Les effets du réchauffement climatique sont de plus en plus perceptibles, avec des phénomènes extrêmes tels que des vagues de chaleur sans précédent et des épisodes de froid irréguliers. Dans ce contexte, la réduction des émissions de CO2 s’impose comme une priorité mondiale. Récemment, des chercheurs britanniques ont mis au point un réacteur à flux fonctionnant à l’énergie solaire, une avancée qui pourrait contribuer à la transformation propre du dioxyde de carbone (CO2) en carburants liquides tels que le diesel ou le méthanol.
Dans la lutte contre le changement climatique, le captage et le stockage du carbone, connu sous l’acronyme anglais « Carbon Capture and Storage » (CCS), apparaît comme une stratégie viable pour réduire les émissions de CO₂ issues des activités industrielles et de la production d’énergie.
Cette technologie repose sur plusieurs méthodes – post-combustion, pré-combustion et oxy-combustion – qui permettent d’extraire le dioxyde de carbone des gaz d’échappement émis par les usines et les centrales électriques. Une fois capté, le CO2 est transporté vers un site spécifique, où il est injecté dans des formations géologiques profondes pour un stockage sécurisé. Le gouvernement britannique a récemment alloué un financement de 21,7 milliards de livres sterling (environ 25,3 milliards d’euros) à cette approche.
Cependant, bien que prometteuse, elle reste énergivore et suscite des controverses quant à sa fiabilité à long terme. Transformer directement le CO2 en carburant liquide durable pourrait être une alternative plus efficace et plus fiable. C’est dans cette optique que s’inscrit le travail récent des chercheurs de l’Université de Cambridge.
Une alternative inspirée de la nature
L’équipe, dirigée par le professeur Erwin Reisner, explore depuis plusieurs années des technologies capables de transformer des déchets, de l’eau et du CO2 en carburants, en s’inspirant du mécanisme de la photosynthèse. Dans un communiqué, Reisner critique le CCS en ces termes : « Au-delà du coût et de la consommation énergétique, cette technologie sert surtout d’alibi pour continuer à brûler des combustibles fossiles, principaux responsables du dérèglement climatique ». Il ajoute que le stockage du CO2 sous terre « ne permet aucun recyclage, ce qui le rend non circulaire et inutile ».
L’objectif de son équipe ? Concevoir un dispositif capable d’exploiter le CO2 non pas pour l’enfouir, mais pour le transformer en source d’énergie réutilisable. Leur dernier prototype est un réacteur à flux solaire, conçu pour améliorer l’efficacité des procédés actuels de conversion du dioxyde de carbone. Contrairement aux approches classiques, qui posent des problèmes d’interférence avec l’oxygène de l’air, ce dispositif sépare les étapes de captage et de conversion, ce qui optimise les performances et augmente les taux de transformation du CO2.
Un cycle journalier optimisé pour une production décentralisée
Le réacteur mis au point par les chercheurs britanniques fonctionne sur un cycle quotidien en deux phases. La nuit, des filtres spécifiques composés de silice et de polyamine captent le dioxyde de carbone ambiant en agissant comme des éponges. Le jour, grâce à l’énergie solaire, le CO2 capturé est transformé en gaz de synthèse (syngas), un mélange exploitable dans la production de carburants liquides et de divers produits chimiques.
Dans leur document d’étude, publié dans la revue Nature Energy, les scientifiques détaillent l’utilisation d’un catalyseur hybride innovant, associant des matériaux moléculaires et des semi-conducteurs, qui permet une conversion plus efficace du CO2 en syngas. Mieux encore, ce dispositif intègre des déchets plastiques comme réactifs, offrant ainsi une double solution environnementale : réduire les émissions de carbone tout en valorisant les déchets.
Cette technologie pourrait ainsi fortement bénéficier au secteur de la production d’énergie, en rendant possible la fabrication locale de carburant, même dans des zones isolées. Selon le Dr Sayan Kar, auteur principal de l’étude et chercheur au département de chimie Yusuf Hamied de Cambridge, « si ces réacteurs étaient produits à grande échelle, ils pourraient résoudre deux crises à la fois grâce à deux impacts bénéfiques simultanés : la réduction du CO2 atmosphérique et la création d’une alternative propre aux énergies fossiles ». Il ajoute : « Le CO₂ est souvent perçu comme un déchet nocif, mais il peut aussi être une ressource précieuse ».
Une commercialisation déjà en vue ?
Les chercheurs entendent désormais affiner leur technologie et développer des procédés permettant de convertir le gaz de synthèse en carburants liquides. Avec le soutien de Cambridge Enterprise, l’organisme chargé de la valorisation des innovations de l’université, ils s’apprêtent à lancer des essais à grande échelle.
L’objectif est clair : industrialiser cette technologie et accélérer la transition énergétique. « Nous avons les outils nécessaires pour construire une économie circulaire et écologique – il ne reste plus qu’à avoir la volonté politique de le faire », conclut Reisner.