Des chercheurs parviennent à inverser de façon sûre le processus du vieillissement chez la souris

traitement anti-vieillissement
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Le processus du vieillissement s’accompagne d’un déclin progressif de toutes les fonctions de l’organisme. Le métabolisme ralentit, la masse musculaire diminue, les os se fragilisent, la vue et l’ouïe baissent. À cela s’ajoutent des risques accrus de démence, de développer une maladie cardiovasculaire ou un cancer. Depuis des décennies, les scientifiques tentent de ralentir, voire d’inverser ces effets. Une équipe du Salk Institute rapporte avoir réussi à inverser de manière sûre et efficace le processus de vieillissement chez des souris, en ramenant partiellement leurs cellules à un état plus jeune.

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont reprogrammé l’horloge moléculaire des cellules de souris âgées, à l’aide de quatre molécules connues sous le nom de « facteurs de Yamanaka » — du nom du scientifique japonais qui les a découvertes. « En plus de s’attaquer aux maladies liées à l’âge, cette approche pourrait fournir à la communauté biomédicale un nouvel outil pour restaurer la santé des tissus et des organismes en améliorant la fonction et la résilience des cellules dans différentes situations pathologiques, comme les maladies neurodégénératives », a déclaré dans un communiqué Juan Carlos Izpisua Belmonte, professeur au Gene Expression Laboratory du Salk Institute.

Les facteurs de Yamanaka sont quatre protéines (ou plus exactement des facteurs de transcription), Oct3/4, Sox2, KLF4, et c-Myc, que l’on retrouve dans les cellules souches embryonnaires ; elles contrôlent la façon dont l’ADN est copié pour être traduit en d’autres protéines. Ces facteurs sont fréquemment utilisés en laboratoire pour convertir des cellules spécialisées en cellules souches pluripotentes. Lors de précédentes recherches, Belmonte et son équipe ont montré que les facteurs de Yamanaka avaient la faculté de contrer les signes du vieillissement, d’accélérer la régénération musculaire et de favoriser la régénération des tissus. Il était question cette fois-ci de prouver l’innocuité de cette approche sur le long terme.

Des effets rajeunissants observés dans différents tissus

Les facteurs de Yamanaka peuvent réinitialiser l’horloge moléculaire des cellules, en ramenant les différents marqueurs épigénétiques — qui évoluent au cours du vieillissement — à leur état d’origine. Ils ont déjà été utilisés sur le court terme pour améliorer avec succès la fonction de divers tissus comme le cœur, le cerveau et le nerf optique. Grâce à eux, une équipe est par exemple parvenue à inverser la perte de vision dans un modèle murin de glaucome et chez des souris âgées.

Après de multiples résultats très encourageants, associés à des contextes pathologiques bien spécifiques, les chercheurs du Salk Institute ont cherché à déterminer si ces mêmes molécules pouvaient être utilisées sur le long terme, sur des souris d’âge moyen à avancé, ne présentant aucun problème de santé et vieillissant « normalement ». Ils ont donc traité un groupe de souris, âgées de 15 à 22 mois (ce qui correspond approximativement à un âge humain de 50 à 70 ans), avec des doses régulières de facteurs de Yamanaka pendant plusieurs mois. Un autre groupe, âgé de 12 à 22 mois (soit environ 35 à 70 ans chez l’Homme) a été soumis au même traitement. Enfin, un troisième groupe a été traité pendant un mois seulement, à l’âge de 25 mois (ce qui correspond à l’âge humain de 80 ans).

À l’issue de l’expérience, les chercheurs ont pu constater que les souris traitées ne présentaient aucun changement neurologique ou cellulaire, ni aucun signe de cancer. « Nous n’avons constaté aucun effet négatif sur la santé, le comportement ou le poids corporel de ces animaux », confirme Pradeep Reddy, qui a participé à cette étude. Par ailleurs, les souris ayant bénéficié du traitement ressemblaient beaucoup à de jeunes souris. « La reprogrammation partielle à long terme entraîne des effets rajeunissants dans différents tissus, tels que les reins et la peau, et au niveau de l’organisme », rapporte l’équipe dans Nature Aging.

Des cellules plus résistantes au stress

Dans les reins et la peau, l’épigénétique des animaux traités ressemblait davantage aux modèles épigénétiques observés chez les animaux plus jeunes. En outre, lorsqu’elles étaient blessées, les cellules cutanées des animaux traités proliféraient plus rapidement et étaient moins susceptibles de former des cicatrices permanentes — tandis que les animaux âgés présentent généralement une moindre prolifération des cellules cutanées et davantage de cicatrices. L’équipe a constaté par ailleurs que les molécules métaboliques dans le sang des animaux traités ne présentaient pas de changements normaux liés à l’âge.

Les effets rajeunissants étaient associés à une inversion de l’horloge épigénétique et à des modifications métaboliques et transcriptomiques, telles qu’une expression réduite des gènes impliqués dans les voies de l’inflammation, de la sénescence (dégradation cellulaire) et de la réponse au stress, précisent les chercheurs. La durée du traitement semble déterminer l’ampleur des effets bénéfiques : ceux-ci n’ont en effet été observés que chez les animaux traités sur une longue durée (sept ou dix mois) ; les animaux traités pendant un seul mois n’ont présenté aucun signe de rajeunissement.

Fait intéressant : les chercheurs ont remarqué qu’à mi-chemin du traitement, les effets du rajeunissement n’étaient pas encore évidents, ce qui suggère que cette approche ne se contente pas de mettre en pause le processus de vieillissement, mais qu’elle le fait reculer activement. D’autres recherches sont cependant nécessaires pour confirmer ce point, précisent les scientifiques.

Maintenant que l’utilisation des facteurs de Yamanaka sur une période plus longue apparaît sûre et efficace, l’équipe prévoit de mener d’autres recherches pour mieux comprendre leur mode d’action sur des molécules et gènes spécifiques. Grâce à leurs recherches, les scientifiques espèrent développer un jour un traitement qui permette de vivre plus longtemps en bonne santé. « En fin de compte, nous voulons redonner de la résilience et des fonctions aux cellules âgées afin qu’elles soient plus résistantes au stress, aux blessures et aux maladies », conclut Reddy.

Source : K. Browder et al., Nature Aging

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