Sudan, le dernier rhinocéros mâle blanc du Nord, est mort

sudan rhinocéros blanc du nord mort extinction espèce
Mohammed Doyo en train de nourrir Sudan, qui était le tout dernier rhinocéros mâle blanc du Nord. | Washington Post
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Incapable de tenir debout et souffrant de nombreuses infections dues à son âge avancé, le dernier rhinocéros blanc du nord a été euthanasié lundi dernier par une équipe vétérinaire du Kenya. Il ne reste plus que deux spécimens de son espèce, des femelles : sa fille Najin, et sa petite-fille Fatu, laissant la fécondation in vitro (grâce au sperme conservé), comme dernier outil contre l’extinction totale de l’espèce.

Soudan, qui avait 45 ans lorsqu’il est mort, avait essayé sans succès de s’accoupler avec des femelles d’une sous-espèce de rhinocéros apparentée, se trouvant en Afrique australe. L’avant-dernier mâle, Suni, est décédé en 2014, probablement d’une crise cardiaque. Sudan et Suni étaient probablement déjà trop âgés pour être fertiles au moment où ils ont été amenés au Ol Pejeta Conservancy au Kenya, à partir d’un zoo de République tchèque, en 2009.

« Nous sommes tous attristés par la mort de Sudan. Il était un rhinocéros incroyable, un grand ambassadeur de son espèce, et on se souviendra de lui pour son travail de sensibilisation mondiale sur la situation critique des rhinocéros, mais également des milliers d’autres espèces en voie d’extinction à cause d’une activité humaine non durable », explique le directeur d’Ol Pejeta Conservancy, Richard Vigne. « Un jour, sa disparition sera, espérons-le, considérée comme un moment capital pour les défenseurs de l’environnement dans le monde entier », ajoute-t-il.

Le T-Shirt qui respire :
Arborez un message climatique percutant 🌍

La mort de Sudan survient à un moment où la population globale des rhinocéros à travers le monde est au bord de l’extinction, en grande partie à cause du braconnage. En effet, la corne de rhinocéros est très convoitée par les braconniers, car ces derniers peuvent les revendre en tant qu’éléments de médecine traditionnelle chinoise et comme élément décoratif (notamment pour des poignards portés par de nombreux hommes yéménites).

Joseph Wachira, l’un des protecteurs de Sudan, le conforte quelques instants avant sa mort. Crédits : Ami Vitale (National Geographic)

À l’heure actuelle, il ne reste environ que 30’000 rhinocéros (de cinq espèces différentes) dans le monde entier. Deux espèces vivant en Indonésie, les rhinocéros de Sumatra et de Java, sont à présent moins de 100.

Une étude publiée en 2016 dans le magazine Swara a révélé que les prix de gros des cornes de rhinocéros avaient diminué en Chine et au Vietnam de 65’000 dollars US par kilogramme en 2012 et 2013, passant donc à 30’000 à 35’000 dollars US par kilogramme en 2015. Al Jazeera a d’ailleurs constaté que les prix ont encore diminué en Chine en 2016, allant jusqu’à moins de 29’000 dollars US par kilogramme.

Sudan est né en 1972 dans ce qui est aujourd’hui le Soudan du Sud. À l’époque de sa naissance, il y avait encore environ 1000 rhinocéros blancs du Nord errant à l’état sauvage dans la nature… Mais leur habitat était alors, tout comme aujourd’hui, déchiré par les conflits humains. En effet, ces animaux étaient concentrés dans une région en proie à la guerre : Soudan, Congo ou encore République centrafricaine. Lorsque les combats ont éclaté, les rhinocéros ont également été tués pour leur viande ou leurs cornes, ou encore échangés contre de l’argent, voire des armes.

Mais Sudan a été sauvé du triste destin macabre des autres rhinocéros blancs du Nord, par des représentants du zoo de Dvůr Králové, en République tchèque. À cette époque, tandis que Sudan n’avait que 3 ans, l’extinction de son espèce ne semblait pourtant pas imminente. Les défenseurs de la nature croyaient en effet que de nombreuses interventions dans lesquelles les rhinocéros blancs du Nord étaient extraits de régions propices aux conflits, permettraient d’endiguer leur déclin. Mais au lieu de cela, les conflits et le braconnage sont devenus de plus en plus nombreux durant ces dernières décennies, et les rhinocéros blancs du Nord en ont payé le prix.

En 2003, il n’en restait plus que 20 dans le parc national de la Garamba, au Congo. Le gouvernement congolais a bloqué toutes les possibilités de pouvoir les extraire du pays et, en quelques années, tous ont été tués.

Sudan a passé les deux dernières années de sa vie sous la protection de gardes armées, et ce, 24 heures sur 24. Sa corne avait même été coupée afin de dissuader les braconniers (bien que cette dernière ait commencé à repousser). Ses gardes armées déjouaient régulièrement les attaques de la part de braconniers. Malheureusement, les efforts pour sauver le rhinocéros blanc du Nord n’ont pas été suffisants.

gardes armees protegent rhinoceros blanc nord sudan
Sudan, protégé par ses gardes armés. Crédits : National Geographic

À présent, Ol Pejeta Conservation estime le coût de la fécondation in vitro (incluant le développement de la méthode, les essais, l’implantation et la création d’un troupeau d’élevage des rhinocéros blancs du Nord), à environ 9 millions de dollars.

Dans un communiqué de presse, Ol Pejeta Conservation explique qu’ils souhaitent essayer une intervention sans précédent « pour tenter de réaliser pour la toute première fois une procédure, en toute sécurité, qui serait de retirer les cellules d’œufs des femelles vivantes restantes et les fertiliser avec de la semence précédemment recueillie sur les mâles, afin d’insérer les embryons résultants dans les rhinocéros blanc femelles (du Sud), agissant en tant que substituts ».

« Sudan a été le tout dernier rhinocéros blanc du Nord à naître dans la nature… Sa mort est un symbole cruel du mépris humain concernant la nature et cela attriste tous ceux qui le connaissaient », a déclaré Jan Stejskal, directeur des projets internationaux du zoo de Dvůr Králové, en République tchèque. « Mais nous ne devons pas abandonner. Nous devons profiter de la possibilité d’utiliser les technologies cellulaires qui peuvent être utiles à la conservation des espèces en danger critique. Cela peut sembler incroyable, mais grâce aux nouvelles techniques développées récemment, même Sudan pourrait encore avoir une progéniture », a-t-il ajouté.

Sources : Washington Post (1 & 2)

Laisser un commentaire