Le légendaire Arslan Kaya, monument sculpté dans un affleurement rocheux de l’ouest de la Turquie, continue de captiver les archéologues par son mystère et sa beauté. Ce monument, datant d’il y a 2 600 ans, présente des sculptures de sphinx et d’une déesse flanquée de lions, organisées autour de la niche centrale de sa façade. Une inscription phrygienne, très dégradée par le temps, a résisté aux tentatives de déchiffrement jusqu’à ce qu’un archéologue américain parvienne récemment à percer son secret grâce à une simple optimisation de l’éclairage.
L’Arslan Kaya, terme turc que l’on traduit par « rocher du lion », a été mis au jour pour la première fois en 1884 par William Ramsay. Ce dernier l’avait localisé dans les hautes terres phrygiennes, à la cime d’une formation rocheuse. Taillé dans un pic volcanique de 15 mètres, le monument arbore une façade ornée de motifs géométriques et de figures majestueuses de lions et de sphinx. La niche centrale abritait autrefois la figure qu’ils appelaient la déesse «Mère». Ramsay avait également décelé une inscription à la base de la structure, mais son état de dégradation la rendait illisible.
Depuis le XIXe siècle, l’inscription suscite de nombreux débats parmi les chercheurs. Alfred Körte, un philologue allemand, avait initialement proposé que les lettres visibles formaient le texte « μ.τματεραν ». Bien qu’incertaines, ses conclusions ont posé les bases de recherches ultérieures. Toutefois, seules quatre lettres demeuraient lisibles, incitant le professeur Mark Munn de l’Université d’État de Pennsylvanie à entreprendre de nouvelles investigations.
Une luminosité optimale pour une découverte majeure
Pour élucider le mystère de l’inscription de l’Arslan Kaya, Munn a opté pour une approche innovante : photographier le site sous une luminosité soigneusement choisie. « Le succès de déchiffrage dépend de la qualité et de l’orientation de la lumière », a-t-il expliqué à Live Science. Le matin du 25 avril 2024, un éclairage optimal a permis de capturer des images dans lesquelles l’inscription était plus évidente. L’effet d’ombre, conjugué à une luminosité optimale, a même mis en évidence des détails jusque-là imperceptibles, permettant à Munn de déchiffrer l’inscription.
Dans la revue Kadmos, Munn révèle que, comparées à d’anciennes photographies, les images récentes ont permis de lire le mot « Materan ». En langue phrygienne, ce terme désigne la déesse Mère, figure centrale de la cosmologie phrygienne entre 1 200 et 600 avant notre ère. « Elle était simplement connue du peuple sous le nom de ‘la Mère’ », ajoute-t-il.
Cette découverte est cohérente avec la représentation de la déesse sur le monument. Munn a également noté des caractères corroborant l’interprétation de Körte, notamment l’usage de points comme séparateurs de mots, typiques des inscriptions phrygiennes. Selon Munn, Materan était également vénérée par d’autres civilisations antiques, telles que les Romains, qui l’appelaient « Magna Mater », et les Grecs, qui la considéraient comme la mère des dieux. Il indique que le style élancé et anguleux de l’inscription témoigne d’une construction durant l’empire lydien, probablement à la demande d’un roi de Lydie.
Bien que Munn ait réussi à déchiffrer cette mystérieuse inscription, Rostyslav Oreshko, professeur à l’École pratique des hautes études en France, estime que cette découverte ne fait que confirmer des hypothèses antérieures. « L’inscription Materan, en référence à la célèbre déesse phrygienne, avait déjà été suggérée au XIXe siècle », affirme-t-il.