Des chercheurs ont découvert d’importantes quantités de microplastiques dans les tissus testiculaires de chiens et d’hommes. Chez ces derniers, la concentration était trois fois supérieure à celle des chiens et nettement supérieure à celle précédemment relevée dans les tissus placentaires des femmes. Les experts soupçonnent que ces particules soient impliquées dans la baisse inquiétante du nombre et de la qualité des spermatozoïdes chez les hommes au cours des dernières décennies.
Au cours des 30 dernières années, un déclin significatif de la qualité et de la quantité de spermatozoïdes chez les humains a été observé. Ce déclin coïncide avec l’augmentation de la prévalence de différents troubles reproductifs, tels que l’hypospadie, la cryptorchidie, l’infertilité masculine et le cancer des cellules germinales testiculaires.
Il a été suggéré que ces problèmes sont liés à l’augmentation de polluants environnementaux tels que les phtalates, les pesticides et les métaux lourds. Des études ont notamment montré que ces substances peuvent perturber le système endocrinien et affecter le développement et les fonctions testiculaires.
La présence toujours croissante de microplastiques dans quasiment tous les milieux ajoute un autre niveau de complexité à cette menace environnementale. Des recherches ont mis en évidence leur présence dans presque tous nos organes et systèmes, en passant par la circulation sanguine (après ingestion ou inhalation). Des expériences sur des souris ont montré que ces particules peuvent même franchir la barrière hématoencéphalique. Elles ont en outre été détectées dans le placenta humain et dans le lait maternel, indiquant une exposition fœtale et postnatale préoccupante.
Plus inquiétant encore, une récente étude a révélé la présence de microplastiques dans des testicules et des échantillons de sperme humains. Chez les animaux, leur présence dans les systèmes reproducteurs mâles est corrélée à une baisse du nombre de spermatozoïdes et des perturbations hormonales. En effet, ces particules interfèrent avec les molécules biologiques non seulement par leur simple présence, mais également en devenant des vecteurs de composés toxiques tels que le bisphénol A (BPA).
Cependant, malgré les progrès en matière de détection, d’importantes lacunes subsistent quant aux niveaux réels de microplastiques dans les systèmes reproducteurs humains, ainsi que leurs impacts potentiels. Afin d’en savoir plus, des chercheurs de l’Université du Nouveau-Mexique (aux ֤États-Unis) ont utilisé une nouvelle méthode analytique pour détecter le microplastique dans les testicules humains et canins. Les chiens et les humains partageant généralement leur environnement ainsi que certaines caractéristiques biologiques.
« Comparés aux rats et aux autres animaux, les chiens sont plus proches des humains », explique dans un communiqué de l’Université du Nouveau-Mexique, Xiaozhong Yu, qui a dirigé l’étude. « Physiquement, leur spermatogenèse est plus proche de celle des humains et leur concentration de spermatozoïdes est plus semblable à celle des humains », ajoute-t-il. Les résultats de la recherche ont été publiés dans la revue Toxicological Sciences.
Des quantités corrélées à un nombre réduit de spermatozoïdes
Dans le cadre de leur enquête, Yu et son équipe ont collecté 47 testicules canins et 23 humains. Les premiers ont été obtenus auprès de refuges et de cliniques vétérinaires qui effectuaient des stérilisations, tandis que les seconds ont été obtenus auprès du Bureau d’investigation médical du Nouveau-Mexique, qui collecte les tissus lors des autopsies. Pour détecter les microparticules de plastique, les chercheurs ont traité chimiquement les échantillons afin de dissoudre les graisses et les protéines, puis ont ultracentrifugé le tout afin d’isoler la matière plastique.
Les chercheurs ont ainsi détecté du plastique dans la totalité des échantillons. Chez les chiens, la concentration moyenne était de 122,63 microgrammes par gramme de tissu. Chez les humains, la quantité était de 329,44 microgrammes par gramme de tissu, soit près de trois fois supérieure à celle des chiens et nettement supérieure à la concentration moyenne trouvée précédemment dans le tissu placentaire.
« Au début, je doutais que les microplastiques puissent pénétrer dans le système reproducteur », a déclaré Yu. « Lorsque j’ai reçu pour la première fois les résultats concernant les chiens, j’ai été surpris. J’ai été encore plus surpris lorsque j’ai reçu les résultats pour les hommes ».
Afin d’identifier les différents types de plastique présents, les culots obtenus après ultracentrifugation ont été chauffés à 600 °C puis analysés au spectromètre de masse. Les experts ont identifié 12 types de plastique différents chez les chiens et les humains, dont le plus répandu était le polyéthylène (PE), couramment utilisé dans la fabrication de sacs et de bouteilles en plastique. Chez les chiens, le polychlorure de vinyle (PVC) — couramment utilisé pour la plomberie domestique — était également très abondant.
En quantifiant le nombre de spermatozoïdes dans les échantillons canins, les chercheurs ont constaté que les niveaux élevés de PVC étaient positivement corrélés à un nombre réduit de spermatozoïdes. En revanche, aucune corrélation significative n’a été constatée pour le PE. Selon Yu, la nature du plastique fait une différence, car le PVC peut par exemple vectoriser de nombreux composés chimiques interférant avec la spermatogenèse et les hormones sexuelles.
Bien que le nombre de spermatozoïdes n’ait pas pu être quantifié chez les humains (car les échantillons ont été chimiquement conservés), les experts estiment que les résultats pourraient être comparables à ceux des chiens en raison de facteurs environnementaux communs. En outre, l’âge moyen des donneurs humains était de 35 ans, ce qui signifie que l’exposition aux microplastiques a débuté il y a des décennies, lorsque les niveaux environnementaux étaient beaucoup plus bas qu’aujourd’hui. « L’impact sur la jeune génération pourrait être plus préoccupant, maintenant qu’il y a plus de plastique que jamais dans l’environnement », indique Yu. Toutefois, des inconnues subsistent et davantage de recherches sont nécessaires afin de comprendre l’ampleur des impacts sur la reproduction humaine à long terme.