Une protéine naturelle pourrait venir à bout des allergies et des maladies auto-immunes

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Micrographie électronique à balayage colorisée d'un lymphocyte T. | NIAID
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À partir d’expériences sur des souris, des chercheurs ont identifié une protéine naturelle qui joue vraisemblablement un rôle majeur dans la prévention de l’auto-immunité et des allergies, deux réactions de défense de l’organisme liées à un dysfonctionnement du système immunitaire. Cette protéine, la neuritine, est produite par un certain type de globules blancs, les lymphocytes T régulateurs.

La plupart du temps, notre système immunitaire est un fabuleux mécanisme de défense contre les agents pathogènes qui nous entourent. Mais il arrive qu’il ne fonctionne pas comme il le devrait. Il peut par exemple devenir beaucoup trop sensible à certains composés exogènes, qui sont en réalité inoffensifs pour l’organisme, ce qui provoque des allergies. Selon l’Inserm, 25 à 30% de la population est allergique à quelque chose. Et la prévalence de ces allergies a considérablement augmenté au cours des 20-30 dernières années dans les pays industrialisés.

Les maladies auto-immunes (diabète de type 1, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, etc.) résultent elles aussi d’un dysfonctionnement du système immunitaire ; ce dernier ne tolère plus certains constituants de l’organisme lui-même, et les prend pour cibles. Le phénomène engendre des lésions cellulaires et tissulaires, qui s’accompagnent de symptômes plus ou moins sévères. On estime que 5 à 8% de la population mondiale est atteinte d’une maladie auto-immune, dont 8 sur 10 sont des femmes.

« Un antihistaminique intégré »

Il est aujourd’hui connu que certains globules blancs, appelés lymphocytes T régulateurs, aident à prévenir l’activation des lymphocytes auto-immuns, qui détruisent les cellules de leur propre organisme ; ils sont également chargés de supprimer les immunoglobulines de type E (IgE), les anticorps qui déclenchent la libération d’histamine en réponse à la détection d’un allergène. Ces lymphocytes sont donc indispensables au maintien de la tolérance immunitaire. Cependant, leur mécanisme d’action était jusqu’à présent relativement méconnu.

Il a fallu cinq ans à Paula Gonzalez-Figueroa et à son équipe, immunologistes à l’Université nationale australienne de Canberra, pour parvenir à identifier clairement les mécanismes sous-jacents à cette action régulatrice. En utilisant des souris génétiquement modifiées et des cellules d’amygdales humaines cultivées en laboratoire, ils ont trouvé une piste potentielle vers un nouveau moyen de pallier les erreurs du système immunitaire.

À travers leurs expériences, ils ont en effet observé qu’une classe spéciale de cellules, des cellules T régulatrices folliculaires (Tfr), étaient capables de libérer de la neuritine, ce qui a pour effet de diminuer la production d’IgE (elle a donc une action antihistaminique). « Nous avons découvert que la neuritine supprime la formation de cellules plasmatiques indésirables, qui sont les cellules qui produisent des anticorps nocifs », explique Gonzalez-Figueroa. Autrement dit, la neuritine — produite par les cellules immunitaires — agit un peu comme un antihistaminique intégré. Ils ont également découvert que cette protéine supprime aussi les processus qui envoient les plasmocytes sur des missions auto-ciblées, ce qui permet d’annuler les réponses auto-immunes.

Les souris ont été génétiquement modifiées de telle sorte qu’elles n’aient pas de cellules Tfr, productrices de neuritine. D’une part, elles présentaient donc un risque accru de mourir d’un choc anaphylactique au contact d’albumine et d’autre part, elles ont développé une population de plasmocytes (lymphocytes B) défectueux, générateurs d’auto-antigènes. Mais lorsque l’équipe de chercheurs a traité ces souris déficientes en Tfr en leur injectant de la neuritine, ils ont obtenu des résultats stupéfiants : non seulement les souris traitées avec la neuritine semblaient en bonne santé, mais l’injection de la substance avait également conduit à la disparition des lymphocytes B malsains.

Une piste vers un traitement révolutionnaire

La neuritine est étudiée depuis un certain temps pour ses effets sur le système nerveux humain. D’autres études ont notamment démontré que la surexpression de cette protéine pouvait préserver l’organisme des anomalies neuronales associées à la maladie d’Alzheimer et de la dégénérescence oculaire liée à l’âge. Mais Gonzalez-Figueroa et ses collègues soulignent qu’ils n’ont pas encore complètement saisi la voie complète impliquée dans les mécanismes immunitaires, tout comme les effets de la neuritine sur d’autres processus cellulaires.

Pour faire la lumière sur ce point, les chercheurs ont analysé les globules blancs du sang humain et des amygdales en présence de neuritine, afin d’obtenir des indices sur son action interne. Les résultats pourraient conduire à une meilleure compréhension de la façon dont la neuritine pourrait être utilisée à l’avenir pour traiter les maladies immunitaires. « Cela pourrait être plus qu’un nouveau médicament, cela pourrait être une approche complètement nouvelle pour traiter les allergies et les maladies auto-immunes », explique Carola Vinuesa, co-auteure de l’article relatant la découverte.

Aujourd’hui, les allergies sont traitées pour la plupart à l’aide d’antihistaminiques, des médicaments qui bloquent la libération d’histamine ; dans certains cas (allergie aux acariens, aux pollens ou au venin d’hyménoptères), la désensibilisation est vivement conseillée. Les maladies auto-immunes sont, quant à elles, traitées par immunosuppresseurs, dont le rôle est d’inhiber l’activité du système immunitaire ; mais l’inconvénient de ce type de traitement est qu’il augmente par la même occasion le risque infectieux, car le nombre de globules blancs diminue.

Cette nouvelle approche est donc véritablement porteuse d’espoir pour le nombre croissant d’individus souffrant d’allergies ou de maladies auto-immunes. « Si cette approche est concluante, nous n’aurons pas besoin d’épuiser les cellules immunitaires importantes ni d’atténuer l’ensemble du système immunitaire ; à la place, nous n’aurons besoin d’utiliser que les protéines que notre propre corps utilise pour assurer la tolérance immunitaire », résume Vinuesa.

Source : Cell, P. Gonzalez-Figueroa et al.

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