Un trou noir supermassif alimentant l’objet le plus brillant de l’Univers (un quasar) engloutit l’équivalent d’une masse solaire par jour. Situé à environ 12 milliards d’années-lumière, ce monstre cosmique possède une masse de près de 17 milliards de fois celle du Soleil et constitue le trou noir à la croissance la plus rapide jamais observée. Selon les astronomes, ce record pourrait ne jamais être battu.
Les quasars sont des noyaux galactiques extrêmement lumineux alimentés par un trou noir supermassif faisant généralement entre quelques millions et quelques dizaines de milliards de masses solaires. Le premier quasar a été détecté en 1963, initialement identifié à tort comme une étoile inhabituellement brillante. Cependant, l’immense quantité d’énergie libérée ne pouvait s’expliquer que par la présence d’un trou noir supermassif, convertissant l’énergie gravitationnelle en chaleur et en lumière en formant un disque d’accrétion avec la matière capturée.
Près d’un million de quasars sont désormais répertoriés et considérés comme des indicateurs de croissance rapide des trous noirs supermassifs. Les plus lumineux abritent généralement les trous noirs supermassifs qui grandissent le plus rapidement. Parmi les plus remarquables figure J0100 2802, découvert en 2015 et abritant un trou noir de 10 milliards de masses solaires (avec un indice de décalage vers le rouge de 6,3). Un peu plus tard en 2018, J2157 3602, un quasar encore plus lumineux abritant un trou noir de 24 milliards de masses solaires a été découvert.
Dans le cadre d’une nouvelle étude détaillée dans la revue Nature Astronomy, des chercheurs ont établi un nouveau record avec un quasar baptisé J0529-4351. Présentant un décalage vers le rouge de 3,9, il s’agit de l’objet le plus lumineux observé à ce jour. Cette luminosité suggère que le trou noir supermassif en son centre est celui à la croissance la plus rapide jamais enregistrée.
En effet, « un incroyable taux de croissance signifie également une énorme libération de lumière et de chaleur », a expliqué dans un communiqué l’auteur principal de la recherche, Christian Wolf, de l’Université nationale australienne à Canberra. « C’est donc aussi l’objet connu le plus lumineux de l’univers. Il est 500 000 milliards de fois plus lumineux que notre soleil », a-t-il indiqué.
La croissance la plus rapide jamais enregistrée
J0529-4351 a été détecté pour la première fois à l’aide du télescope de 2,3 mètres de l’observatoire Siding Spring, près de Coonabarabran en Nouvelle-Galles du Sud (Australie). Les chercheurs ont également détecté sa présence en passant en revue les données cartographiques de l’observatoire spatial Gaia, qui peuvent inclure des objets inhabituellement brillants parfois identifiés à tort comme des étoiles.
Afin de confirmer sa nature et analyser ses propriétés, les experts se sont appuyés sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO), au Chili. Le spectromètre à haute résolution du VLT a été utilisé pour analyser la lumière provenant de J0529-4351 et en déduire la quantité produite par le disque d’accrétion de son trou noir supermassif.
Les analyses spectrales ont montré que le trou noir fait près de 17 milliards de fois la masse du Soleil. Son disque d’accrétion fait près de 7 années-lumière de diamètre, soit 50 % de plus que la distance entre notre système solaire et l’étoile la plus proche, Alpha du Centaure. Il constitue ainsi le disque d’accrétion le plus étendu jamais observé. Ces dimensions colossales suggèrent qu’il absorbe annuellement une quantité phénoménale de matière — jusqu’à 413 masses solaires, soit environ l’équivalent d’un Soleil par jour !
« Cela ressemble à une gigantesque cellule orageuse magnétique avec des températures de 10 000 degrés Celsius, des éclairs partout et des vents soufflant si vite qu’ils feraient le tour de la Terre en une seconde », explique Wolf. « C’est une surprise qu’il soit resté indétectable jusqu’à présent, étant donné ce que nous savons sur de nombreux autres trous noirs moins impressionnants », a ajouté son collègue Christopher A. Onken, qui a également contribué à la recherche.
Étant donné que sa lumière a mis 12 milliards d’années à nous parvenir, cela suggère qu’il avait déjà commencé à « se nourrir » lorsque l’Univers était encore très jeune et que la matière se déplaçait de manière désordonnée. Cela suggère que J0529-4351 pouvait absorber plus facilement de la matière, ce qui explique probablement sa croissance exceptionnellement rapide.
Bien que J0529-4351 soit suffisamment brillant pour être correctement observé avec les dispositifs actuels, la mise à niveau du VLT (en cours dans le cadre du projet Gravity+) offrira une plus grande résolution afin de l’étudier plus avant. Les différentes parties du disque d’accrétion pourront être analysées de façon beaucoup plus détaillée, suggèrent les chercheurs.