Opal Sandy, une petite fille britannique de 18 mois rapidement devenue sourde après la naissance à cause d’une neuropathie auditive montre désormais une audition quasi parfaite, après avoir bénéficié d’une nouvelle thérapie génique dans le cadre d’un essai clinique. Il s’agit de la première et de la plus jeune patiente au monde à avoir bénéficié de ce type de traitement, qui consiste à administrer des gènes activés (ou normaux) dont la mutation est responsable de la maladie. Selon les médecins, ces résultats marquent une nouvelle ère dans le traitement de la surdité chez les enfants.
La neuropathie auditive est due à la mutation d’un gène appelé OTOF codant pour une protéine appelée otoferline. Cette protéine est essentielle à la transmission des influx nerveux depuis l’oreille interne vers le cerveau. Elle permet entre autres aux cellules ciliées de communiquer avec le nerf auditif. On estime qu’environ 20 000 personnes portent cette mutation au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie.
Étant donné que la majorité des cellules ciliées sont encore fonctionnelles peu après la naissance, les enfants nés avec cette mutation réussissent généralement les tests auditifs néonataux. Cependant, ces cellules ne parviennent pas à transmettre les informations sonores au nerf auditif et la surdité est détectée progressivement vers l’âge de 2 ou 3 ans, généralement lorsqu’un retard d’élocution se fait remarquer.
Les retards de diagnostic accentuent les problèmes d’élocution et une intervention tardive peut fortement nuire au développement de l’enfant. De ce fait, « nous ne disposons que de peu de temps pour intervenir en raison du rythme rapide du développement cérébral à cet âge », explique Manohar Bance, chirurgien auditif au Cambridge University Hospitals (CUH) du NHS Foundation Trust.
Le traitement standard pour les patients souffrant de neuropathie auditive est l’implant cochléaire électrique. Ce dispositif stimule directement le nerf auditif en contournant les cellules ciliées endommagées. Cependant, ces implants possèdent certaines limites, telles que l’impossibilité de porter les parties externes dans l’eau par exemple.
La petite Opal a été diagnostiquée par le biais d’un test ADN à l’âge de 3 semaines. Elle a notamment été identifiée comme à risque étant donné que sa sœur aînée souffre de la même maladie. Lorsque l’enfant a eu 11 mois, Bance et ses collègues ont proposé aux parents de la faire participer aux essais cliniques d’une nouvelle thérapie génique visant à administrer des versions activées du gène OTOF. « Plus de soixante ans après l’invention de l’implant cochléaire, cet essai montre que la thérapie génique pourrait constituer une alternative future », estime le médecin.
Une audition quasi parfaite après 24 semaines
Au cours de l’essai, Opal a subi une opération sous anesthésie générale pour recevoir le traitement dans son oreille droite et un implant cochléaire dans l’oreille gauche (pour servir d’oreille témoin). Il s’agit notamment de la première phase de l’essai clinique CHORD (parrainé par la société de biotechnologie Regeneron), dans lequel 3 enfants ont été sélectionnés pour recevoir une faible dose de la thérapie pour en évaluer l’efficacité et l’innocuité. La thérapie a été administrée par le biais d’un vecteur viral (AAV1) inoffensif, injecté directement dans la cochlée pour introduire les versions actives d’OTOF dans les cellules. Au total, l’intervention n’a duré que 16 minutes.
Opal a commencé à réagir aux sons dès 4 semaines après l’administration du traitement, même quand son implant dans l’oreille gauche était éteint. Pour la première fois de sa vie, elle a pu entendre sans avoir besoin d’appareil auditif. Au cours des semaines suivantes, les médecins ont constaté une amélioration continue et à 24 semaines, l’enfant avait des niveaux d’audition proches de la normale pour les sons faibles, comme les chuchotements.
« Ces résultats sont spectaculaires et meilleurs que ce à quoi je m’attendais », s’extasie Bance. Aujourd’hui âgée de 18 mois, Opal réagit correctement à la voix de ses parents et commence à communiquer avec de simples mots comme « dada » et « bye-bye ». Le passe-temps favori de la petite fille est désormais de faire le plus de bruit possible avec ses jouets et ses couverts. L’un des enfants ayant effectué l’essai avec Opal a également obtenu des résultats très encourageants.
La prochaine étape de l’essai inclura 3 autres enfants portant la mutation OTOF, qui recevront une dose plus élevée de la thérapie dans l’une des oreilles. La troisième étape recrutera 3 autres enfants, qui recevront une dose dans chaque oreille. Les enfants seront tous suivis pendant 5 ans et seront recrutés au Royaume-Uni, en Espagne et aux États-Unis.
Selon Richard Brown, pédiatre consultant au CUH et enquêteur de l’essai CHORD, « il est probable qu’à long terme, ces traitements nécessiteront moins de suivi et pourraient donc constituer une option intéressante, y compris dans les pays en développement ». Les consultations de suivi ont en effet montré des résultats efficaces et aucun effet secondaire n’a été relevé à ce jour. Les résultats d’Opal sur 24 semaines seront présentés cette semaine à la rencontre annuelle de l’American Society of Gene and Cell Therapy (ASGC) à Baltimore, aux États-Unis.
Vidéo de présentation de la recherche et du témoignage des parents d’Opal :