Natron Energy, l’un des pionniers des batteries sodium-ion, lancera sa production commerciale d’ici juin dans une nouvelle usine spécialisée basée à Holland, dans le Michigan — une première aux États-Unis. Ces nouvelles batteries offriront une puissance et des cycles énergétiques plus élevés que les batteries lithium-ion conventionnelles tout en étant plus sécuritaires et plus durables. Les premières livraisons seront destinées aux centres de données d’IA, qui deviennent chaque année toujours plus énergivores.
La demande en lithium ne cesse d’augmenter chaque année pour les applications aux appareils électroniques portables et aux véhicules électriques. L’augmentation des besoins est telle que les entreprises d’extraction minière ont du mal à suivre, engendrant ainsi des prix toujours plus élevés. Entre 2019 et 2022, le prix de l’hydroxyde de lithium est passé de 6800 dollars la tonne métrique à 78 032 dollars. En 2040, la demande pourrait augmenter d’un facteur 40 par rapport à 2020, en raison de l’augmentation de l’utilisation des sources d’énergie électrique, selon l’Agence Internationale de l’Énergie.
Les conséquences socio-environnementales de l’extraction du lithium sont considérables. Non seulement des millions d’hectares de sol sont contaminés par les produits d’extraction secondaires, mais le processus de raffinage est également très gourmand en énergie. On estime qu’entre 10 et 30 tonnes de CO2 sont émises pour raffiner une tonne d’hydroxyde de lithium. De plus, 90 % de l’approvisionnement mondial est contrôlé par des entreprises chinoises, ce qui impose des restrictions géopolitiques pour certains pays comme les États-Unis. Ces entreprises sont en outre pointées du doigt pour leur tendance à manquer au respect des droits de l’homme.
Parmi les alternatives explorées pour pallier ces problèmes figurent les batteries à base de sodium. Ce minéral est 500 à 1000 fois plus abondant que le lithium, sans compter que son extraction ne nécessite pas les mêmes procédés néfastes pour l’environnement. Bien que les batteries sodium-ion ne puissent stocker qu’environ deux tiers de l’énergie des batteries lithium-ion, elles offriraient d’autres avantages, tels qu’un cycle de charge plus rapide, une durée de vie plus longue et une utilisation plus sûre.
Dans cette vision, l’entreprise américaine Natron Energy propose une nouvelle batterie sodium-ion, qui sera disponible dans le commerce aux États-Unis dès le mois prochain (un retard d’un an par rapport aux prévisions initiales). Mis à part son indépendance au lithium, le dispositif a été entièrement pensé pour réduire les impacts socio-environnementaux sur toute la chaîne d’approvisionnement, tout en offrant suffisamment d’efficacité pour les entreprises.
« L’électrification de notre économie dépend du développement et de la production de nouvelles solutions innovantes de stockage d’énergie. Chez Natron, nous sommes fiers de fournir une telle batterie sans utiliser de minéraux de conflit ou de matériaux ayant des impacts environnementaux douteux », explique dans un communiqué Colin Wessells, fondateur et co-PDG de Natron Energy.
L’entreprise prévoit notamment de se fournir localement en sodium et autres matériaux utiles et abondamment disponibles, tels que l’aluminium, le fer et le manganèse. Cela réduira à la fois les empreintes écologiques et les coûts des produits finaux, sans compter que la chaîne d’approvisionnement sera à l’abri de toute perturbation géopolitique.
Une batterie pouvant supporter 50 000 cycles de charge
Les électrodes de la nouvelle batterie de Natron stockent et transfèrent les ions sodium beaucoup plus rapidement, plus fréquemment et avec une résistance interne plus faible que toute autre batterie commercialisée à ce jour. Selon les ingénieurs de l’entreprise, elle peut se charger et se décharger 10 fois plus rapidement que les batteries à base de lithium et supporter jusqu’à 50 000 cycles de charge.
Bien que l’entreprise n’ait pas officiellement communiqué de chiffres concernant la densité énergétique, un rapport de Chemical & Engineering News estime qu’elle s’élève à 70 Wh/kg. Bien que ce taux soit encore nettement inférieur à celui des batteries lithium-ion actuelles, il correspond aux besoins des stockages stationnaires ciblés par la compagnie (pour les centres de données). Cette dernière prévoit d’ailleurs d’améliorer le dispositif et d’augmenter cette densité à 200 Wh/kg afin de répondre aux besoins des véhicules électriques.
En outre, la batterie ne nécessite pas de matériaux inflammables tels que le cobalt, le cuivre et le nickel. « Les batteries sodium-ion offrent une alternative unique au lithium-ion, avec une puissance plus élevée, une recharge plus rapide, un cycle de vie plus long et une chimie totalement sûre et stable », indique Wessells. Au maximum de sa capacité, la première usine de Holland devrait produire 600 mégawatts de batteries sodium-ion par an et servira de modèle pour les futures installations à grande échelle de Natron.
Les premières livraisons en juin seront destinées aux centres de données d’IA, qui nécessitent un stockage d’énergie et une alimentation 24h/24 et 7j/7. « Nous prévoyons que nos solutions de batterie seront utilisées pour alimenter la croissance explosive des centres de données utilisés pour l’intelligence artificielle », affirme Wendell Brooks, co-PDG de Natron. À terme, l’entreprise prévoit d’étendre son marché à la recharge rapide des véhicules électriques, les dispositifs de télécommunication ainsi qu’aux besoins en énergie des industries. Elle ciblera entre autres les applications industrielles d’alimentation de secours avec des produits comme l’armoire de batterie BlueRack 250, conçue pour évoluer d’un kilowatt à plusieurs mégawatts.