Depuis longtemps, la Lune est au centre de l’attention des chercheurs. Certains voient cet astre comme une partie de la réponse aux futurs besoins énergétiques. C’est ainsi que le potentiel de l’exploitation minière de la Lune a récemment été étudié de près par une startup. Dans son étude de faisabilité, ils se focalisent sur un élément précis (plus précisément un isotope) : l’hélium-3. Le projet d’extraire cet isotope a été envisagé il y a longtemps, mais n’avait jusqu’ici jamais été étudié de près, ou planifié. L’entreprise envisage désormais de faire le premier pas vers ce nouveau marché potentiel, qui selon elle pourrait révolutionner le secteur de l’énergie.
Rob Meyerson, ex-président de la société Blue Origin et Gary Lai, qui en était l’architecte en chef, ont décidé de fonder une entreprise dont la principale activité serait l’extraction d’hélium-3 de la surface lunaire. Envoyé sur Terre, le but est de le vendre pour un usage tout aussi innovant : alimenter la réaction de fusion nucléaire (le Saint-Graal de la production d’énergie) des futures centrales à fusion.
Cette société opère furtivement depuis 2022, mais s’est révélée mercredi avec une annonce inédite. Baptisée Interlune, elle a réussi à lever 15 millions de dollars pour financer ce projet. À cela s’ajoutent de précédentes séries d’investissements providentiels. Bien que ce financement soit relativement modeste par rapport aux grands projets spatiaux commerciaux, les implications demeurent potentiellement importantes.
Exploitation d’hélium-3 : vers une nouvelle vision de l’économie lunaire
Le concept de l’exploitation minière de la Lune ne date pas d’hier. En effet, il a été proposé par des scientifiques dès le début des années 1970. Déjà à cette époque, les chercheurs ont identifié des éléments et des ressources exploitables sur la Lune, mais les limitations technologiques empêchaient tout progrès significatif dans ce domaine. Cependant, au cours des dernières années, avec les progrès de la robotique, de l’exploration spatiale et des différentes techniques d’extraction de ressources, la notion d’exploitation minière de la Lune a été ravivée. Cette fois, l’ambition des scientifiques est de révolutionner la production d’énergie en exploitant l’hélium-3.
L’hélium-3, selon les chercheurs, offre une lueur d’espoir dans la recherche de fusion contrôlée. L’élément duquel est issu l’isotope est produit par réaction solaire et est présent presque partout dans le cosmos. En revanche, la Terre n’en possède qu’une infime quantité, ce qui en fait une ressource plutôt rare. C’est la raison pour laquelle Interlune projette de changer la donne en valorisant les ressources lunaires. De nombreuses questions émergent toutefois face à cette approche.
Dans un premier temps, la communauté scientifique se demande comment la startup compte extraire le gaz du régolithe lunaire, le matériau abrasif, rocheux et salissant qui se trouve à la surface de la Lune. Ensuite, comment Interlune compte-t-elle procéder pour envoyer l’hélium-3 sur Terre ? Enfin, si l’entreprise y parvient, est-elle certaine qu’il y aura un marché durable et important qui soutiendra son activité ? Meyerson semble pourtant optimiste face à cette question.
D’après lui, si la NASA a investi des dizaines de milliards de dollars dans le programme Artemis (un programme qui vise à ramener les humains sur la Lune), il est convaincu que le moment est venu de profiter de ces moyens de transport et d’autres ressources pour créer une société d’exploitation minière lunaire. « L’hélium-3 est la seule ressource dont le prix est suffisamment élevé pour permettre d’aller sur la Lune et de le ramener sur Terre (de façon rentable) », a-t-il déclaré dans le cadre d’une interview pour ArsTechnica. Selon lui, « il y a des clients qui veulent déjà en acheter aujourd’hui ».
Un projet de grande envergure qui semble rentable
L’hélium-3 a le potentiel de fournir un approvisionnement énergétique illimité. Un seul litre est évalué à quelques milliers de dollars. Voilà la raison pour laquelle le ministère américain de l’Énergie s’efforce de le recycler. C’est en tenant compte de cette situation que Meyerson affirme qu’à court terme, la demande en hélium-3 sera considérable dans l’industrie de l’informatique quantique supraconductrice et pour l’imagerie médicale. À plus long terme, l’hélium-3 pourrait être utilisé comme combustible pour les réacteurs à fusion.
« L’une des raisons pour lesquelles l’utilisation de l’hélium 3 pour des applications commerciales n’a pas été largement explorée est qu’il n’est pas disponible en grande quantité », déclare Meyerson. « La production d’un approvisionnement régulier de ce gaz stimulerait de nouveaux plans d’affaires et de nouvelles applications », a-t-il ajouté. Cependant, divers chercheurs se demandent comment l’entreprise s’y prendra pour extraire le gaz du régolithe lunaire de façon rentable. En effet, la société devra probablement traiter des dizaines voire des centaines de tonnes de régolithe lunaire pour produire un seul gramme d’hélium-3. Pourtant, Meyerson ne semble pas inquiet.
Pour concrétiser son projet, Interlune se base sur une technologie clé : un processus d’extraction du gaz lunaire à faible consommation d’énergie. L’entreprise travaille d’ailleurs sur le lancement d’une mission de démonstration prévue pour 2026. Elle consistera à prélever des échantillons du régolithe lunaire, de mesurer la quantité d’hélium-3 et de tenter d’en extraire une partie. Meyerson a indiqué que cette mission sera probablement effectuée dans le cadre de l’une des missions du Commercial Lunar Services Provider de la NASA. « Nous voulons ensuite mettre en place une usine pilote d’ici 2028 et, d’ici 2030, commencer à exploiter et à envoyer des quantités d’hélium-3 pour soutenir les marchés sur Terre », a-t-il déclaré.
En ce qui concerne l’acheminement de l’hélium-3 vers la Terre, il pourrait être facilité par SpaceX ou par Blue Origin, autrefois présidée par Meyerson. Toutes deux (ces sociétés) développent des atterrisseurs lunaires réutilisables et des systèmes de transport destinés à servir spécifiquement entre l’orbite lunaire et celle de la Terre, ce qui pourrait rendre le concept d’Interlune très rentable.