Une étude révèle que le vapotage expose les adolescents américains à des niveaux inquiétants de métaux lourds. Les niveaux urinaires d’uranium sont notamment deux fois plus élevés chez les vapoteurs habitués par rapport aux vapoteurs occasionnels, tandis que les niveaux de plomb seraient jusqu’à 40 % plus élevés. Ces niveaux d’exposition pourraient potentiellement nuire au développement du cerveau et soulignent le besoin d’une réglementation plus stricte du vapotage chez les jeunes.
Gagnant constamment en popularité, les cigarettes électroniques (ou e-cigarettes) constituent désormais le principal mode de consommation de tabac chez les jeunes et les adolescents. Aux États-Unis, on estime que 14 % des lycéens (plus de 2 millions) et 3 % des collégiens (plus de 380 000) pratiquent le vapotage en 2022. Initialement promue en tant qu’alternative plus saine au tabagisme classique, la pratique est depuis peu controversée en raison des impacts potentiels des aérosols sur la santé, comme nous l’avons rapporté dans un précédent article d’investigation.
Les aérosols des e-cigarettes contiennent de la nicotine à des concentrations très variables, ainsi que, en effet, d’autres substances chimiques potentiellement nocives telles que l’acétaldéhyde, l’acroléine, le formaldéhyde, le propylène glycol, la glycérine, l’éthanol, l’acétol et l’oxyde de propylène.
Des études ont également mis en évidence des traces de métaux lourds tels que le plomb, le nickel, l’étain, l’uranium et le cadmium. Bien que les concentrations de ces derniers varient en fonction de la marque et du type de dispositif de vapotage, ils ont été systématiquement détectés. L’exposition à ces substances est particulièrement nocive durant les phases de développement. Des études ont par exemple rapporté que l’exposition à long terme aux métaux lourds est associée à des troubles cognitifs, des troubles du comportement, des complications respiratoires ainsi qu’à des risques de cancer et de maladies cardiovasculaires chez les enfants.
Cependant, alors que les impacts négatifs du tabagisme classique sont bien établis, nous en savons beaucoup moins sur les effets des aérosols issus du vapotage. Cette incompréhension entrave la mise en place de réglementations et de stratégies de prévention adaptées. Afin de combler les lacunes, des chercheurs du Centre médical de l’Université du Nebraska (aux États-Unis) ont exploré plus avant les risques d’exposition des adolescents aux métaux lourds par le biais du vapotage. Leurs résultats sont détaillés dans la revue spécialisée Tobacco Control.
Des niveaux d’uranium 90 % plus élevés pour les arômes « sucrés »
Dans le cadre de leur enquête, les chercheurs ont présélectionné 1607 adolescents âgés de 13 à 17 ans, inscrits dans l’étude gouvernementale Population Assessment of Tobacco and Health (PATH). Après exclusion de différents facteurs de variabilité, 200 vapoteurs occasionnels (1 à 5 jours par mois), intermittents (6 à 19 jours par mois) et fréquents (plus de 20 jours par mois) ont été retenus.
Parmi les 200 participants (63 % de femmes), 65 ont déclaré un usage occasionnel, 45 un usage intermittent et 81 un usage fréquent. Les informations sur la fréquence de vapotage manquaient pour 9 participants. Le nombre de bouffées à chaque consommation augmente parallèlement à la fréquence de vapotage, notamment 0,9 pour les pratiquants occasionnels, 7,9 pour les intermittents et 27 pour les vapoteurs fréquents.
D’autre part, les arômes des aérosols ont également été classés selon 4 catégories : mentholés, fruités, sucrés (comme le chocolat, les desserts et les bonbons) et autres (comme le tabac, les épices et diverses boissons alcoolisées ou non). Au cours des 30 jours précédant l’enquête, 1 vapoteur sur 3 (33 %) a déclaré avoir opté pour des arômes mentholés, la moitié (50 %) privilégiait les arômes fruités, et un peu plus de 15 % ont opté pour des fragrances sucrées. 2 % ont utilisé d’autres arômes.
L’objectif des chercheurs était de déterminer si les niveaux de métaux potentiellement toxiques pouvaient être associés à la fréquence de vapotage et si les arômes utilisés pouvaient influencer les niveaux d’exposition. Les échantillons d’urine des participants ont été analysés pour détecter la présence de cadmium, de plomb et d’uranium.
Les analyses ont montré que l’urine des vapoteurs intermittents et fréquents contenait 40 % et 30 % (respectivement) plus de plomb que celle des vapoteurs occasionnels. Les niveaux d’uranium étaient également deux fois plus élevés chez les consommateurs fréquents. En revanche, aucune surexposition significative n’a été observée pour le cadmium.
D’un autre côté, les comparaisons en fonction des arômes ont montré que les niveaux d’uranium étaient 90 % plus élevés chez ceux qui privilégiaient les parfums sucrés, par rapport à ceux qui préféraient les parfums mentholés. Selon les experts, « les produits de cigarettes électroniques aromatisés aux bonbons représentent une proportion substantielle des vapoteurs adolescents, et le goût sucré des cigarettes électroniques peut supprimer les effets agressifs de la nicotine », ce qui pourrait augmenter les effets de dépendance aux e-cigarettes.
Toutefois, il est important de noter qu’il ne s’agit que d’une étude observationnelle et qu’aucune conclusion définitive ne peut être obtenue sur la corrélation entre les niveaux de métaux lourds, la fréquence de vapotage et les arômes. En effet, il est possible que ces substances puissent provenir d’autres sources telles que la nourriture ou les activités industrielles à proximité. D’autres experts non impliqués dans l’étude suggèrent d’ailleurs que les résultats n’ont pas fait l’objet d’un examen assez rigoureux. Selon George Laking de l’Université d’Auckland par exemple, cette étude « ne serait qu’un rapport de plus destiné à promouvoir une anxiété à l’égard du vapotage ».
Néanmoins, selon les chercheurs de l’étude, les niveaux d’uranium détectés chez les vapoteurs qui privilégiaient les arômes sucrés sont tout de même préoccupants. « Ces résultats appellent à des recherches plus approfondies, à une réglementation du vapotage et à des interventions de santé publique ciblées pour atténuer les méfaits potentiels de l’utilisation de la cigarette électronique, en particulier chez les adolescents », concluent-ils.