Lucas Jemeljanova, 13 ans, est devenu le premier enfant au monde à se remettre complètement d’un gliome infiltrant du tronc cérébral (GITC) — un cancer rare et particulièrement agressif dont les chances de survie après le diagnostic ne dépassent généralement pas un an. Diagnostiqué à l’âge de 6 ans, il a déjoué tous les pronostics en étant incroyablement réceptif à un médicament appelé évérolimus. Les chercheurs étudient désormais son cas dans l’espoir de reproduire les effets du traitement sur d’autres enfants souffrant de GITC.
Le GITC (ou DIPG pour « Diffuse Intrinsec Pontine Glioma» en anglais) est une tumeur cérébrale très agressive, localisée dans la partie du tronc cérébral appelée pont. Il s’agit d’une région profonde et sensible, impliquée dans de nombreuses fonctions vitales telles que l’équilibre, la respiration, le contrôle de la vessie, la fréquence cardiaque et la tension artérielle. Elle est également traversée par les connexions nerveuses liées à la vision, l’audition, la parole, la déglutition et le mouvement. Cette forme de gliome est qualifiée d’infiltrant parce qu’elle se propage rapidement aux tissus avoisinants. Les cellules cancéreuses se mélangent avec les cellules saines, rendant la tumeur quasi inopérable.
Il s’agit d’une forme de tumeur cérébrale relativement rare, affectant près de 100 enfants par an en France. Les symptômes cliniques surviennent généralement à l’âge de 5 à 7 ans. Dans la plupart des cas, ils évoluent rapidement (sur quelques semaines) avant le diagnostic, débutant par de subtiles et soudaines modifications du comportement (agressivité, hyperémotivité, troubles du sommeil, …). S’ensuivent peu de temps après des difficultés cognitives et motrices.
Les parents de Lucas ont été alarmés lorsqu’à 6 ans, il s’est soudainement affaibli et montrait des difficultés à marcher droit, à uriner, s’évanouissait souvent et souffrait de saignements de nez fréquents. Après son transfert au Centre de cancérologie Gustave Roussy (à Paris), le diagnostic de GITC a été posé.
Son médecin, Jacques Grill, se souvient encore de son émotion lorsqu’il a dû annoncer aux parents que leur enfant avait peu de chances de survivre. En effet, la plupart des patients ne survivent pas plus d’un an après le diagnostic et seuls 10 % sont encore en vie après deux ans. Néanmoins, il a tout de même convaincu les parents de le faire participer aux essais cliniques BIOMEDE (Biological Medicine for Diffuse Intrinsic Pontine Glioma Eradication), proposant aux enfants souffrant de GITC une thérapie ciblée en fonction des anomalies génomiques détectées dans leurs tumeurs.
Un cas unique au monde
Lucas a été sélectionné à l’aveugle pour essayer l’évérolimus, un anticancéreux approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) pour traiter le cancer du rein, du pancréas, du sein et d’autres types de gliome. Cependant, il n’avait jusqu’à présent jamais été testé pour le GITC. Son mécanisme d’action se base sur l’inhibition de la protéine kinase mTOR, dont la suractivation induit la prolifération cellulaire incontrôlée inhérente aux tumeurs.
Grill a été surpris de constater que dès le début de l’essai, l’enfant était particulièrement réceptif au traitement. Après une série d’IRM, le médecin a constaté que la tumeur avait complètement disparu. « Lucas a déjoué tous les pronostics. Je ne connais aucun autre cas semblable dans le monde », a-t-il déclaré à l’Agence France Presse (AFP). Grill est également responsable du programme des tumeurs cérébrales au centre Gustave Roussy.
Toutefois, le médecin n’a pas osé interrompre tout de suite le traitement, du moins jusqu’à il y a un et demi, lorsque Lucas a lui-même révélé qu’il ne prenait plus ses médicaments. « Je ne savais pas quand m’arrêter ni comment, car il n’y avait aucune référence dans le monde », a expliqué l’expert. 7 ans plus tard, il ne reste toujours aucune trace de la tumeur et la rémission semble définitive.
Un espoir pour d’autres enfants souffrant de GITC
Bien que cela soit encore difficile à confirmer, Grill estime que la raison pour laquelle certains enfants réagissent aux médicaments alors que d’autres non, réside probablement dans les « particularités biologiques » de leurs tumeurs. Lucas aurait aussi bien réagi au traitement en raison de la présence d’une mutation extrêmement rare. En effet, les 7 autres enfants participant à l’essai avec lui ont survécu plusieurs années après leur diagnostic, mais seule la tumeur de Lucas a été complètement résorbée.
L’équipe de Grill prévoit de reproduire les différences génétiques identifiées dans les cellules tumorales de Lucas dans des organoïdes (des agglomérats de tissu cérébral cultivés en laboratoire). L’objectif sera d’observer si les effets de l’évérolimus observé chez l’enfant peuvent être reproduits, dans l’espoir d’aboutir potentiellement à des traitements plus ciblés pour d’autres enfants souffrant de GITC. Toutefois, cela nécessitera encore de longues années de recherches, ont précisé les chercheurs. Néanmoins, « le cas de Lucas offre un réel espoir », conclut Marie-Anne Debily, l’experte qui supervise les travaux.