Alors que la démence précoce est généralement considérée comme étant d’origine principalement génétique, une nouvelle étude identifie 15 facteurs de risque distincts, dont le mode de vie. Portant sur plus de 350 000 personnes, il s’agit de l’enquête la plus vaste et la plus précise à ce jour concernant cet aspect peu exploré des facteurs de risque de la démence. Les résultats suggèrent qu’il est possible de réduire l’incidence de la maladie en développant de nouvelles stratégies de prévention basées sur ces facteurs.
Le terme démence englobe plusieurs maladies affectant la mémoire, le processus de pensée et la capacité à réaliser des tâches quotidiennes. Cela inclut par exemple Alzheimer, la démence vasculaire et frontotemporale, la maladie à corps de Lewy, etc. Alors qu’elle est surtout connue pour affecter les personnes âgées, elle est considérée comme précoce lorsqu’elle débute avant l’âge de 65 ans.
On estime qu’il y a environ 370 000 nouveaux cas de démence précoce (ou démence à début précoce) chaque année dans le monde. Les personnes souffrant de cette forme de démence sont considérées comme un groupe distinct de celui âgé, en raison des différences significatives dans les caractéristiques, les mécanismes physiopathologiques et l’évolution de la maladie. Cela implique des besoins spécifiques à la fois en matière de diagnostics et de soins.
Selon Stevie Hendriks, chercheur à l’Université de Maastricht (aux Pays-Bas), « la démence à début précoce a un impact très grave, car les personnes touchées ont généralement encore un travail, des enfants à charge et une vie bien remplie ». La forme la plus fréquente chez les adultes de moins de 65 ans est la démence frontotemporale, se manifestant le plus souvent par un trouble du comportement ou un syndrome psycholinguistique.
Cependant, l’étiologie de la démence précoce est largement incomprise en raison du nombre restreint de recherches dédiées. La plupart d’entre elles suggèrent des facteurs génétiques, dont au moins 7 spécifiquement liés à la démence frontotemporale et 3 associés à Alzheimer. Toutefois, « on suppose souvent que la cause est génétique, mais pour de nombreuses personnes, nous ne savons pas exactement quelle en est la cause », explique Hendricks.
Dans leur nouvelle étude publiée dans la revue JAMA Neurology, Hendricks et ses collègues ont exploré plus avant les différents facteurs susceptibles d’être liés à l’apparition précoce de la démence. « Il s’agit de l’étude la plus vaste et la plus solide de ce type jamais réalisée. Il est intéressant de noter que, pour la première fois, cela révèle que nous pourrions être en mesure de prendre des mesures pour réduire le risque de cette maladie débilitante, en ciblant une série de facteurs distincts », estime le coauteur de la recherche, David Llewellyn, de l’Université d’Exeter (en Angleterre).
Des facteurs de risque pour la plupart modifiables
Les enquêtes menées dans le cadre de la nouvelle recherche incluaient 356 052 personnes âgées de moins de 65 ans, figurant dans la base de données biomédicales anglaise UK Biobank. Différents facteurs de risque potentiels ont été explorés, allant des prédispositions génétiques au mode de vie (fréquence d’activité physique, consommation d’alcool, tabagisme, …), en passant par les facteurs sociodémographiques (éducation, statut socioéconomique, sexe, …) et environnementaux (exposition aux polluants chimiques). Des facteurs métaboliques et psychiatriques ont également été examinés, tels que le taux d’albumine et les symptômes dépressifs.
L’analyse des chercheurs a identifié 15 facteurs significativement associés au risque de démence à début précoce, dont un niveau d’éducation et un statut socio-économique inférieurs. Ces aspects influencent probablement à leur tour différentes facettes de la santé physique et psychologique, en induisant par exemple plus de stress au quotidien que la moyenne ou en réduisant l’accès aux soins généraux.
Selon l’étude, la dépression, le stress chronique et l’isolement social sont également d’importants facteurs de risque de démence précoce, tout comme les maladies cardiaques, les problèmes auditifs, la carence en vitamine D et les niveaux élevés de protéine C-réactive (produite par le foie en réponse à une inflammation). Quant aux facteurs associés au mode de vie, la consommation abusive d’alcool est positivement liée à l’apparition précoce de la démence. Cependant, de manière étonnante, la consommation modérée est corrélée à un risque réduit.
D’ailleurs, bien que la présence de l’allèle 2 de l’apolipoprotéine ε4 (un gène de prédisposition à Alzheimer) ait été identifiée parmi les facteurs de risque, il est intéressant de noter que la plupart d’entre eux sont modifiables (par exemple ceux liés au mode de vie). Selon Sebastian Köhler de l’Université de Maastricht, qui a également contribué à l’étude, « nous savions déjà, grâce à des recherches sur les personnes qui développent une démence à un âge avancé, qu’il existe une série de facteurs de risque modifiables. Le fait que cela soit également évident pour la démence à début précoce m’a surpris, et cela pourrait également offrir des opportunités de réduire le risque dans ce groupe ». En outre, bien que l’étude ne permette pas encore d’établir des liens de cause à effet clairs, elle fournit d’importants indices à la fois en matière de prévention et de nouvelles stratégies thérapeutiques.