Le processus naturel du vieillissement est inéluctable et à mesure que l’on prend de l’âge, les signes de déclin physique et cérébral apparaissent, plus ou moins rapidement selon les individus. On sait qu’il est néanmoins possible de ralentir ce déclin via une alimentation saine et une bonne hygiène de vie. Sur la base de la littérature disponible sur le sujet, des scientifiques norvégiens livrent dans une nouvelle étude les trois facteurs clés qui permettent de maintenir intactes les structures de base du fonctionnement cérébral.
Les éléments de base de la fonction cérébrale qui évoluent au fil du temps sont liés à la matière grise et à la substance blanche. La matière grise se compose de plusieurs structures biologiques (des neurones, des dendrites, des axones non myélinisés, des cellules gliales, des synapses) ; la substance blanche est quant à elle principalement constituée d’axones myélinisés de longue portée. Par analogie avec l’informatique, on associe la matière grise à l’unité de traitement du cerveau et la substance blanche aux câbles reliant les différentes parties du système.
Il a été démontré que la substance blanche croît jusqu’à l’âge de 40 ans environ, puis qu’elle diminue. Cette perte de substance blanche a été associée au fait que les individus âgés tendent à présenter des troubles cognitifs et physiques et à être plus lents que les personnes plus jeunes. De même, il a été démontré que le nombre de neurones composant la matière grise diminue régulièrement dès l’âge de dix ans ; seuls les neurones les plus utilisés survivent, tandis que les autres s’atrophient et finissent par mourir. Préserver au maximum les substances grise et blanche permettrait donc de vieillir dans les meilleures conditions. Une équipe de l’Université norvégienne des sciences et technologies (NTNU) explique comment y parvenir.
Exercice physique, interactions sociales et apprentissages
Durant la petite enfance, de nombreux neurones sont disponibles et la plasticité de ces neurones à créer des réseaux (et donc à apprendre) est élevée. L’enfant est généralement exposé à une variété de stimuli environnementaux et acquiert de nombreuses compétences de base ; un tel développement s’accompagne de changements biologiques et structurels dans le cerveau, expliquent les auteurs de l’étude. Mais avec le temps, seuls les groupes de neurones qui sont liés en réseaux avec d’autres groupes de neurones survivent à la sélection.
Les individus plus âgés présentent moins de plasticité neurale que les plus jeunes. À mesure que le nombre de réseaux de neurones disponibles pour effectuer une tâche cognitive ou motrice diminue, le cerveau humain utilise les mêmes réseaux lorsque des tâches similaires sont effectuées. En continuant l’analogie informatique, « on peut dire qu’avec l’âge, la puissance de calcul est réduite, avec pour conséquence une baisse des capacités cognitives et motrices », résument les chercheurs.
L’alimentation et le mode de vie sont étroitement liés au risque de troubles cognitifs au cours du vieillissement et de maladies neurodégénératives. Mais la diminution de la plasticité neurale joue elle aussi un rôle majeur dans l’augmentation du risque. Des recherches récentes ont montré que le facteur le plus important dans le maintien des matières grise et blanche est de solliciter régulièrement les diverses capacités cérébrales et, par conséquent, d’engager fréquemment les différents réseaux cérébraux.
Plusieurs sources de preuves ont montré en particulier que l’exercice physique (le mouvement), des relations sociales solides et l’apprentissage de nouvelles choses ou le fait de relever de nouveaux défis intellectuels, guidés par la passion, sont des facteurs centraux pour la préservation du système neuronal dans la matière grise et blanche au cours du vieillissement. Les chercheurs ont passé en revue la littérature pour étayer cette hypothèse.
« Trois facteurs se démarquent si vous voulez garder votre cerveau au meilleur de ses capacités », confirme Hermundur Sigmundsson, professeur au département de psychologie de la NTNU et premier auteur de l’étude. Ces facteurs sont : l’exercice physique, le fait d’être sociable et d’avoir des centres d’intérêt forts.
Des facteurs qui stimulent les connexions cérébrales
L’exercice physique est crucial. Il est avéré que la sédentarité est l’un des principaux facteurs de risque de mortalité liée aux maladies non transmissibles : elle favorise la prise de poids et augmente les risques de maladies cardiovasculaires, de cancer et de diabète. Mais moins l’on bouge, plus l’organisme devient paresseux, y compris le cerveau.
L’exercice physique, en revanche, contribue à préserver la plasticité cérébrale en favorisant la communication au niveau synaptique. Il induit par ailleurs la genèse de tissus cérébraux (des cellules gliales, des vaisseaux sanguins et des synapses) en réaction au mouvement. Des études ont également montré que l’exercice physique peut augmenter la vascularisation de la matière grise, ainsi que la myélinisation et le développement axonal de la substance blanche.
Les relations sociales sont un autre point clé. Selon les auteurs de l’étude, il est essentiel de s’entretenir ou d’avoir un contact physique avec d’autres personnes (famille, amis, voisins, collègues, etc.) pour maintenir le bon fonctionnement cérébral. « Les relations avec les autres, et l’interaction avec eux, contribuent à un certain nombre de facteurs biologiques complexes qui peuvent empêcher le cerveau de ralentir », explique Sigmundsson.
Entretenir ces relations et en créer de nouvelles demande en effet des efforts et plusieurs compétences ; elles peuvent donc entraîner une croissance neuronale et une densité synaptique accrues. L’équipe note qu’une plus grande quantité de lésions de la substance blanche a été observée chez les personnes les moins actives socialement, tandis qu’une plus grande densité de matière grise dans certaines régions du cerveau a été liée à des réseaux sociaux plus larges.
Enfin, il est important de rester curieux et avide d’apprendre tout au long de sa vie, afin de garder un esprit actif. Sigmundsson et ses collègues suggèrent par exemple d’apprendre une nouvelle langue pour renforcer la matière grise, les cellules neurales et leurs connexions. « La passion, ou le fait d’avoir un intérêt marqué pour quelque chose, peut être le facteur décisif et moteur qui nous pousse à apprendre de nouvelles choses. Au fil du temps, cela a une incidence sur le développement et l’entretien de nos réseaux neuronaux », explique le spécialiste.
En résumé, il est important d’entraîner en permanence nos fonctions cérébrales, par le mouvement, les interactions sociales et la passion, pour espérer vieillir dans les meilleures conditions.