Le niveau de la mer augmentera de 2,5 mètres, malgré l’effort mondial pour le climat

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C’est la conclusion d’une nouvelle étude publiée dans Nature. Le constat est clair : si l’Accord de Paris n’est pas respecté, l’impact à long terme de la fonte des glaces antarctiques aura des conséquences dramatiques. Même en maintenant le réchauffement à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels, l’élévation du niveau de la mer est inévitable.

La calotte glaciaire de l’Antarctique couvre une surface équivalente à l’Amérique du Nord et mesure près de 5 km d’épaisseur. Elle représente à elle seule plus de la moitié des ressources en eau douce de la Terre. C’est donc de loin la plus grande source potentielle d’élévation mondiale du niveau de la mer dans un contexte de réchauffement climatique. Si tout le continent venait à disparaître, le niveau de la mer s’élèverait de 58 mètres ! Son évolution à long terme déterminera le sort de toutes les villes côtières du monde.

De la glace perdue pour toujours

Dans une nouvelle étude, une équipe de chercheurs allemands, du Potsdam Institute for Climate Impact Research, s’intéresse au comportement de l’Antarctique face au réchauffement climatique. Ils montrent que l’inlandsis (la calotte polaire) antarctique est sensible à plusieurs seuils de température au-delà desquels la perte de glace est malheureusement irréversible.

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En modélisant l’évolution de l’inlandsis, et sur la base de données paléontologiques concernant la dernière période interglaciaire, les chercheurs ont ainsi mis en évidence trois seuils principaux de température, à partir desquels le rythme de fonte des glaces s’accélère :

  • À des niveaux de réchauffement planétaire d’environ 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels — soit la limite fixée par l’Accord de Paris — l’Antarctique occidental se dirige vers un effondrement partiel à long terme, en raison de l’instabilité de la calotte glaciaire marine.
  • Entre 6 et 9 °C de réchauffement au-dessus des niveaux préindustriels, l’Antarctique perdra plus de 70% de son volume actuel de glace, un phénomène principalement causé par la rétroaction d’élévation de la surface.
  • À plus de 10 °C de réchauffement, l’Antarctique deviendra pratiquement exempt de glace.

Voici une animation illustrant l’évolution de la calotte glaciaire antarctique en fonction de l’augmentation de la température moyenne du globe :

Par conséquent, jusqu’à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels, la fonte de la calotte glaciaire entraînera une élévation du niveau de la mer de 1,3 mètre par degré de réchauffement. Entre 2 et 6 °C, les conséquences seraient presque deux fois plus importantes : 2,4 mètres d’élévation. Enfin, entre 6 et 9 °C, le niveau d’eau grimperait d’environ 10 mètres par degré !

Malheureusement, les scientifiques ont découvert que chacun de ces seuils donne lieu à un comportement d’hystérésis : la glace fond plus facilement qu’elle ne se reforme, cela signifie qu’en aucun cas la configuration de la calotte glaciaire actuellement observée ne sera retrouvée et ce, même si les températures reviennent aux niveaux actuels. En particulier, la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental ne retrouvera son étendue initiale que si les températures sont inférieures d’au moins 1 °C aux niveaux préindustriels !

En résumé, même si l’Accord de Paris est respecté, la montée des eaux est inéluctable. Dans le pire des scénarios, la contribution à long terme de l’Antarctique augmentera considérablement le niveau de la mer, dépassant de loin l’impact de toutes les autres sources d’eau liquide qui contribueront au phénomène. « Plus nous en apprenons sur l’Antarctique, plus les prédictions se compliquent. Nous obtenons une énorme élévation du niveau de la mer même si nous respectons l’Accord de Paris, et des chiffres catastrophiques si nous ne le faisons pas », avertit Anders Levermann, co-auteur de l’article.

Les villes côtières en sursis

Cela fait environ 34 millions d’années que la calotte glaciaire antarctique existe telle qu’elle est aujourd’hui. « Nos simulations montrent qu’une fois fondue, elle ne reviendra pas à son état initial sauf dans un scénario hautement improbable où les températures chutent littéralement », commente Anders Levermann.

Les raisons de cette irréversibilité ? Torsten Albrecht, l’un des membres de l’équipe explique qu’en Antarctique occidental, le principal facteur de perte de glace est l’eau chaude de l’océan, qui entraîne une fonte plus importante des plateformes de glace flottante, qui à son tour peut déstabiliser la calotte glaciaire ancrée au sol. Si les températures dépassent le seuil de 6 °C au-dessus des niveaux préindustriels, les effets de la glace de surface deviennent plus dominants : à mesure que les montagnes de glace perdent en altitude, elles parviennent à des hauteurs où l’air est plus chaud et accélère encore davantage la fonte.

Selon Jonathan Bamber, professeur de glaciologie à l’Université de Bristol, qui ne fait pas partie de l’équipe, cette étude fournit des preuves irréfutables que même un réchauffement climatique modéré aura des conséquences incroyablement graves pour l’humanité. Et ces conséquences augmentent de manière exponentielle à mesure que la température augmente. L’élévation du niveau de la mer due à l’Antarctique, même si l’on maintient le réchauffement à 2 °C, représente une menace existentielle pour des pays entiers.

Si les températures augmentaient de 4 °C au-dessus des niveaux préindustriels — ce qui, selon certaines prévisions, est possible si le monde ne parvient pas à réduire rapidement ses émissions de gaz à effet de serre — alors le niveau de la mer s’élèverait de plusieurs mètres rien que par la fonte des glaces antarctiques (et c’est sans compter la contribution du Groenland et d’autres glaciers !). Cela suffirait finalement à inonder toutes les villes côtières du monde et à provoquer des ravages à l’échelle mondiale. New York, Rio, Hambourg, Tokyo, Shanghai, Sydney parmi tant d’autres pourraient être rayées de la carte.

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Des températures de plus de 20 °C ont été enregistrées pour la première fois en Antarctique au début de cette année. Plus tôt cette semaine, la calotte glaciaire arctique a elle aussi montré les effets de la crise climatique. Comme chaque fin d’été, l’étendue de la banquise arctique a atteint son minimum annuel : 3,74 millions de km² mesurés le 15 septembre, soit la deuxième valeur la plus basse jamais enregistrée, selon le US National Snow and Ice Data Center. La surface était aussi tombée sous la barre des 4 millions de km² en 2012. Twila Moon, chercheuse à l’Université du Colorado à Boulder, souligne à ce sujet que non seulement la banquise se réduit, mais elle est également plus jeune et plus vulnérable dans son ensemble.

Bien entendu, les glaces antarctiques ne vont pas disparaître de sitôt et mettront plusieurs siècles à fondre. Mais dans tous les cas, il sera très difficile, voire impossible, de stopper et d’inverser le processus en cours.

Sources : Nature, Winkelmann et al. et PIK

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