Pour quelles raisons le cerveau humain est-il si gros ?

taille cerveau humain homme
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La plupart des animaux ont un cerveau dont la taille correspond à leur gabarit — les espèces de grande taille possèdent souvent un cerveau plus grand. Toutefois, le cerveau humain est six fois plus gros que la taille normalement attendue correspondant à nos corps. Cela est d’autant plus énigmatique que le cerveau consomme 20% de l’énergie totale de l’organisme alors qu’il n’en représente que 4% de la masse. Les scientifiques se sont donc penchés sur les raisons de cette inadéquation anatomique.

Toutes les hypothèses s’accordent à dire que l’augmentation de la taille du cerveau a permis à l’Homme d’améliorer ses facultés de résolution des problèmes. Toutefois, il y a un dissensus sur la nature de ces problèmes. L’hypothèse dominante a longtemps suggéré que la grande taille du cerveau humain est reliée aux différentes interactions sociales.

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En effet, ces dernières constituent des problèmes particulièrement complexes à résoudre — de la chasse aux gros mammifères à la planification de stratégies militaires en passant par l’évaluation des comportements individuels. Résoudre un problème social nécessite de pouvoir anticiper les intentions des personnes qui nous entourent.

comparaison cerveaux humains animaux
Comparaison de la taille des cerveaux de plusieurs animaux avec la taille d’un cerveau humain. Crédits : Neurolove

Une nouvelle hypothèse suggère une autre explication : la taille du cerveau humain serait une question d’écologie. Dans une étude publiée dans le journal Nature, une équipe de biologistes britanniques démontre que l’obligation de devoir trouver de la nourriture dans des environnements changeants (saisons, reliefs, phénomènes climatiques, etc), de devoir stocker cette même nourriture pour la consommer plus tard ou encore devoir la cuisiner pour la rendre comestible, sont des défis qui ont conduit l’Homme a devoir apprendre rapidement comment chasser des proies, construire des outils et maîtriser le feu.

Les scientifiques ont ainsi confronté les deux hypothèses. Pour ce faire, la méthode usuelle est de considérer plusieurs espèces différentes et de chercher si la taille de leur cerveau est associée à la résolution de certains problèmes spécifiques.

Par exemple, est-ce que les primates ou d’autres espèces avec des gros cerveaux ont un régime difficile à trouver mais nutritionnellement intéressant ? Cela indiquerait une origine écologique. Ou bien vivent-ils dans une communauté où ils sont confrontés à des problèmes sociaux ? Cela indiquerait une origine sociale.

primates cerveaux humain
Les primates tendent à avoir de gros cerveaux comparé à leur taille, mais chez l’Homme cette situation est accentuée. Crédits : CNX OpenStax

Si de nombreuses études ont observé de telles associations, la méthode utilisée souffre d’un problème de précision. Elle ne permet pas d’indiquer si le cerveau de ces espèces a évolué pour solutionner ces problèmes spécifiques, ou s’il a évolué pour d’autres raisons et qu’il a, dans le même temps, permis à celles-ci de pouvoir solutionner des problèmes complexes. En d’autres mots, cette méthode ne permet pas de connaître le lien de cause à effet sur la taille du cerveau.

Les auteurs ont utilisé un protocole expérimental différent. Pour ce faire, ils ont recréé les scénarios d’application des deux hypothèses via un modèle mathématique. Ce dernier leur a permis de calculer comment la taille du cerveau humain évolue lorsqu’il est confronté à des problèmes écologiques ou sociaux.

Avec cette méthode, les biologistes ont pu réaliser un bilan énergétique cérébral en déterminant l’énergie consommée par le cerveau pour résoudre certains problèmes spécifiques. En variant les problèmes écologiques et sociaux, les auteurs ont pu déterminer la manière dont le cerveau évolue selon ces différents défis.

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La nécessité de s’adapter à des environnements différents et dangereux, comme la savane, et de devoir développer des outils pour survivre constitue un défi écologique complexe responsable de la taille actuelle du cerveau humain. Crédits : Ian Sewell

Les résultats ont indiqué que c’est la combinaison des problèmes écologiques et sociaux qui a conduit à la taille du cerveau humain observée aujourd’hui. Cependant, les chercheurs se sont aperçus avec surprise que c’était l’aspect écologique qui était responsable de l’augmentation de sa taille, contrairement aux aspects sociaux qui, eux, étaient responsables de sa diminution. Cependant, les données montrent bien que ces deux facteurs sont nécessaires pour expliquer la taille actuelle du cerveau humain.

Plusieurs raisons sous-tendent la diminution de la taille du cerveau par les problèmes sociaux. L’une d’elle est que, dans une communauté, les individus mettent en commun leurs facultés de réflexion, ils n’ont donc pas besoin d’un cerveau très performant consommant beaucoup d’énergie, tout en étant capable de résoudre collectivement des problèmes.

Cependant, de nombreux animaux affrontent des problèmes écologiques complexes, pourquoi leur cerveau n’est-il pas alors plus gros ? L’étude révèle que les problèmes écologiques ne produisent des cerveaux de taille humaine que lorsque les individus continuent d’apprendre des compétences en grandissant. Cela passe, par exemple, par l’échange de connaissances culturelles entre alliés. Les résultats indiquent donc que des défis écologiques complexes et l’accumulation de connaissances culturelles mènent aux cerveaux humains.

Source : Nature

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  1. La part proportionnelle de volume de glie et de volume de neurones est-elle la même dans toutes les espèces ? Cette variable supplémentaire pourrait tout changer dans la donne dans les comparaisons entre espèces.

    Par ailleurs, dans les aptitudes sociales complexes comme dans les aptitudes cognitives… c’est surtout le cortex (matière grise) qui est à considérer et non pas l’ensemble de volume cérébral (la substance noire et la partie interne de la substance blanche sont mobilisées dans des rôles ciblant beaucoup plus le fonctionnement physiologique de l’organisme que le fonctionnement d’interface avec l’extérieur). Il me semble (je me trompe peut-être) que c’est essentiellement pour les aptitudes d’adaptation environnementale qu’on peut vraiment comparer les volumes de matière blanche, pas pour les aptitudes sociales complexes. Je suis prêt à parier que les aptitudes sociales n’ont aucun lien avec le volume TOTAL du cerveau mais plutôt avec le volume de la matière blanche uniquement. Et encore… dans le cas de l’espèce humaine (Homo sapiens sapiens) on peut se poser des questions quand on sait qu’Homo neandertalensis avait un cerveau encore plus volumineux (matière blanche essentiellement, son cortex étant moins développé) que celui d’Homo sapiens alors que ses aptitudes sociales étaient nettement plus rudimentaires.

    Et puis, en admettant qu’on ne considérerait que la part neuronale du cortex, qui lui-même n’est qu’une part du cerveau… qu’est-ce qui prend le plus de volume dans la part neuronale du cortex ? Le volume total des noyaux des neurones (donc le nombre de neurones) ou le volume total des dendrites (donc la quantité de connexions synaptiques) ? Cela aussi pourrait fondamentalement changer la donne dans les comparaisons entre espèces, car le nombre de dendrites (et de connexions synaptiques) par neurone est un nombre (donc aussi un volume relatif) qui varie dans une proportion énorme dans le monde animal.

    En cherchant (même à titre d’hypothèse de départ) à lier telle ou telle aptitude adaptative d’une espèce au volume TOTAL (tout confondu) de son cerveau, ne serait-on pas en train de se tromper de critère ? C’est un peu comme si pour comparer les capacités de photosynthèse des arbres on comparait leurs volumes entiers (y compris branches maîtresses, troncs et racines, bref tout confondu) au lieu de comparer seulement les volumes de leurs houppiers voire uniquement les volumes de leurs feuillages.

    Que les auteurs de la publication ne voient pas cela comme une critique à leur article dans Nature, c’est seulement une réflexion d’un non-spécialiste (tout de même biologiste) mais qui me semble une réflexion sensée…

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