Juste après sa naissance lors du Big Bang, l’Univers aurait été principalement constitué d’éléments légers comme l’hydrogène et l’hélium. En ce qui concerne les éléments lourds, leur formation reste à ce jour incertaine. Une nouvelle étude suggère que des neutrinos intriqués pourraient y avoir joué un rôle clé.
Des éléments plus lourds (principalement des métaux), jusqu’au fer, ont continué à se former au cours des 13,8 milliards d’années qui ont suivi le Big Bang par les processus de fusion nucléaire au centre des étoiles chaudes. Cependant, au-delà du fer, l’ajout de protons supplémentaires nécessite plus d’énergie que le processus de fusion ne peut en fournir. La synthèse nucléaire se produit donc par le biais de la capture de neutrons. Les neutrons se regroupent sur les noyaux atomiques et, à des concentrations suffisamment élevées, ils se transforment en protons. Cela augmente le numéro atomique de l’élément d’une unité. Cette conversion dépend des neutrinos et des antineutrinos.
La capture des neutrons peut se produire lentement ou rapidement (en quelques minutes). Cependant, la capture rapide de neutrons ne peut avoir lieu que lorsqu’une très grande quantité d’énergie est libérée, c’est-à-dire lors d’un événement catastrophique comme l’effondrement d’une supernova. « L’endroit où les éléments chimiques sont produits n’est pas clair et nous ne connaissons pas toutes les manières possibles de le faire », explique l’auteur principal de la nouvelle étude, Baha Balantekin, professeur de physique à l’Université du Wisconsin-Madison. Il a mené ses recherches conjointement au Physics Frontier Center du Network for Neutrinos, Nuclear Astrophysics, and Symmetries (N3AS). « Nous pensons que certains sont produits lors d’explosions de supernovas ou de fusions d’étoiles à neutrons, et que beaucoup de ces objets sont régis par les lois de la mécanique quantique », a-t-il ajouté.
Vers une meilleure compréhension des neutrinos
Dans un communiqué, Balantekin a déclaré : « Quand une supernova explose, une énergie doit être libérée, et elle est libérée sous forme de neutrinos ». Selon les lois de la mécanique quantique, ces neutrinos peuvent s’entrelacer, parce qu’ils interagissent dans la supernova qui s’effondre. L’intrication se produit lorsque deux particules ou plus interagissent et se lient au niveau quantique. Cette liaison de leurs états quantiques est alors maintenue, quelle que soit la distance qui les sépare. « Une question que nous pouvons nous poser est de savoir si ces neutrinos sont vraiment intriqués ou non », explique Balantekin.
Les neutrinos sont pratiquement dépourvus de masse et n’ont ainsi pratiquement aucun moyen de faire « connaître » leur présence, ce qui explique pourquoi on les surnomme notamment « particules fantômes ». Leur simple nombre signifie que tant au niveau de l’émission que de l’absorption, ils exercent une influence sur la quantité de protons et de neutrons qui se trouvent au cœur des étoiles massives et des événements cosmiques cataclysmiques. Ces particules fantômes ont également tendance à osciller dans un flou quantique au sein duquel neutrinos électroniques, muoniques et tauiques échangent sans cesse leurs identités.
Toutefois, modéliser un grand nombre de neutrinos n’est pas une tâche simple. C’est pourquoi les physiciens les traitent souvent comme un système unique, où les propriétés des particules individuelles sont considérées comme une seule grande superparticule enchevêtrée. Balantekin et ses collègues se sont également basés sur cette approche pour mieux comprendre comment les vents de neutrinos émis par une étoile à neutrons naissante peuvent servir de processus de nucléosynthèse. Ainsi, dans le cadre de leur étude, ils ont simulé jusqu’à huit neutrinos et ont ainsi calculé l’abondance d’éléments qui seraient créés via la capture de neutrons, si les neutrinos étaient intriqués ou non.
Les simulations réalisées ont montré que les éléments dont le numéro atomique est supérieur à 140 sont susceptibles d’être alimentés par la capture de neutrons, à condition que les neutrinos soient intriqués. « Nous avons un système composé, disons, de trois neutrinos et de trois antineutrinos ensemble dans une région où se trouvent des protons et des neutrons et nous verrons si cela change quelque chose à la formation des éléments », déclare Balantekin. « Nous calculons l’abondance des éléments produits dans l’étoile et nous constatons que les cas intriqués ou non intriqués donnent des abondances différentes ». Les chercheurs utilisent actuellement d’autres données sur l’abondance des éléments dans des environnements extrêmes dans le but de vérifier si ces abondances continuent d’être expliquées par les neutrinos intriqués ou non.