Un dispositif électronique biosynthétique reproduit le comportement des neurones humains

memristor neurones
| UMass Amherst/Yao lab
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Depuis une dizaine d’années, une nouvelle discipline à l’interface de la biologie et de l’électronique a émergé : l’informatique neuromorphique. Ces recherches visent à développer des appareils électroniques se comportant comme des systèmes neurobiologiques, notamment en adoptant le mode de fonctionnement des neurones humains. Récemment, une équipe de chercheurs est parvenue à mettre au point un dispositif microscopique mimant la dynamique neurologique du cerveau humain avec une très grande efficacité, notamment en reproduisant ses capacités d’apprentissage.

Une équipe de l’Université du Massachusetts a découvert, alors qu’elle était en train de mieux comprendre les nanofils de protéines, comment utiliser ces filaments biologiques conducteurs d’électricité pour fabriquer un dispositif de mémorisation neuromorphique, ou transistor à mémoire (memristor). Il fonctionne extrêmement efficacement à très faible puissance, comme le fait le cerveau, pour transporter des signaux entre les neurones. L’étude a été publiée dans la revue Nature Communications.

Tianda Fu, chercheur en génie électrique et informatique, explique que l’un des plus grands obstacles à l’informatique neuromorphique est que la plupart des ordinateurs conventionnels fonctionnent à plus de 1 volt, tandis que le cerveau envoie des signaux appelés potentiels d’action entre les neurones à environ 80 millivolts.

Memristor : atteindre la tension électrique neurologique via des nanofils protéiques bactériens

De nos jours, une décennie après les premières expériences, la tension du memristor a été atteinte dans une plage similaire à celle d’un ordinateur conventionnel, mais descendre en dessous de cela semblait improbable. Fu rapporte qu’en utilisant des nanofils de protéines développés à partir de la bactérie Geobacter par le microbiologiste Derek Lovely, il a mené des expériences, avec son collègue Jun Yao, où les memristors ont atteint des tensions neurologiques.

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d : image en microscopie électronique à transmission de la bactérie Geobacter sulfurreducens et de ses nanofils protéiques. e : schéma montrant l’introduction de nanofils bactériens dans un memristor, facilitant la réduction cathodique des ions Ag+. Crédits : Tianda Fu et al. 2020

« C’est la première fois qu’un appareil peut fonctionner au même niveau de tension que le cerveau. Les gens n’osaient probablement même pas espérer que nous pourrions créer un appareil aussi économe en énergie que les homologues biologiques d’un cerveau, mais maintenant nous avons des preuves réalistes de capacités de calcul à ultra-basse puissance. C’est une percée conceptuelle et nous pensons que cela va provoquer beaucoup d’exploration en électronique fonctionnant dans le régime de tension biologique », explique Yao.

Lovely souligne que les nanofils de protéines électriquement conductrices de Geobacter offrent de nombreux avantages par rapport aux nanofils de silicium coûteux, qui nécessitent des produits chimiques toxiques et des processus à haute énergie pour être produits. Les nanofils de protéines sont également plus stables dans l’eau ou les fluides corporels, une caractéristique importante pour les applications biomédicales. Pour ce travail, les chercheurs coupent les nanofils des bactéries afin que seule la protéine conductrice soit utilisée.

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Schéma planaire du memristor à nanofils bactériens. Crédits : Tianda Fu et al. 2020

Fu et Yao ont décidé de mettre les nanofils purifiés à l’épreuve, pour voir de quoi ils étaient capables à différentes tensions. Ils ont expérimenté un modèle marche-arrêt pulsé de charge positive-négative envoyé à travers un minuscule réseau métallique dans un memristor, ce qui crée un interrupteur électrique.

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La dynamique synaptique des neurones humains correctement reproduite

Ils ont utilisé un réseau métallique car les nanofils de protéines facilitent la réduction des métaux, modifiant la réactivité des ions métalliques et les propriétés de transfert d’électrons. Lovely indique que cette capacité microbienne n’est pas surprenante, car les nanofils bactériens  utilisent et réduisent chimiquement les métaux pour obtenir leur énergie comme nous respirons l’oxygène.

Comme les impulsions marche-arrêt créent des changements dans les filaments métalliques, de nouvelles ramifications et connexions sont créées dans le petit appareil, qui est 100 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu humain. Cela crée un effet similaire à la création de nouvelles connexions dans un vrai cerveau.

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Schéma montrant l’intégration d’un circuit neuronal bioartificiel à base de memristor dans le corps humain. Crédits : Tianda Fu et al. 2020

« Vous pouvez moduler la conductivité ou la plasticité de la synapse à nanofils-memristor afin qu’elle puisse émuler des composants biologiques pour une informatique inspirée du cerveau. Comparé à un ordinateur conventionnel, cet appareil a une capacité d’apprentissage qui n’est pas basée sur un logiciel », explique Fu.

Fu, Yao et Lovely prévoient de poursuivre cette découverte avec plus de recherches sur les mécanismes et « d’explorer pleinement la chimie, la biologie et l’électronique » des nanofils de protéines dans les memristors, explique Fu, ainsi que les applications possibles, qui pourraient inclure un dispositif pour surveiller la fréquence cardiaque, par exemple.

Sources : Nature Communications

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