Des experts de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) de l’ONU ont récemment calculé que les sept dernières années avaient été les plus chaudes jamais enregistrées et que l’élévation du niveau de la mer atteint des valeurs sans précédent. « Ça passe ou ça casse », ce sont ces termes qu’António Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies, avait utilisés au printemps — au lancement du rapport sur le climat de l’Organisation météorologique mondiale — pour décrire l’année 2021 : cette année, qui va bientôt s’achever, est selon lui une année décisive en matière d’action pour le climat.
La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26), qui a lieu en ce moment même, s’est ouverte sur une note très pessimiste : « C’est sans aucun doute un aller simple vers le désastre », a déclaré António Guterres. Cette conférence, qui réunit 196 États et l’Union européenne, a pour but de faire le point de l’état du climat mondial et de dresser le bilan des efforts réalisés depuis l’Accord de Paris, entré en vigueur en novembre 2016.
Force est de constater que le bilan n’est pas très bon. L’année 2021 n’est pas encore terminée, mais les premières estimations suggèrent qu’elle sera l’une des sept années les plus chaudes jamais enregistrées ; elle se situera probablement entre le 5e et le 7e rang du classement. La raison pour laquelle elle ne sera pas sur le podium tient uniquement à l’influence de La Niña — un phénomène climatique touchant l’océan Pacifique, caractérisé par une température anormalement basse des eaux de surface — qui s’est manifestée au début de l’année.
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« Notre planète est en train de se transformer sous nos yeux »
Les experts sont formels : depuis 2015, on observe une augmentation rapide et à long terme des températures mondiales, de l’élévation du niveau de la mer, du réchauffement et de l’acidification des océans. 2020 a été l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées ; la température moyenne mondiale était d’environ 1,2°C au-dessus du niveau préindustriel (1850-1900). 2021 ne fera pas exception : le rapport provisoire de l’ Organisation Météorologique Mondiale (OMM) sur l’état du climat mondial en 2021, qui se fonde sur les données des neuf premiers mois de l’année, montre que la tendance se poursuit ; la température moyenne mondiale, de janvier à septembre, s’établit à 1,08 ± 0,13°C au-dessus de la moyenne préindustrielle.
L’élévation du niveau de la mer à l’échelle planétaire, qui s’accélère depuis 2013 (+4,4 mm par an), a atteint un nouveau record en 2021, parallèlement au processus de réchauffement et d’acidification des océans. Le rapport évoque aussi la fonte exceptionnelle observée au Groenland à la mi-août — qui marque aussi la première fois où de la pluie a été observée au sommet de cette calotte glaciaire — ainsi que les vagues de chaleur extrême qui ont touché l’Amérique du Nord et la région méditerranéenne cet été — une chaleur exceptionnelle qui s’est souvent accompagnée d’incendies dévastateurs. « Notre planète est en train de se transformer sous nos yeux. […] La COP26 doit marquer un tournant décisif pour l’humanité comme pour la planète », a averti António Guterres.
Le rapport de l’OMM souligne également les impacts du réchauffement sur la sécurité alimentaire, sur les écosystèmes et les populations. Les fortes précipitations, tombées en l’espace de quelques heures en Chine et dans certains pays européens, ont fait plusieurs dizaines de victimes et entraîné des pertes économiques estimées à plusieurs milliards d’euros. « Les phénomènes extrêmes n’ont plus rien d’exceptionnel. De plus en plus d’éléments scientifiques attestent que certains de ces phénomènes portent la marque d’un changement climatique d’origine anthropique », souligne Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM.
« Nous n’allons pas dans la bonne direction »
Si les concentrations de gaz à effet de serre continuent d’augmenter au rythme actuel, le réchauffement dépassera nettement la limite définie par l’Accord de Paris — fixée à 1,5 à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels — et ce, dès la fin du siècle. « À moins de réductions immédiates, rapides et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, limiter le réchauffement à 1,5°C sera impossible, avec des conséquences catastrophiques pour les personnes et notre planète » fait observer António Guterres.
Les concentrations des principaux gaz à effet de serre — dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O) — ont continué d’augmenter en 2020 atteignant de nouveaux records — et ce, malgré les réductions des émissions inhérentes aux mesures de confinement, dont l’impact est finalement trop faible pour réussir à faire pencher la balance. Les taux de CO2, de CH4 et de N2O ont respectivement dépassé de 149%, 262% et 123% les niveaux de l’ère préindustrielle.
Le rapport a révélé aussi que l’acidification des océans — principalement due à l’utilisation de combustibles fossiles — n’avait pas atteint ce niveau depuis au moins 26 000 ans ! Cette acidification résulte de la dissolution de l’excès de CO2 dans l’eau de mer, ce qui produit une série de réactions chimiques conduisant à davantage d’ions hydrogène. Ceci a pour conséquence de diminuer les concentrations de carbonate, un élément indispensable à de nombreux animaux marins pour construire leur coquille ou leur exosquelette. Or, ces organismes menacés par l’acidification constituent la base de la chaîne alimentaire de tout l’écosystème marin.
« Tout au long de la pandémie, nous avons entendu dire que nous devons mieux reconstruire pour placer l’humanité sur une voie plus durable et éviter les pires impacts du changement climatique sur la société et les économies. Ce rapport montre que jusqu’à présent en 2021, nous n’allons pas dans la bonne direction » résume Taalas. Selon lui, il faut maintenant se préparer aux réalités à venir, en investissant massivement dans des mesures d’adaptation au climat et de protection des populations et de leurs moyens de subsistance. « Soyons ambitieux. Soyons solidaires. L’heure est venue d’agir pour préserver notre avenir et sauvegarder l’humanité », a déclaré M. Guterres dans un message vidéo.