Des chercheurs ont découvert d’énormes quantités de lithium dans les eaux usées provenant de la fracturation hydraulique des puits d’exploitation de gaz en Pennsylvanie, aux États-Unis. À l’aide d’une technique innovante permettant d’extraire l’élément avec un rendement de plus de 90 %, la source pourrait satisfaire jusqu’à 40 % de la demande du pays. Cela constituerait un grand vers son objectif de répondre à la totalité de ses besoins en lithium à partir de sources locales d’ici 2030.
Le lithium fait partie d’un groupe d’éléments essentiels à la fabrication des technologies actuelles, telles que les smartphones et les ordinateurs portables. Il est également utilisé dans les technologies de transition énergétique telles que les véhicules électriques et les panneaux photovoltaïques. Avec la croissance de la demande, son prix a grimpé d’environ 550 % en seulement un an. D’autre part, les objectifs de neutralité carbone pourraient accroître la demande mondiale de 400 %.
Paradoxalement, son exploitation suscite la controverse en raison de lourds impacts environnementaux non seulement dus à son extraction, mais également à sa chaîne d’approvisionnement. Estimée à une valeur de 8 milliards de dollars, 90 % de la réserve mondiale de lithium provient d’Australie, du Chili et de la Chine. Une grande partie est extraite au Chili pour ensuite être traitée en Chine, avant d’être expédiée vers sa destination finale. Cela implique d’importantes émissions de carbone, sans compter les pratiques non conformes à l’éthique et les problèmes géopolitiques dans lesquels la Chine est impliquée.
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Afin de réduire les impacts et faciliter l’approvisionnement, les États-Unis prévoient de « produire » le lithium dont ils ont besoin localement. Des études récentes ont montré que les sous-produits de fracturation hydraulique des hydrocarbures (pétrole et gaz) pourraient constituer d’importantes sources de lithium. Or, ces eaux usées sont actuellement peu traitées et réutilisées, constituant ainsi un problème environnemental supplémentaire pour le pays.
Des chercheurs de l’Université de Pittsburgh (en Pennsylvanie, aux États-Unis) proposent d’exploiter le lithium provenant de ces sources, permettant ainsi de les valoriser tout en améliorant la disponibilité de l’élément au niveau national. Ils ont notamment découvert que les eaux usées produites à partir des exploitations gazières de la région de la formation de Marcellus, dans les Appalaches centrales, pourraient contenir des concentrations en lithium économiquement viables.
À noter que les États-Unis disposent déjà d’une mine d’extraction de lithium opérationnelle dans le Nevada. Cependant, « c’est différent », indique Justin Mackey, auteur principal de la nouvelle étude, dans un article de blog de l’Université de Pittsburgh. « Il s’agit d’un flux de déchets et nous envisageons une utilisation bénéfique de ces déchets », explique-t-il en faisant référence aux eaux usées de fracturation hydraulique des hydrocarbures. L’exploitation de cette nouvelle source ne nécessite donc pas d’opérations minières supplémentaires. Les résultats de l’étude sont disponibles dans la revue Scientific Reports.
Un réservoir pouvant satisfaire 40 % de la demande du pays
La formation de Marcellus est un bassin géologique comprenant un gisement de gaz naturel datant du Paléozoïque supérieur. Afin de l’extraire, de nombreuses opérations de forage sont effectuées dans la région. Pour ce faire, les opérateurs utilisent d’énormes volumes d’eau pour la fracturation hydraulique. Cette technique consiste à creuser un puits d’environ 1500 mètres de profondeur, puis à y injecter de l’eau à très haute pression pour extraire le gaz de la roche et des sédiments.
Environ 95 % des eaux usées des exploitations de Marcellus sont réutilisées pour les opérations de fracturation hydraulique en cours. Cependant, ces fluides contiennent d’importantes quantités de matières dissoutes (plus de 100 000 mg/l) et nécessitent ainsi un processus de traitement rigoureux avant de pouvoir être réutilisés. En conséquence, le volume d’eau réutilisé est tout de même bas par rapport à celui injecté.
D’après les rapports des exploitants de la région (exigés par les autorités environnementales de la Pennsylvanie), ces eaux usées contiennent de grandes quantités de lithium. Cependant, aucune mesure précise n’a été menée jusqu’à présent pour le quantifier. « La découverte de lithium dans les eaux usées des schistes de Marcellus n’était pas une surprise, mais il n’y a pas eu suffisamment de mesures pour quantifier la ressource », explique Mackey.
En effet, Marcellus est une formation géologique de schistes déposée au cours de la période de volcanisme du Dévonien (entre 416 et 359 millions d’années avant notre ère). Ils sont alternés de lits de calcaire provenant de la cendre volcanique, qui, par diagénèse (transformation des sédiments en roches sédimentaires), a séparé le lithium du reste des minéraux. Cela en fait ainsi une cible idéale et accessible pour l’extraction de l’élément.
D’après les analyses de l’équipe de la nouvelle étude, la région pourrait fournir des rendements massiques de lithium pouvant aller jusqu’à 1160 tonnes métriques par an. Cela pourrait satisfaire entre 30 et 40 % de la demande nationale, rapprochant ainsi le pays de son objectif de satisfaction totale des besoins d’ici 2030. Les expériences en laboratoire des chercheurs ont montré qu’il est possible d’extraire le lithium des eaux usées de fracturation hydraulique avec un rendement de plus 90 %.
Toutefois, « les concentrations, les volumes de production et l’efficacité d’extraction varient entre les zones d’exploitation », précisent les chercheurs dans leur rapport. Cela pourrait avoir un impact sur l’efficacité de la récupération. Néanmoins, le pays dispose d’autres sources d’eaux usées riches en lithium qui pourraient aussi être exploitées, dont en Virginie occidentale.
En prochaine étape, les chercheurs prévoient d’évaluer les impacts environnementaux à long terme de cette nouvelle technique d’exploitation du lithium. Des installations pilotes seront ensuite déployées pour explorer les différentes techniques d’extraction possibles.