L’éruption explosive du volcan Kilauea que les géologues craignaient vient de se produire

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| US Geological Survey
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Tôt dans la matinée du jeudi 17 mai, le volcan Kīlauea d’Hawaï a subit une éruption explosive, propulsant des rochers sur des centaines de mètres, et éjectant un panache de cendres à une altitude d’environ 9400 mètres.

Une webcam de l’Observatoire volcanologique d’Hawaï a immortalisé les conséquences de cette éruption éphémère. Une véritable pluie de cendres humides et poussiéreuses sur un paysage sombre. Du sommet du volcan Mauna Loa, situé à 32 kilomètres, les caméras ont pu photographier un panache en forme d’enclume qui ondulait à l’horizon. Lors d’une conférence de presse, Michelle Coombs, géologue à l’US Geological Survey a déclaré que l’activité pourrait redevenir instable et provoquer d’autres explosions. « Là-haut, c’est une situation vraiment dynamique », a-t-elle déclaré.

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Schéma résumant la formation et le déclenchement d’une éruption volcanique phréatique. Crédits : U.S Geological Survey

Les scientifiques avaient déjà émis des avertissements pendant plusieurs jours à propos d’une potentielle éruption majeure, alors que le « lac » de lave qui remplissait le cratère au sommet du Kīlauea commençait à s’écouler dans le sol. Ils craignaient que la roche en fusion ne crée de la vapeur lorsqu’elle allait interagir avec la nappe phréatique, et que la vapeur ainsi générée se propage vers le haut, projetant des roches et des cendres lourdes dans le ciel. Un phénomène connu sous le nom d’ « éruption phréatique ».

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« C’est le genre d’activité explosive que l’on prévoyait », a déclaré Mike Poland, géophysicien de l’USGS, basé à Kīlauea de 2005 à 2015. « Ce ne sera pas le seul, il y aura probablement d’autres événements ». Les responsables du Parc national des volcans d’Hawaï ont déclaré que la caldeira, ou caldera – la dépression au centre du volcan – a chuté de plus de 90 centimètres durant la nuit, déclenchant de fréquents tremblements de terre qui ont fissuré les autoroutes de la région.

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Une image de l’éruption tôt le matin à Kilauea, prise par une webcam du volcan Mauna Loa. Crédits : U.S. Geological Survey

Comme la caldera s’écoule plus loin, elle peut déclencher d’autres explosions entraînées par la vapeur, ont-ils déclaré. Bien que dramatique, l’éruption de jeudi (qui a précisément eu lieu à 4h15, heure locale), n’a pas constitué une menace immédiate pour les habitants des environs.

Le personnel de l’observatoire a quitté mercredi sa station de Kīlauea, pour s’installer à l’université d’Hawaï à Hilo, après avoir conclu qu’emportées par le vent, des cendres pouvaient les atteindre. Selon certaines sources, les retombées les plus conséquentes étaient situées dans une zone à quelques centaines de mètres de l’évent éruptif du sommet. C’est là que l’explosion aurait propulsé des gaz chauds et des roches d’un poids allant jusqu’à 450 kg. Pour cette raison, le parc national est fermé depuis la semaine dernière.

À l’heure actuelle, le vent est déjà en train de transporter le panache de l’éruption nord-est, ce qui engendre des pluies de cendres au-dessus des habitations voisines. Suite aux instructions de la défense civile hawaïenne, les radios locales diffusent actuellement des avertissements en précisant que le principal danger pour la santé étant les cendres transportées par le vent.

VIDÉO : Un résumé de l’événement réalisé par le CNN (diffusé en direct)

Les résidents ont reçu l’ordre de se mettre à l’abri s’ils se trouvaient à portée des retombées du panache. Selon les conditions météorologiques, l’USGS a déclaré que les cendres pourraient atteindre Hilo, situé à 50 kilomètres au nord-est du point d’éruption. L’observatoire a également averti que le vog (un aérosol qui se forme lorsque des gaz volcaniques, notamment du dioxyde de soufre, réagissent avec le dioxygène et la vapeur d’eau atmosphérique en présence de rayonnement solaire, générant de l’acide sulfurique et des sulfates), a été signalé dans le petit village de Pahala, situé au sud-ouest du volcan. Pendant ce temps, le temps orageux n’a pas aidé car les cendres se sont mêlées à la pluie, créant une pâte sombre qui recouvre les toits et les pare-brise des voitures.

 

Bien que néfaste, voire très douloureuse sur le plan moral (et physique selon les cas) pour les personnes vivant près de Kīlauea – en particulier ceux qui ont déjà perdu leurs habitations -, l’éruption n’aura pas d’incidence significative sur le reste de la Grande île, a indiqué Mike Poland. « Et cela n’est pas susceptible de se transformer en un événement catastrophique », ajoute-t-il.

Le Kīlauea est un énorme volcan bouclier de la grande île d’Hawaï ; le site de l’éruption la plus longe au monde, qui a fait couler de la lave depuis 1983. Mais ces dernières semaines, le volcan est devenu particulièrement agité. Environ 20 fissures se sont ouvertes le long des pentes orientales du volcan, provoquant l’évacuation de près de 2000 résidents, et engloutissant des douzaines de maisons sous les coulées de lave.

Lors d’une autre conférence de presse ayant eu lieu jeudi, le scientifique adjoint responsable de l’Observatoire volcanologique d’Hawaï, Steve Brantley, a déclaré que les coulées de lave dans la zone du rift ont ralenti ces derniers jours. Mais les instruments d’observation ont enregistré une « déformation extrême » du sol dans cette zone. Un instrument GPS a bougé de moins de 10 centimètres en 24 heures, un signe de l’agitation sousterraine. « Cela indique que la zone de rift s’écarte », a déclaré Brantley.

Toute cette activité le long de la zone du rift a causé une dépressurisation dramatique de la colonne de magma située en dessous du sommet du Kīlauea, drainant lentement le lac de lave dans le cratère du sommet. Ces derniers jours, de plus petites éruptions ont projeté des cendres dans le ciel. Ces événements n’étaient pas « les plus importants » causés par les interactions entre la roche chaude et les eaux souterraines, a déclaré mardi Michelle Coombs. Mais dans sa globalité, l’événement de jeudi était selon les chercheurs, « le plus conséquent », si ce n’est au moins « l’un des plus conséquents ».

Comme la roche fondue s’est écoulée jusqu’en dessous du niveau de la nappe phréatique, il est probable que l’eau dans la roche environnante ait commencé à se déverser dans la chambre vidée, explique Charlotte Rowe, géophysicienne au Los Alamos National Laboratory. L’eau deviendrait alors de la vapeur, « et la vapeur telle que nous la connaissons, constitue une source d’énergie très puissante, un propulseur très puissant », a déclaré Rowe.

Kīlauea est déjà entré en activité de cette manière auparavant. En mai 1924, l’Observatoire volcanologique d’Hawaï a signalé plus de 50 explosions au sommet du volcan, sur une période de plus de deux semaines. Le lac de lave s’était écoulé du cratère sommital plusieurs mois plus tôt (avant que le scénario ne se répète). Les éruptions ont généré des nuages ​​de cendres de plus de huit kilomètres de haut, et les différents jets ont projeté des blocs pesant jusqu’à 12’000 kg, hors du cratère. Une personne a été tuée par la chute de débris lors de l’éruption la plus violente.

Alors que St. Helens se trouve le long de la limite géologiquement active de la plaque du Pacifique, Kīlauea et les autres volcans hawaïens sont alimentés par un point chaud dans le manteau terrestre. Mais les éruptions phréatiques peuvent encore constituer une menace mortelle pour quiconque se trouve près de l’évent éruptif, « et elles sont extrêmement difficiles à prévoir », précise Poland.

Les éruptions magmatiques offrent des signaux d’avertissement pour une évacuation potentielle, y compris le gonflement du sol environnant, l’activité sismique causée par la rupture des roches et les changements dans les gaz évacués. Les éruptions phréatiques quant à elles, sont « beaucoup plus aléatoires », a déclaré Poland. En 2014, plus de 30 personnes ont été tuées lorsqu’une éruption phréatique a eu lieu au Mont Ontake (Japon). L’éruption les a surpris alors qu’ils étaient au sommet du volcan.

En plus de surveiller l’activité actuelle du volcan, les chercheurs analysent les données du vaste réseau de surveillance de Kīlauea – des inclinomètres, des sismographes et des détecteurs de gaz terrestres et aériens – à la recherche de tout changement ayant précédé l’événement de jeudi. Leur espoir est d’identifier les signes avant-coureurs qui pourraient être utilisés pour prédire les éruptions phréatiques à Hawaï, et ailleurs dans le monde.

Source : The Washington Post

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