Les matériaux à changement de phase (MCP) sont de plus en plus exploités dans divers secteurs techniques. Leur spécificité réside dans leur capacité à absorber et à libérer de l’énergie sous forme de chaleur en changeant d’état physique, sous certaines températures. Dans une nouvelle étude, un MCP spécifique — de la paraffine — a été intégré dans du béton afin de faire fondre la neige qui s’y accumule. Une prouesse technique qui pourrait être bien utile en hiver.
La gestion et l’entretien des routes en période hivernale dans les régions enneigées coûtent très cher aux administrations publiques. Aux États-Unis par exemple, le budget annuel consacré aux processus de déneigement et de déverglaçage s’élèverait à plus de 2 milliards de dollars. Ces opérations incluent le salage — consistant à répandre du sel sur les routes enneigées ou verglacées —, qui est efficace, mais qui met à rude épreuve l’intégrité des revêtements routiers.
En vue de proposer une meilleure alternative à base de béton, des chercheurs de l’Université Drexel en Pennsylvanie ont développé un béton autochauffant capable de maintenir sa température de surface au-dessus du point de congélation. L’idée derrière l’innovation est de faire fondre la neige et la glace qui s’y accumule afin de prévenir le processus de gel sur et à l’intérieur du sol. Cette solution pourrait non seulement améliorer la sécurité des habitants en hiver, mais également réduire considérablement les dépenses publiques. En outre, elle pourrait prolonger la durée de vie des infrastructures en béton.
Cette technologie a déjà été testée dans un environnement contrôlé en laboratoire, pour évaluer son efficacité. Suite à la réussite des tests antérieurs, les chercheurs ont ainsi mené une étude plus approfondie dans le cadre d’essais en conditions réelles. Les résultats ont été publiés dans la revue Journal of Materials in Civil Engineering.
De la paraffine pour faire fondre la glace ?
Le matériau à changement de phase derrière cette technologie est la paraffine. Lorsque la température ambiante baisse, cette dernière commence à se solidifier, libérant ainsi de la chaleur. Ce processus permet au béton de maintenir une température au-dessus du point de congélation.
Pour intégrer le matériau dans le béton, les chercheurs ont utilisé deux techniques différentes. La première consiste à immerger des agrégats rocheux dans de la paraffine liquide avant de les mélanger au béton. Dans la deuxième approche, les chercheurs ont directement intégré de petites capsules contenant de la paraffine dans le mélange.
À noter que les chercheurs n’ont pas révélé l’origine du MCP utilisé dans l’expérience. Si un jour ils comptent déployer leur technologie (c’est-à-dire avec une production à grande échelle), il faudra tenir compte de l’origine du matériau. En effet, il existe un type de paraffine issue du pétrole brut. Il serait cependant avantageux d’explorer l’utilisation de paraffines synthétiques, qui sont respectueuses de l’environnement, renouvelables, et biodégradables.
Des essais en conditions réelles
Afin de mettre à l’essai la technologie, les scientifiques ont exposé des dalles aux conditions extérieures réelles, et ce depuis 2021. Celles-ci ont ainsi subi 32 cycles de gel-dégel et cinq épisodes de neige d’au moins 2,5 cm. Au cours de ces deux années, les dalles de béton à changement de phase ont maintenu leur température de surface entre 5,6 °C et 12,8 °C pendant 10 heures dans des conditions de gel. Les dalles ont même fait fondre plusieurs centimètres de neige à une vitesse d’environ 6,35 mm par heure. Le béton aux composants immergés dans de la paraffine liquide s’est avéré plus efficace.
Toutefois, des limitations ont été observées. En effet, le béton à changement de phase peinait à faire fondre une couche de neige de plus de cinq centimètres. De plus, pour être efficace, la paraffine doit « se recharger » entre les épisodes de gel-dégel. Pour cela, elle doit absorber suffisamment de chaleur pour assurer sa capacité à en libérer lorsque la température diminue.