Mars Express : découverte d’un potentiel réservoir d’eau liquide sous la surface martienne

mars pole sud depots
| Goddard Space Center/NASA
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La planète rouge n’a définitivement pas fini de nous livrer tous ses secrets. Suspectée depuis une trentaine d’années de se cacher dans les profondeurs de la planète, l’eau martienne restait dissimulée aux yeux des scientifiques et de leurs instruments. Grâce à la mission Mars Express, les astrophysiciens viennent enfin de détecter un vaste réservoir d’eau liquide sous la surface.

Lancée le 2 juin 2003 par l’ESA, la sonde spatiale Mars Express a permis de mettre en évidence de nombreux phénomènes géophysiques martiens (minéraux hydratés, épisodes volcaniques, aurores polaires, etc). Grâce à son radar, des astrophysiciens italiens ont récemment découvert la présence d’un important réservoir d’eau liquide de 20 km de diamètre à 1.5 km sous la surface du pôle Sud. Selon les chercheurs, ce « lac » serait similaire aux lacs subglaciaires piégés sous la glace de l’Arctique et de l’Antarctique. La découverte a été publiée dans le journal Science.

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La présence d’eau liquide dans des lacs subglaciaires sous la surface de la planète rouge est théorisée depuis 30 ans par les scientifiques. Pour réaliser leur découverte, les astrophysiciens italiens ont utilisé un instrument radar particulier de Mars Express destiné à l’étude des sub-surfaces.

Le Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding (MARSIS) utilise la technologie radar pour sonder les profondeurs de Mars et a tenté d’y détecter la présence d’eau pendant plus de 12 ans.

images radar mars express
Entre 2012 et 2015, 29 observations effectuées grâce à l’instrument MARSIS permettent de circonscrire une zone de recherche de 200 km de diamètre au pôle Sud (gauche). Sur la base d’une image thermique de la zone, obtenue grâce à la sonde spatiale Mars Odyssey (centre, en gris), le radar de Mars Express a pu recueillir différents signaux réflectifs de la structure sous la surface (centre, en couleurs). Le radargramme a permis de mettre en évidence la présence potentielle d’eau liquide là où le signal radar est le plus lumineux (droite). Crédits : NASA/Viking/THEMIS/ESA/NASA/JPL/ASI/Univ. Rome

Entre mai 2012 et décembre 2015, les données recueillies tendent à circonscrire la recherche à une zone de 200 km de diamètre au pôle Sud appelée « Planum Australe ». Bien que d’autres hypothèses, comme de la glace d’eau très pure ou de la glace de dioxyde de carbone, puissent expliquer une telle anomalie réflective en profondeur, les simulations effectuées ont révélé que le profil réflectif de la structure correspondait, avec un plus grand degré de fidélité, à de l’eau liquide.

Toutefois, la température du réservoir est estimé à environ -70°C, bien en dessous du point de congélation de l’eau ; y compris pour les eaux hypersalines de l’Antarctique dont la teneur en sel leur permet de conserver un état liquide jusqu’à -13 °C. Néanmoins, l’eau martienne pourrait tout de même être liquide à cette température en considérant une teneur en sel de magnésium, sodium ou calcium, combinée à la pression ambiante. Cette combinaison pourrait ramener le point de congélation à -74°C.

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Image du pôle Sud martien capturée par l’ExoMars Trace Gas Orbiter le 13 mai 2018. Les pôles martiens sont constitués de couches de glace mêlées à des dépôts de poussière. Crédits : ESA/ Roscosmos/ CaSSIS

Cette découverte ouvre également une nouvelle fenêtre sur la présence d’une vie martienne. La vie existe et prospère dans les lacs subglaciaires terrestres. Et de précédentes études ont suggéré que de tels lacs martiens pourraient également abriter la vie. « Il y a des traces de vie, sur Terre, une importante vie microbienne dans les eaux sous les pôles, et même des microbes pouvant survivre dans les veines de glace » explique Brendan Burns, astrobiologiste à l’université de Nouvelle-Galles du Sud. « Des conditions similaires sur Mars doivent encore être expérimentalement confirmées, mais cette découverte ouvre de nouvelles voies fascinantes pour l’exploration spatiale ».

Bien que la nouvelle soit encourageante, des réserves doivent toutefois être observées. Certains astrophysiciens rappellent que bien que la résolution de MARSIS soit excellente, elle n’en est pas pourtant infaillible.

Il se pourrait que le radargramme enregistré ne soit en réalité pas celui d’un profil d’eau liquide, bien que ce soit l’explication la plus probable. De même concernant la présence potentielle de vie, la concentration en sel du lac pourrait s’avérer totalement hostile à une vie microbienne.

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Radargramme obtenu grâce à l’instrument MARSIS. Un radargramme est une combinaison d’échos radar bi-dimensionnelle. La luminosité correspond à la puissance de l’écho radar. Crédits : ESA / NASA / JPL / ASI / Univ. Rome; R. Orosei et al 2018

Cette découverte va néanmoins permettre aux scientifiques d’améliorer les modèles climatiques martiens, ceux de la structure de son hydrosphère et de l’évolution des océans qui ont un jour recouvert sa surface. De plus, maintenant que la technique radar a montré son efficacité, d’autres équipes vont pouvoir chercher de l’eau liquide à différents endroits.

« Pendant des dizaines d’années nous avons trouvé des traces de glace ou d’anciennes rivières. Maintenant, nous savons que l’eau liquide existe sur Mars. Et comme les lacs subglaciaires terrestres, Mars a aussi les siens. Chaque mois de nouvelles découvertes nous rapprochent de la réponse à la question fondamentale : la vie existe-t-elle ailleurs que sur Terre ? » conclut Brad Tucker, astrophysicien à l’université nationale d’Australie.

Source : Science

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