Depuis 2020, une nouvelle épidémie de grippe aviaire A (H5N1) fait des ravages, avec des centaines de millions d’oiseaux décimés à travers le monde. Les élevages en font les frais, les volailles infectées devant être systématiquement euthanasiées. De nombreux fermiers s’accordent même à dire que cette vague est la plus dévastatrice depuis la première apparition du virus en 1996. La maladie ne se limite pas aux oiseaux : à ce jour, elle a déjà affecté près d’une cinquantaine d’espèces de mammifères, y compris l’homme. Récemment, le premier cas d’infection bovine d’un homme a été confirmé aux États-Unis.
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre janvier 2003 et mars 2024, 888 personnes ont contracté la grippe aviaire A (H5N1), et plus de 50 % d’entre elles en sont décédées. Le premier cas humain aux États-Unis a été détecté en 2022 chez une personne ayant été en contact avec des volailles infectées. Plus récemment, en mars dernier, un second cas a été identifié chez un jeune fermier texan de 18 ans. Ce dernier est le premier américain à contracter le virus par le biais de bovins laitiers infectés.
Des scientifiques du Laboratoire de recherche sur les menaces biologiques du Texas ont contribué à la détection du virus par le biais de prélèvements du patient. Ils ont publié les résultats des analyses dans la revue New England Journal of Medicine. « Cela va jeter les bases de nombreuses recherches futures sur l’évolution du virus », s’enthousiasme l’un des chercheurs dans un communiqué, en faisant référence au document publié.
Vers une pandémie humaine ?
À ce jour, tous les cas humains de grippe aviaire A (H5N1) ont résulté de transmissions zoonotiques (c’est-à-dire à partir d’animaux). Le fait que le virus ne puisse pas nous infecter par le biais de nos voies respiratoires supérieures réduit la probabilité de transmission interhumaine. Concernant le cas du patient texan récemment diagnostiqué, il a manifesté des symptômes oculaires.
Cependant, dans le document de recherche, les scientifiques soulignent l’existence d’un changement récent dans le gène du virus PB2 E627K. Il s’agit d’une mutation connue pour augmenter l’adaptabilité et la virulence du microorganisme chez son hôte, facilitant ainsi sa réplication. Ce changement, déjà détecté chez d’autres personnes infectées, a également été observé dans le cas du jeune fermier texan. « Le virus identifié dans l’échantillon du travailleur présentait un changement (PB2 E627K) associé à une adaptation virale à des hôtes mammifères », écrit l’équipe dans le document. Si cette mutation n’est pas encore alarmante, elle constitue « la première étape de l’escalier pandémique » selon Thomas Peacock, un virologue interviewé par la revue Nature.
Infections humaines : des chiffres sous-estimés
Bien que l’infection du jeune texan soit actuellement le seul cas humain confirmé résultant d’une transmission par des bovins, certains experts estiment que le nombre réel de personnes infectées pourrait être bien plus élevé. Peacock est de ceux qui partagent cet avis. En se référant à l’étendue de l’épidémie chez les bovins, le chercheur a déclaré pour Nature qu’il y a « presque certainement eu beaucoup plus de cas humains que ce que nous pensons ». Il faut savoir qu’aux États-Unis, 50 troupeaux répartis dans 9 États ont déjà présenté des cas d’infection confirmés.
Les estimations des chercheurs soulignent l’urgence d’accélérer les tests pour mieux définir combien de personnes et de bovins ont réellement été exposés au H5N1. Cela aiderait les scientifiques et les autorités sanitaires à évaluer l’ampleur réelle de l’épidémie et à prendre des mesures concrètes pour la contrôler. Il est aussi urgent de connaître le mode de propagation du virus entre les bovins, car si cela s’effectue via les sécrétions respiratoires, il serait plus difficile de maîtriser l’épidémie. Cela exposerait également les fermiers à un risque de contamination plus élevé.