Les changements hormonaux liés au cycle menstruel des femmes n’affectent pas uniquement l’anatomie reproductive. Par le passé, des chercheurs ont émis l’hypothèse que les flux d’hormones sexuelles au cours des règles peuvent avoir un impact sur la structure même du cerveau. Pour vérifier cela, des chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara ont tenté de mettre en évidence l’influence du cycle menstruel sur les régions du cerveau qui régissent la mémoire, les émotions, le comportement et la communication cérébrale. Les résultats sont concluants et montrent bel et bien des changements structurels au sein de la matière blanche et grise, du volume cortical et de la quantité de liquide céphalo-rachidien.
Selon Catherine Wooley, neurobiologiste à l’Université Northwestern d’Evanston dans l’Illinois, la plupart des femmes vivent environ 450 cycles menstruels au cours de leur vie. Bien que la menstruation ainsi que ses effets sur le corps et l’humeur de la femme soient des sujets qui intéressent depuis longtemps, très peu d’études ont été effectuées dans le but de mieux les comprendre.
Les précédentes études se sont surtout concentrées sur la communication cérébrale lors des tâches cognitives. Pourtant, la fluctuation hormonale pourrait aussi modifier structurellement certaines zones du cerveau. C’est pourquoi Elizabeth Rizor et Viktoriya Babenko, neuroscientifiques à l’Université de Californie à Santa Barbara, ont souhaité réaliser une étude plus poussée sur le sujet.
Sous la supervision de Rizor et de Babenko, l’équipe de recherche a effectué des IRM de trente femmes présentant un cycle menstruel normal, durant trois phases différentes : la menstruation, l’ovulation et au milieu de la période lutéale. Chaque changement structurel survenant dans le cerveau à mesure que leurs profils hormonaux variaient a été enregistré.
Au cours de l’observation, des changements subtils ont été constatés au niveau de quatre hormones : l’œstradiol (un type d’œstrogène), l’hormone folliculo-stimulante (FSH), la progestérone et l’hormone lutéinisante (LH). Sur la base des données enregistrées par les chercheurs, il a été constaté que lors de l’ovulation, les niveaux d’œstrogène et de LH sont considérablement élevés. La progestérone quant à elle culmine durant la phase lutéale, tandis que la FSH demeure constante. Cette hormone folliculo-stimulante n’est à son plus haut niveau que durant l’ovulation. En comparant ces niveaux avec les données d’imagerie IRM, des microchangements structurels de la matière blanche et du volume cortical ont pu être mis en évidence dans différentes zones du cerveau.
Bien qu’ils n’aient pas encore été évalués par des pairs, « ces résultats sont les premiers à faire état de changements simultanés à l’échelle du cerveau dans la microstructure de la matière blanche humaine et l’épaisseur corticale coïncidant avec les rythmes hormonaux induits par le cycle menstruel », affirme Babenko, co-autrice de l’étude.
Les effets de l’interaction entre le cerveau et les hormones « pourraient ne pas se limiter aux régions classiques connues pour leurs récepteurs de l’axe Hypothalamique – Pituitaire – Gonadique (HPG-axis) », toujours selon Babenko. Au cours de l’étude, les scientifiques ont en effet constaté des changements au niveau des tissus, dont la matière grise (qui abrite le corps des neurones et est impliquée dans le langage et la mémoire, l’activité sensorielle et motrice) et la matière blanche (qui contient les fibres des neurones, qui transfèrent les informations au sein de la matière grise).
Des conséquences sur la santé mentale et le comportement ?
Selon le niveau d’hormone de chaque femme étudiée, la microstructure de la matière grise du cerveau subissait des changements. Il en va de même en ce qui concerne le volume de liquide céphalo-rachidien. Par exemple, avant l’ovulation, lorsque l’œstradiol et l’hormone LH sont à leur pic, la matière blanche véhicule les informations entre les régions de la matière grise plus rapidement. Après l’ovulation, lorsque la progestérone augmente, le volume des tissus cérébraux augmente. En revanche, le liquide céphalo-rachidien diminue pendant cette période.
Les changements cérébraux constatés pourraient bien affecter la santé mentale des femmes, mais pour le moment, cela n’est qu’une hypothèse. De futures recherches pourraient se pencher sur le sujet. D’ailleurs, Rizor affirme : « Bien que nous n’ayons pas encore rapporté les conséquences fonctionnelles ou les corrélats des changements structurels du cerveau, nos résultats peuvent avoir des implications pour les altérations du comportement et de la cognition induites par les hormones ». « Le monde médical devra prendre note de l’importance de ces fluctuations dans notre vie quotidienne et les intégrer davantage dans les soins », conclut-elle.