Les scientifiques qui poursuivent le rêve d’une ère informatique quantique, une technologie qui donnerait accès à une puissance de traitement sans précédent, ont vu arriver une excellente nouvelle : le plan du tout premier modèle d’ordinateur quantique open-source a été révélé !
Ce plan, qui décrit comment créer un ordinateur quantique prétend résoudre des problèmes précédemment jugés comme « irrésolvables », en se basant sur la technologie existante, signifiant que cette ère de l’ordinateur quantique pourrait enfin être à notre portée.
« Nous publions actuellement le plan de construction rudimentaire pour un ordinateur quantique à grande échelle », explique un membre de l’équipe, Winfried Hensinger, du Ion Quantum Technology Group, à l’Université de Sussex (Angleterre). « La vie va complètement changer. Nous serons capables de faire certaines choses que nous n’aurions même pas pu rêver de faire auparavant », ajoute-t-il.
Le premier ordinateur quantique issu de ce plan doit encore être construit, sous n’importe quelle forme pratique, mais lorsque ce sera fait, il va sans dire que ces ordinateurs révolutionneront totalement la manière dont nous traitons les quantités massives de données à l’avenir. Contrairement aux ordinateurs d’aujourd’hui (qui sont limités aux 1 et aux 0 du bit du code binaire), les ordinateurs quantiques sont basés sur des qubits. Grâce à l’intrication quantique, qui se produit dans la matière à sa plus petite échelle, chaque qubit peut prendre l’état 0, 1, ou une « superposition » des deux.
Donc, plutôt que d’avoir des bits qui ne peuvent prendre comme valeur que 1 ou 0 à un moment donné, les qubits peuvent posséder une valeur représentant les deux à la fois (à la fois 1 et 0). Cela signifie qu’ils peuvent effectuer de nombreux calculs simultanément, leur donnant un potentiel de puissance de traitement sans précédent.
Des équipes de scientifiques du monde entier sont en course pour construire le tout premier ordinateur quantique légitime, mais c’est un processus lent : en effet, exploiter l’étrange effet de l’intrication quantique n’est pas une tâche facile. Jusqu’à présent, ces mêmes équipes ont à peine été en mesure de construire des appareils avec plus de 10 ou 15 qubits.
En réalité, les machines de laboratoire souffrent d’une sorte d’abandon, appelé décohérence quantique, où les qubits perdent leur ambiguïté et deviennent de simples bits (1 ou 0), (cette décohérence quantique est une théorie qui permettrait d’expliquer la transition entre les règles de la physique quantique et les règles de la physique classique telles que nous les connaissons, à un niveau macroscopique). Un véritable obstacle technique pour la réalisation d’ordinateurs quantiques accessibles. « Avec notre concept, nous incluons une méthode pour corriger ces erreurs, offrant la possibilité de construire des machines à une échelle plus grande », a expliqué Hensinger.
« Pour certaines des applications vraiment excitantes des ordinateurs quantiques, comme l’invention de nouveaux médicaments, ou la compréhension plus approfondie de la réalité elle-même, l’amélioration de la compréhension de l’Univers, la conception de nouveaux matériaux…Au lieu de 10 ou 15 qubits, j’ai besoin de beaucoup plus de qubits, peut-être jusqu’à 10 milliards de qubits », a ajouté Hensinger.
Hensinger et son équipe expliquent que leur nouveau modèle s’appuie sur la technologie existante pour surmonter les principaux défis qui ont jusqu’à présent freiné le développement des ordinateurs quantiques à grande échelle, et que ceux-ci pourraient effectivement être utilisés en dehors des laboratoires.
L’approche consiste à utiliser des ions (atomes chargés) emprisonnés dans des champs magnétiques comme les qubits, et ceux-ci existeraient dans un système composé de milliers de modules carrés, faisant plus ou moins la taille d’une main. Ces derniers seraient également interchangeables, pouvant être remplacés ou ajoutés à volonté, ce qui signifie que vous pourriez théoriquement construire un ordinateur quantique aussi grand que vous le souhaiteriez.
Chacun de ces modules contiendrait environ 2500 qubits d’ions. Les champs magnétiques les protégeraient des interférences et préserveraient leurs états quantiques.
Lorsque l’ordinateur est allumé, les opérations seraient effectuées par les interactions entre les ions, facilitées par le déplacement de la grille modulaire. L’équipe de scientifiques explique que les conceptions antérieures de l’ordinateur quantique ont proposé d’utiliser des connexions de fibre optique pour relier les différents modules informatiques, mais leur plan utilise des champs électriques pour transporter les ions d’un module à l’autre.
L’équipe affirme que cette approche donne accès à des vitesses de connexion 100’000 fois plus rapides, entre les modules de calcul quantique individuels, et qu’elle permet également à l’ordinateur de fonctionner à température ambiante, contrairement aux conceptions alternatives qui nécessitaient des matériaux supraconducteurs refroidis à des températures peu pratiques (cela est par exemple le cas de l’ordinateur quantique expérimental D-Wave, développé par Google, que vous pouvez découvrir à la fin de cet article). L’équipe prétend également avoir effectué une autre amélioration notable : au lieu d’utiliser des lasers individuels pour garder les qubits d’ions en place, ils utiliseraient un champ de rayonnement micro-ondes à travers le système informatique tout entier.
Le plan est maintenant disponible et peut être consulté par toute équipe de chercheurs ou particulier(s). Il peut être utilisé dans le but de réaliser un ordinateur quantique d’une taille impressionnante, pouvant potentiellement remplir un grand bâtiment. Hensinger et son équipe espèrent pouvoir mettre en service leur propre version de l’ordinateur quantique d’ici deux ans. « Ce n’est plus une étude universitaire, il s’agit vraiment de toute l’ingénierie nécessaire pour construire un tel dispositif », explique Hensinger.
De nombreux chercheurs se sont exprimés à ce sujet, notamment Andrea Morello, physicien à l’Université de New South Wales en Australie, qui construit également sa propre technologie d’ordinateur quantique : « Je pense que c’est un document de référence, et il sera très influent dans la communauté pour de nombreuses années à venir ».
Une affaire à suivre de très près !