Un parasite tropical arrive en Europe, et serait un hybride entre deux vers infectieux

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Plus de 120 personnes ont contracté la bilharziose dans la rivière du Cavu, en Corse. | Olivier Wuine
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Un nouveau ver parasitaire a causé des infections dans le Sud de l’Europe, ce qui inquiète les parasitologues quant à un risque de son expansion dans le continent. Des analyses génétiques ont également montré que ce parasite serait le résultat d’une reproduction entre deux espèces différentes.

Deuxième maladie parasitaire endémique dans le monde après le paludisme, la bilharziose est causée par un ver hématophage, le schistosome. Les principaux symptômes sont des douleurs musculaires, la fièvre, un élargissement important du foie, des diarrhées, et la présence de sang dans l’urine.

Cinq espèces de schistosomes sont connues pour infecter l’Homme. Durant leur cycle de vie, les larves ayant éclos dans l’eau douce parasitent un type spécifique de mollusque dans le milieu — qui va servir d’hôte intermédiaire — puis se développent dans son organisme et s’y reproduisent de manière asexué.

Ensuite, les larves sortent de l’hôte et n’ont que 48h pour infecter un humain ou un autre mammifère. C’est lorsque ces derniers nagent dans ces eaux contaminées que les larves en profitent pour s’immiscer dans leur peau, atteindre les vaisseaux sanguins, et y rester pendant plusieurs semaines. Elles pourront ainsi atteindre le stade adulte, rendant leur reproduction sexuée possible.

Après s’être accouplés, les schistosomes produisent des œufs qui iront dans l’intestin et la vessie, et qui seront évacués dans les excréments et l’urine. Si ces œufs atteignent l’eau douce, le cycle va pouvoir recommencer.

Lorsqu’ils ne sont pas excrétés correctement, ils peuvent s’accumuler et endommager l’organe. Les chances de développer un cancer dans certaines zones telles que la vessie augmentent également. Un traitement contre ce parasite existe déjà, mais l’infection peut rester asymptomatique pendant plusieurs années.

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Les schistosomes sont principalement répandus dans les zones tropicales et subtropicales comme l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique. Cependant, en 2014, deux cas de familles infectées avaient été déclarés en Europe, alors qu’elles n’avaient jamais quitté le continent.

Les épidémiologistes ont pu retracer des cas en Corse, à la rivière du Cavu, où il y aurait plus de 120 personnes ayant contracté la bilharziose. Les deux familles infectées y avaient passé leurs vacances et avaient nagé dans la rivière. Les chercheurs ont aussi pu déterminer que l’hôte intermédiaire de ces schistosomes est un escargot d’eau douce local.

L’hybride avait déjà été découvert en 2008 au Sénégal. Mais en 2016, Jerôme Boissier de l’Université de Perpignan avait, avec son groupe de recherche, démontré par des analyses génétiques que cette espèce serait le résultat d’un mélange entre Schistosoma haematobium, une espèce infectant les humains, et Schistosoma bovis, qui parasite le bétail.

Julien Kincaid-Smith, étudiant diplômé du groupe de Boissier, avait décidé de collecter les deux espèces parentales en Afrique, de les accoupler pour recréer l’hybride, puis comparer sa capacité d’infection sur l’escargot et les hamsters (pour remplacer l’humain).

Il avait constaté qu’il avait un pouvoir invasif plus efficace sur ses hôtes mammifères et les escargots que les deux espèces parentales, élargissant également son spectre d’hôtes, c’est-à-dire le nombre d’espèces qu’il peut infecter. Il avait aussi remarqué que les hamsters infectés par les hybrides tombaient plus rapidement malades.

Boissier explique que S. haematobium est probablement arrivé en Corse lorsqu’une personne infectée a uriné dans la rivière du Cavu, et que l’hôte intermédiaire présent dans la région serait l’escargot Bulinus truncatus. La migration ainsi que les voyages seraient donc la cause de son introduction en Europe.

Mais l’espèce récoltée en Afrique ne pouvait pas infecter les escargots présents en Corse, alors que S. Bovis en était capable, et l’hybride était encore plus virulent.

Après le séquençage complet de l’ADN de l’hydride, Kincaid-Smith a découvert que 75% du génome provenait du parasite des humains S. haematobium, et le reste de S. bovis. Ils se sont demandés comment le ver avait encore la capacité d’infecter l’Homme alors qu’il lui manque le quart des gènes de S. Haematobium,

Ils avaient remarqué que les séquences de S.bovis s’étaient placées dans différents endroits du chromosomes de S. haematobium, indiquant que l’existence de l’hybride n’est pas récente et qu’il se serait reproduit durant plusieurs générations avec les espèces parentales ainsi que d’autres hybrides.

Daniel Colley, immunologiste de l’université de Géorgie à Athènes, déclare qu’il ne faut pas extrapoler les résultats obtenus en laboratoire à ce qui se passe dans la nature. « Nous ne savons pas comment cela se déroulera à long terme en matière d’aggravation de la propagation ou de la lutte contre la bilharziose ».

Seuls sept autres cas d’infection ont été déclarés depuis. Le parasite a aussi été détecté dans la rivière de Solenzara, et semble donc être resté, pour l’instant, en Corse uniquement. Les recherches continuent afin de déterminer quelles seraient les autres espèces que le ver hybride pourrait potentiellement infecter.

Source : Sciencemag

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