Des océanographes ont découvert 4 gigantesques monts sous-marins en haute mer entre le Pérou et le Chili, dont le plus grand fait près de 2,6 kilomètres de haut. Les montagnes ont été repérées par hasard au cours d’une expédition, lorsque l’équipe a constaté d’étranges anomalies gravitationnelles sur la carte d’itinéraire. Ils pourraient abriter de véritables oasis de biodiversité.
En janvier dernier, une équipe du Schmidt Ocean Institute effectuait un transit en haute mer de Golfito (au Costa Rica) à Valparaiso au Chili (entre la côte centre-ouest et sud-ouest américaine), à bord de leur navire d’exploration Falkor Too. En planifiant leur itinéraire, ils ont constaté que les données satellites présentaient des anomalies gravitationnelles au niveau de certaines régions. L’attraction gravitationnelle y était un peu plus élevée que la normale, ce qui suggérait un important excès de masse.
Sur une cartographie satellitaire, les reliefs du fond marin engendrent de légères déformations de la surface océanique apparente. Les montagnes peuvent engendrer des sortes de protubérances presque imperceptibles sur la carte, tandis que les canyons y créent une dépression. En examinant les données de plus près, l’équipage a découvert que ces anomalies gravitationnelles correspondaient à de gigantesques montagnes sous-marines jusqu’ici jamais répertoriées.
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« Examiner les anomalies gravitationnelles est une façon élégante de dire que nous avons recherché des bosses sur une carte, et lorsque nous l’avons fait, nous avons localisé ces très grands monts sous-marins tout en respectant le calendrier prévu pour notre première expédition scientifique au Chili au début de cette année », explique John Fulmer, l’expert hydrographique de l’équipe d’expédition, dans un communiqué du Schmidt Ocean Institute.
À l’aide d’une technique de cartographie multifaisceaux, les chercheurs ont pu confirmer que les monts n’étaient présents dans aucune base de données bathymétriques existantes. « Nous avons eu la chance de pouvoir planifier un itinéraire cartographique opportuniste en utilisant ces anomalies gravimétriques dans les données altimétriques des satellites », indique Fulmer.
Des oasis de biodiversité
Le quatuor de monts sous-marins a été détecté entre 460 et 600 kilomètres au large des côtes péruviennes et chiliennes. Les trois sommets péruviens mesurent respectivement 1591, 1644 et 1873 mètres de haut. Le 4e, situé au large du Chili, est le plus imposant, s’élevant à 2681 mètres au-dessus du fond marin. Pour mettre cela en perspective : il fait plus de trois fois la hauteur du Burj Khalifa (l’immeuble le plus haut au monde, culminant à 828 mètres). Il s’étend également sur une très grande surface de 450 kilomètres carrés et se cache à 1150 mètres sous la surface de l’eau.
Les parois de ces montagnes pourraient être de véritables oasis de biodiversité. En effet, les monts et canyons sous-marins sont connus pour être des « hot spots » biologiques, abritant souvent des écosystèmes complexes de récifs coralliens des profondeurs, d’éponges et d’anémones. Ces structures offrent notamment de vastes surfaces rocheuses particulièrement appropriées pour la croissance de ces organismes. La présence de ces derniers attire de nombreux autres animaux (crustacés, céphalopodes, poissons, …), faisant des monts sous-marins des habitats extrêmement importants pour la biodiversité.
Cependant, le manque de données bathymétriques détaillées entrave la capacité à protéger ces écosystèmes. « Les cartes sont des outils fondamentaux pour comprendre notre planète : la localisation des monts sous-marins nous conduit presque toujours à des points chauds de biodiversité peu étudiés », explique Jyotika Virmani, directrice générale du Schmidt Ocean Institute.
Lors de leurs expéditions en mer, les chercheurs du Schmidt Ocean Institute collectent habituellement des données bathymétriques à mesure qu’ils se déplacent. Depuis 2012, leurs navires Falkor et Falkor Too ont cartographié environ 1,5 million de kilomètres carrés de fond océanique et répertorié 29 monts sous-marins, collines et canyons. L’une des montagnes a été détectée récemment (en novembre de l’année dernière) au large du Guatemala, à 2400 mètres de profondeur. Elle fait 1600 mètres de haut et couvre 14 kilomètres carrés.
Malgré les efforts de recherche, la grande majorité (75 %) des fonds océaniques reste encore à cartographier. La dernière expédition de l’institut fait d’ailleurs partie d’un projet ambitieux nommé Seabed 2030, qui vise à cartographier l’intégralité des fonds marins de la planète d’ici 2030. Selon les dernières estimations, entre 45 000 et 100 000 monts sous-marins sont encore non répertoriés. « La cartographie des océans est cruciale pour notre compréhension de la planète et, par conséquent, pour notre capacité à assurer sa protection et sa gestion durable », conclut le directeur du projet, Jamie McMichael-Phillips.