Les différences d’intelligence entre individus seraient aussi liées à l’efficacité neuronale

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La question de l’intelligence, notamment de sa définition et de son exploration fonctionnelle, est un sujet d’étude actif dans le domaine des neurosciences. Dès la moitié du 19ème siècle, les scientifiques tentent d’en appréhender les aspects neuropsychologiques et neurobiologiques. S’il a été établi que les personnes considérées comme intelligentes arborent un volume cérébral plus important, une équipe de neuroscientifiques suggère qu’elles possèdent également un réseau neuronal moins dense, mais organisé de façon plus efficace.

Dès l’émergence des neurosciences, rechercher les différences biologiques structurelles entre les individus d’intelligence (*) variée a été l’une des préoccupations majeures des scientifiques. Malgré la complexité sous-tendant la notion d’intelligence, les chercheurs ont, au cours des années, déterminé des aspects anatomiques qui seraient à l’origine des différences d’intelligence observées entre les individus. Une nouvelle fois, des neurobiologistes suggèrent que ces différences pourraient bien trouver leur origine dans l’organisation neuronale.

(*) : la définition de l’intelligence (et sa relation au QI) retenue par les auteurs de la publication pour les besoins de l’expérience, se base sur les capacités d’analyse, de réflexion et de résolution d’un individu. C’est donc dans ce sens qu’est utilisé le terme « intelligence » dans le reste de l’article.

La relation entre l’intelligence et la structure du cerveau

La mesure la plus couramment utilisée pour rendre compte des capacités cérébro-cognitives d’une personne est le quotient intellectuel (QI). Au fil du temps, les chercheurs ont développé un grand nombre d’outils psychométriques complets ciblant les différents « types » d’intelligence. Ces outils ont permis de constituer une batterie de tests scientifiques présentant aujourd’hui une bonne fidélité et fiabilité.

Très vite, les chercheurs ont cherché des corrélations entre les résultats de tests psychométriques et la structure organique du cerveau. Dès le 19ème siècle, des scientifiques comme Pierre Paul Broca et Francis Galton ont montré le lien qui existait entre intelligence et taille du cerveau. Avec l’avènement de l’IRM et l’analyse de méta-données recueillies pendant des dizaines d’années, les neurobiologistes démontrent aujourd’hui que les personnes avec un haut QI possèdent un volume cortical plus important, notamment dans les régions pariéto-frontales. L’explication couramment retenue est que les individus avec une plus grand volume cortical possèdent plus de neurones et donc une faculté d’analyse et de raisonnement améliorée.

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Selon les recherches menées en neurosciences, l’origine des différences d’intelligence entre individus ne proviendrait pas seulement d’un volume cérébral plus important mais également d’un réseau neuronal moins dense et agencé plus efficacement. Ainsi, chez les personnes à haut QI, la densité de neurites (axones et dendrites) est plus faible, mais les connexions sont mieux organisées. C’est l’hypothèse de l’efficacité neuronale. Crédits : Erhan Genç & al

Dans les années 1980, grâce au développement du PET scan, les scientifiques ont pu cartographier la structure cérébrale d’individus en train de passer un test d’intelligence à choix multiples, appelé « matrices progressives de Raven ». Les données ont montré un métabolisme cérébral moindre pour les résultats les plus hauts du test. En d’autres termes, l’intelligence n’est pas reliée à un fort travail cérébral mais plutôt à une utilisation efficace du cerveau. Ces résultats ont donné lieu à l’hypothèse de « l’efficacité neuronale ». L’idée que l’intelligence ne dépende pas d’un traitement intense de l’information mais d’un traitement efficace de celle-ci, est confortée par plusieurs études employant une large gamme de méthodes neuroscientifiques.

Intelligence : un réseau neuronal moins dense pour plus d’efficacité

La méthode d’imagerie d’orientation, de dispersion et de densité des neurites (NODDI) est une technique d’IRM par diffusion permettant d’explorer la microstructure cérébrale, notamment les différentes interconnexions et prolongements neuronaux (axones et dendrites). Une équipe de neurobiologistes allemands a utilisé cette méthode pour démontrer que la densité dendritique et l’arborescence de matière grise au sein de cerveaux avec un haut QI sont plus basses, mais structurellement mieux organisées. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.

Pour ce faire, les chercheurs ont réuni un groupe de 259 sujets (138 hommes, 121 femmes) en bonne santé, allant de 18 à 40 ans. Dans un premier temps, la structure cérébrale interne des sujets a été analysée au moyen de la méthode NODDI. Dans un second temps, les participants ont été soumis à un test d’intelligence appelé « Bochumer Matrizentest » (BOMAT), comportant 28 questions. Les scores des sujets allaient de 7 à 27.

En combinant les données du NODDI avec les scores, les chercheurs ont découvert que non seulement les personnes ayant obtenu le plus haut score possédaient plus de neurones, mais qu’en outre elles avaient aussi moins d’interconnexions dendritiques entre les neurones (réseau neuronal moins dense), notamment dans les régions pariéto-frontales, comme le suggéraient les études précédentes. Pour le confirmer, les auteurs ont confronté leurs résultats avec 500 cartographies neuronales de la base de données de l’Human Connectome Project, et ont bien retrouvé le même type de modèle reliant un haut QI avec une moindre interconnectivité.

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Graphiques représentant la densité et l’orientation des neurites dans le cortex et la matière blanche, en fonction du score au test BOMAT. Les sujets ayant les scores les plus hauts possèdent une densité et une dispersion de neurites plus basses. Crédits : Erhan Genç & al

Ces résultats confortent l’hypothèse de l’efficacité neuronale voulant que les neurones soient connectés de telle manière à minimiser l’effort de réflexion tout en l’optimisant. « Les cerveaux intelligents sont caractérisés par un réseau neuronal ténu mais très efficace. Cela permet d’atteindre un haut niveau de réflexion tout en minimisant l’activité neuronale » explique Erhan Genç, neurologiste et auteur principal de l’étude.

Il convient cependant de rester prudent dans la généralisation de ces résultats. En effet, l’interprétation des tests psychométriques et de QI est encore sujet à débat au sein de la communauté scientifique. D’autant plus que la définition de l’intelligence est en réalité polysémique et ne fait pas qu’englober les capacités d’analyse et de réflexion. Les données de l’étude, bien qu’extrêmement intéressantes sur le plan neurobiologique, doivent pour le moment être circonscrites au périmètre de l’expérience dans lequel elles trouvent une véritable cohérence. Cependant, ces résultats pourraient aider à optimiser les réseaux de neurones sous-tendant les intelligences artificielles, en les faisant travailler plus efficacement tout en diminuant leur consommation d’énergie.

Source : Nature Communications

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