Un biologiste et un cinéaste animalier ont capturé les toutes premières images à ce jour de ce qui semble être un grand requin blanc nouveau-né vivant, au large de Santa Barbara (en Californie). En effet, alors que la prédation de cette espèce et ses rôles écosystémiques sont bien établis, leur reproduction et leur naissance sont très peu documentées. La zone maritime documentée pourrait potentiellement constituer le premier site de naissance définitif répertorié pour l’espèce.
Mesurant jusqu’à 6 mètres de long, les grands requins blancs (Carcharodon carcharias) sont des prédateurs emblématiques qui fascinent autant les scientifiques que le grand public. Cependant, malgré ce haut niveau d’intérêt, leur vie demeure en grande partie mystérieuse. Bien qu’imposants en comparaison à d’autres espèces de requins, ils sont étonnamment insaisissables, en partie en raison de leur mode de déplacement rapide et de leurs techniques de prédation en embuscade.
Les lacunes les plus importantes concernent leur reproduction et leur naissance. Des décennies d’observation ont révélé que les grands requins blancs sont ovovivipares, c’est-à-dire que les œufs éclosent in utero, où les embryons peuvent se nourrir d’œufs non fécondés et de « lait utérin » sécrété par mère. Après 12 mois de gestation, cette dernière donne naissance jusqu’à 13 petits mesurant en moyenne à peine plus d’un mètre.
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Cependant, ces données proviennent uniquement de l’observation de femelles en apparence enceintes et de l’interprétation de la différence de taille entre les jeunes requins et les adultes. En effet, les nouveau-nés n’ont jusqu’à présent jamais été directement observés vivants, sans compter que l’espèce ne peut pas être élevée en captivité. Bien qu’une étude de 2020 ait recensé le plus petit spécimen connu, les chercheurs n’étaient pas certains s’il s’agissait bien d’un nouveau-né.
En outre, leur lieu de naissance n’a jamais été précisément délimité. « L’endroit où les requins blancs mettent bas est l’un des Saint Graal de la science des requins. Personne n’a jamais été en mesure de déterminer où ils sont nés, et personne n’a jamais vu un bébé requin nouveau-né vivant », a déclaré dans un communiqué de l’Université de Californie à Risverside, le cinéaste Carlos Gauna (connu sous le pseudonyme « The Malibu Artist »). « Des requins blancs morts ont été trouvés dans des mères enceintes décédées. Mais rien de tel », a-t-il ajouté.
Il a été suggéré que les femelles migrent vers les eaux tempérées pour mettre bas, ce qui représente dans la région une longue zone côtière allant de Santa Barbara (Californie) jusqu’au nord de la Basse-Californie, au Mexique. L’espèce est notamment connue pour être fortement migratrice : elle serait capable de parcourir plus de 10 000 kilomètres en seulement 9 mois. Le jeune spécimen filmé par Gauna a été aperçu en juillet de l’année dernière, à quelques centaines de mètres des côtes de Santa Barbara. Les images du drone caméra ont révélé ce qui pourrait bien être le tout premier grand requin blanc nouveau-né jamais observé. Les résultats de l’observation sont détaillés dans la revue Environmental Biology of Fishes.
Une couleur blanchâtre inhabituelle
Au cours de leurs observations, Gauna et son collègue Phillip Sternes (biologiste des requins à l’Université de Californie Riverside) ont remarqué trois très gros requins blancs, qui semblaient être des femelles enceintes. Quelques jours plus tard, l’un d’eux a soudainement plongé et peu de temps après, un petit requin d’un blanc laiteux — une couleur très inhabituelle pour cette espèce — est apparu près de la surface. « Il n’est pas difficile de déduire d’où vient le bébé », selon le cinéaste.
Mesurant environ 1,5 mètre de long, on pourrait le confondre avec un petit lamantin, avec ses petits yeux noirs et sa pâleur peu commune. Son corps mince, court et ses nageoires arrondies, similaires à ceux des embryons, suggèrent qu’il n’avait que quelques jours voire quelques heures. En agrandissant les images, les chercheurs ont remarqué que sa couleur blanchâtre s’estompait à mesure qu’il nageait. Cela pourrait suggérer qu’il était encore recouvert de substances intra-utérines (dont le lait utérin), ce qui renforce l’hypothèse du nouveau-né.
Toutefois, cela pourrait également être dû à une maladie cutanée inconnue et qui entraînerait la desquamation de la peau de l’animal. « Si c’est ce que nous avons vu, alors c’est aussi monumental, car aucune condition de ce type n’a jamais été signalée pour ces requins », estime Gauna. Néanmoins, la possibilité d’une affection cutanée est très peu probable, selon Sternes.
En effet, des maladies cutanées telles que l’albinisme et le leucisme ont déjà été relevées chez les raies et les requins, mais très rarement (un seul cas d’albinisme recensé chez les requins blancs). La pollution et la température peuvent également affecter le développement normal de la pigmentation. Cependant, la desquamation de la couche blanchâtre du petit requin étudié montre une pigmentation normale en dessous — ce qui contredit l’hypothèse d’une maladie potentielle.
Par ailleurs, sa présence dans les eaux de Santa Barbara concorde avec les précédentes observations, suggérant que cette région pourrait être un lieu de naissance définitif pour les grands requins blancs. Si cela se confirme, de nouvelles législations de conservation devraient être établies pour protéger la zone, l’espèce étant menacée de disparition selon la liste rouge de l’UICN.
Vidéo du bébé requin blanc (© TheMalibuArtist/YouTube) :