En 2023 en Afrique du Sud, le paléontologue de renommée mondiale Lee Berger et son équipe ont découvert le plus ancien site funéraire connu à ce jour. Les restes que les chercheurs ont trouvés sur place seraient ceux d’un parent éloigné d’Homo sapiens : Homo naledi, un hominine au cerveau de la taille d’une orange. La configuration des fosses contenant les corps suggère qu’ils enterraient délibérément leurs morts, ébranlant ainsi les connaissances actuelles de l’évolution de l’Homme. En effet, les théories actuelles associées à l’évolution humaine avancent notamment qu’un cerveau d’une certaine taille est nécessaire afin de comprendre et accomplir des tâches aux sens complexes, telles qu’enterrer les morts.
Les sépultures les plus anciennes trouvées par les archéologues au Moyen-Orient et en Afrique contenaient des restes d’Homo sapiens âgés d’environ 100 000 ans. Cependant, les restes découverts en Afrique du Sud par Berger remontent à au moins 200 000 ans avant notre ère, ce qui repousse d’au moins 100 000 ans le record précédent des premières traces de pratiques mortuaires.
C’est sur le site paléontologique du « Berceau de l’humanité », classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO et situé au nord-ouest de Johannesburg, que les chercheurs ont fait leur découverte. Ils ont ensuite déclaré dans un article prépublié dans la revue eLife : « Il s’agit des inhumations les plus anciennes jamais enregistrées dans les archives d’hominidés, antérieures d’au moins 100 000 ans aux preuves d’inhumations d’Homo sapiens ».
D’après les déclarations de Berger, les restes trouvés lors des fouilles appartiennent à un Homo naledi, une espèce primitive à la croisée des chemins entre les singes et les humains modernes. Au moins cinq individus étaient en position fœtale, recroquevillés, dans des alcôves enfouies à une trentaine de mètres sous terre. Toujours selon l’équipe de Berger, les fosses dans lesquelles ils se trouvaient ont été délibérément creusées puis rebouchées. D’après eux, il s’agit de la preuve que les corps de ces pré-humains ont été volontairement enterrés. « Les corps d’adultes de H. naledi et de plusieurs enfants âgés de moins de 13 ans ont été déposés en position fœtale, ce qui suggère un enterrement intentionnel des morts », a déclaré l’équipe des fouilles.
Une nouvelle espèce découverte en 2013
La découverte par Berger lui-même d’Homo naledi remonte à 2013. Elle avait remis en cause, à l’époque, les lectures linéaires concernant l’évolution de l’Homme. Cette nouvelle espèce est dotée d’une dentition primitive et de membres inférieurs particulièrement adaptés pour grimper aux arbres. Homo naledi disposait également d’orteils courbés semblables à ceux d’Homo sapiens, ainsi que des mains certainement capables de manier des outils.
Le volume du cerveau est d’environ un tiers de celui d’Homo sapiens, soit pas plus grand qu’une grosse orange. Ainsi, les scientifiques ont déclaré que « ces découvertes montrent que les pratiques mortuaires n’étaient pas limitées à Homo sapiens ou à d’autres hominidés dotés d’un cerveau de grande taille ». Ils ont également ajouté que le lieu de sépulture n’est pas le seul signe montrant qu’Homo naledi était capable d’un comportement cognitif et émotionnel complexe. En effet, sur les surfaces lisses d’une colonne de grotte voisine, des gravures formant des figures géométriques, dont une « forme grossière de croisillon », ont également été découvertes. « Cela veut dire que les humains n’ont peut-être pas inventé de tels comportements », a affirmé Berger.
En 2015, Berger a fait face à une opposition de la part de la communauté scientifique après que ses découvertes ont montré qu’Homo naledi était capable d’effectuer des tâches complexes malgré la taille de son cerveau. Toutefois, selon lui, « c’était trop pour les scientifiques de l’époque ». « Nous sommes sur le point de dire au monde que ce n’est pas vrai », a-t-il déclaré. Aujourd’hui encore, les résultats de ses nouvelles recherches nécessitent toutefois une analyse plus approfondie. « Ces résultats, s’ils sont confirmés, pourraient avoir une grande importance », a déclaré Carol Ward, anthropologue à l’Université du Missouri.