène spécifique associé à l’apoptose induit l’expansion des compartiments des HFSC et améliore la cicatrisation des plaies et la repousse des cheveux. D’autre part, de récents travaux suggèrent que l’interférence de la niche des HFSC déclenche l’apoptose dépendante du calcium.
Cependant, les mécanismes moléculaires par le biais desquels l’apoptose régit les différentes étapes du développement des follicules pileux et de la régénération des cheveux restent mal compris. Il est généralement admis que les facteurs de stress, tels que les médicaments et le vieillissement, altèrent le processus, mais on ne sait pas exactement de quelle manière.
Une nouvelle étude de l’Institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall (WEHI), en Australie, et de la faculté de médecine Duke-NUS de Singapour, met en évidence une voie moléculaire importante régulant les fonctions des HFSC. Les résultats – publiés dans la revue Nature Communications — pourraient non seulement avoir une implication dans la recherche de traitements contre la calvitie, mais permettraient également d’améliorer notre compréhension des mécanismes de survie cellulaire et de régénération tissulaire.
Une protection contre le surmenage des cellules souches des follicules pileux
En analysant en détail les voies moléculaires associées au fonctionnement des HFSC, l’équipe de la nouvelle étude a constaté qu’elles ne peuvent pas effectuer correctement leurs fonctions sans la protéine MCL-1, un puissant régulateur apoptotique. Lorsque le taux de cette protéine diminue en raison de facteurs de stress extérieurs, les cellules souches deviennent plus vulnérables et surmenées en tentant de produire de nouveaux cheveux. Sans la protéine pour protéger les cellules, celles-ci s’épuisent jusqu’à finalement s’autodétruire et ne plus produire de cheveux.
Pour l’analogie, les HFSC pourraient être comparées à une équipe d’ouvriers tentant de construire une maison (les cheveux) sur un terrain défriché (le cuir chevelu). Cependant, une équipe de démolition (les facteurs de stress) arrive au même moment et commence à démolir les structures à mesure que les ouvriers progressent. Les ouvriers finissent par stresser jusqu’à l’épuisement complet. Toutefois, grâce à la sécurité offerte par la protéine MCL-1, les démolisseurs sont maintenus à distance et les ouvriers peuvent poursuivre normalement leur travail.
Pour confirmer leurs observations, les chercheurs ont modifié génétiquement des souris en désactivant le gène codant pour la protéine MCL-1 et rasé leurs fourrures afin de voir si elles parviennent à repousser ou non. Ils ont constaté que les HFSC sont restées actives un certain temps, mais se sont rapidement surmenées, ce qui a déclenché la production d’un facteur de stress appelé P53 et finalement conduit à la perte des cellules.
Bien que l’apoptose constitue un mécanisme essentiel pour le renouvellement cellulaire, les HFSC finissent toujours par s’autodétruire sans la protection de la MCL-1, même lorsqu’elles sont particulièrement actives. Ce phénomène a été observé en seulement quelques jours chez les souris. D’un autre côté, la perte d’un seul allèle appelé Bak, un gène effecteur pro-apoptotique, rectifie les défauts induits par la suppression du gène MCL-1 dans les follicules pileux.
« Ces résultats démontrent le rôle essentiel de MCL‑1 dans l’inhibition de l’apoptose induite par le stress prolifératif lorsque les cellules souches quiescentes s’activent pour alimenter la régénération tissulaire », indiquent les chercheurs dans leur document. Ces résultats pourraient contribuer au développement de nouvelles approches thérapeutiques contre la chute des cheveux, en inhibant par exemple la P53 ou en augmentant les niveaux de MCL-1. Davantage de recherches seront nécessaires pour explorer ces hypothèses.