Des vortex quantiques observés pour la première fois dans un semi-métal topologique

Une avancée qui pourrait aboutir à des technologies quantiques à faible consommation énergétique.

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Alors que l’Irlande vient de présenter son tout premier ordinateur quantique de type serveur, alimenté par une simple prise électrique, une équipe internationale de chercheurs annonce avoir observé pour la première fois un phénomène quantique jusqu’ici purement théorique : des « tornades » d’électrons formant des vortex dans « l’espace des impulsions ». Cette avancée nous en dit plus sur le comportement des électrons dans les semi-métaux topologiques et pourrait ouvrir un nouveau champ d’investigation pour des technologies quantiques à faible consommation énergétique.

Dans l’univers de la physique quantique, les particules obéissent à une double description. D’un côté, elles évoluent dans l’espace des positions, où elles se comportent comme des entités physiques tangibles. De l’autre, elles sont définies par leur mouvement et leur énergie dans un espace plus abstrait, baptisé espace des impulsions. Il ne s’agit pas seulement d’une construction théorique : cette dualité structure les limites fondamentales de l’observation, telles qu’énoncées par le principe d’incertitude de Heisenberg, qui interdit de connaître avec précision et simultanément la position et la vitesse d’une particule.

Jusqu’ici, les tourbillons quantiques — ces structures en vortex issues du mouvement des électrons — n’avaient été repérés que dans l’espace des positions, notamment au sein de fluides quantiques comme les superfluides ou les supraconducteurs. L’idée qu’ils puissent exister également dans l’espace des impulsions n’est apparue qu’il y a huit ans.

À cette époque, l’équipe du centre ct.qmat — Complexité et topologie de la matière quantique, à Dresde (Allemagne), dirigée par le physicien Roderich Moessner, cofondateur du groupe — avait franchi une étape importante en obtenant la toute première image tridimensionnelle d’un champ magnétique en vortex dans cet espace abstrait.

Moessner avait comparé cette structure à un « anneau de fumée », en raison de sa forme tourbillonnaire. Mais aucun protocole de mesure suffisamment précis ne permettait alors de valider l’hypothèse, jusqu’à ce qu’une équipe de l’Université de Wurtzbourg, dirigée par le Dr Maximilian Ünzelmann, apporte la confirmation expérimentale.

Les chercheurs sont parvenus, pour la première fois, à détecter ces tornades quantiques au sein d’un semi-métal topologique : l’arséniure de tantale (TaAs), un matériau synthétisé aux États-Unis, puis analysé au synchrotron électronique PETRA III, hébergé par le centre de recherche allemand DESY à Hambourg.

Le choix du TaAs n’est pas anodin : c’est dans ce semi-métal que furent pour la première fois observés expérimentalement, en 2015, les fermions de Weyl, des quasi-particules longtemps prédites théoriquement. « Dès que les premiers indices suggérant l’existence et la mesurabilité des vortex quantiques sont apparus, nous avons aussitôt contacté notre collègue de Dresde pour lancer une collaboration », explique Ünzelmann dans un communiqué.

Une prouesse technique rendue possible par la spectroscopie ARPES

Pour atteindre ce résultat, les scientifiques ont perfectionné une technique déjà bien connue de la physique expérimentale du solide : la spectroscopie de photoémission à résolution angulaire, ou ARPES. Cette méthode repose sur l’effet photoélectrique, mis en évidence par Albert Einstein. Elle consiste à illuminer un échantillon et à analyser l’énergie et l’angle des électrons qu’il émet.

« L’ARPES est un outil fondamental de la physique du solide… Elle nous offre un accès direct à la structure électronique d’un matériau dans l’espace des impulsions », précise Ünzelmann. « En adaptant cette technique de manière judicieuse, nous avons pu mesurer le moment angulaire orbital. C’est une méthode que j’ai commencé à utiliser dès ma thèse », ajoute-t-il.

Première des scientifiques confirment l'existence des tornades quantiques dans l’espace des impulsions
Visualisation d’un vortex quantique dans l’espace des impulsions au sein d’un semi-métal topologique, l’arséniure de tantale (TaAs). Les électrons dessinent des tourbillons subtils, révélant pour la première fois des structures en vortex dans cet espace abstrait. © Think-design/Jochen Thamm

Dans le cadre d’une étude antérieure, publiée en 2021, Ünzelmann avait déjà affiné cette méthode pour détecter, dans le même matériau, des monopôles orbitaux — une avancée reconnue internationalement. Cette fois, c’est en la combinant avec une forme de tomographie quantique que son équipe est parvenue à reconstituer une image tridimensionnelle des vortex quantiques.

Vers des applications en orbitronique

Dans leur étude publiée dans Physical Review X, les auteurs décrivent ces tornades comme des lignes de vortex topologiques du moment angulaire orbital, distinctes des fermions de Weyl. Il s’agit là d’une étape importante dans la compréhension de la physique des matériaux quantiques.

« Nous avons analysé l’échantillon couche par couche, à la manière d’une tomographie médicale », détaille Ünzelmann. « En recomposant les images obtenues, nous avons pu démontrer que les électrons dessinent bien des tourbillons dans l’espace des quantités de mouvement ».

Une découverte aux implications dépassant la seule physique fondamentale. Elle pourrait notamment être exploitée dans un champ émergent : l’orbitronique. À la différence de l’électronique traditionnelle, qui repose sur la charge des électrons, l’orbitronique envisage d’utiliser leur moment orbital pour traiter l’information, avec une consommation énergétique considérablement réduite.

L’étape suivante, pour l’équipe, consistera à explorer le potentiel du TaAs et d’autres matériaux analogues pour la conception de composants quantiques fonctionnels. La mise en évidence de ces tornades quantiques pourrait ainsi ouvrir un nouveau champ d’investigation dans l’exploration de l’espace des impulsions et le développement de technologies quantiques de nouvelle génération.

Source : Physical Review X

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