Des chercheurs japonais ont développé une peau artificielle à base de cellules cutanées humaines permettant de reproduire des expressions faciales naturelles. Les robots humanoïdes pourraient ainsi en bénéficier pour mieux communiquer non verbalement et surtout de manière plus réaliste avec les humains. La technologie permettra également de modéliser les processus de formation des rides, ce qui pourrait être très utile à l’industrie cosmétique.
Les technologies de robotique humanoïde ont bénéficié d’importantes avancées au cours de la dernière décennie. Cependant, ces robots présentent des limites en ce qui concerne leur capacité à imiter et à interagir naturellement avec les humains de façon non verbale. En effet, il est suggéré que pour communiquer correctement avec nous, ces derniers doivent à la fois pouvoir assurer des fonctions verbales polyvalentes et imiter au mieux notre apparence ainsi que nos expressions. Pour ce faire, des chercheurs se concentrent sur le développement de peaux artificielles plus naturelles.
« À mesure que le développement de la technologie de l’IA et d’autres progrès élargissent les rôles des robots, les fonctions requises pour la peau des robots commencent également à changer », explique au New Scientist Michio Kawai, de l’Université de Tokyo et de Harvard.
Dans cette vision, des robots dotés de peaux pouvant transpirer, s’autoréparer et ayant une sensibilité tactile ont par exemple été développés. Contrairement aux peaux de robots à base de silicone ou autres polymères, ces tissus sont à base de cellules vivantes, ce qui leur permet d’imiter les fonctions biologiques de la peau humaine. La capacité autoréparatrice est particulièrement adaptée aux environnements imprévisibles, au sein desquels les robots sont particulièrement sujets aux rayures et autres dommages mineurs. D’autres propriétés leur permettent d’avoir une apparence se rapprochant le plus possible de celle des humains.
Kawai et ses collègues proposent quant à eux une version encore plus réaliste, qui permettrait aux robots humanoïdes de produire des expressions faciales « plus vraies que nature ». La structure de la peau biohybride permet de reproduire de manière fluide et flexible les expressions faciales humaines. Les résultats de leur étude de développement sont détaillés dans la revue Cell Reports Physical Science.
Des ligaments cutanés similaires à ceux d’une peau naturelle
Afin d’appliquer une peau à base de cultures cellulaires humaines à des robots, il faut utiliser des structures tridimensionnelles (plutôt que bidimensionnelles). Pour ce faire, les techniques précédentes consistaient à utiliser des moules. Les peaux résultantes pouvaient envelopper uniformément des doigts ou des articulations robotiques. Cependant, elles ne disposaient pas de structures de soutien sous-cutanées, ce qui les rendait sujettes à la déformation et aux dommages une fois exposées à des tensions mécaniques.
Afin d’y remédier, des ancrages sous forme de protubérances ont été proposés, mais cela donnait aux robots une apparence peu réaliste et entravait la fluidité de leurs mouvements. De leur côté, les chercheurs de la nouvelle étude se sont inspirés des ligaments sous-cutanés humains pour soutenir leur peau robotique. Ces ligaments permettent à la peau naturelle de rester en place tout en disposant d’une excellente résistivité et flexibilité.
Le tissu ainsi développé est un mélange de cellules cutanées humaines cultivées sur un échafaudage en collagène. Faisant 2 millimètres d’épaisseur, la structure dispose d’une couche dermique et épidermique.
Pour créer les ligaments, les chercheurs ont construit un visage robotique capable de sourire et une tête humaine en résine imprimée en 3D. Le premier est relié à des tiges lui permettant de se mettre en mouvement. Ils y ont ensuite ajouté des ancrages de type perforation, de minuscules cavités en forme de V ponctuant la résine et à l’intérieur desquelles le tissu vivant peut pousser et développer naturellement des ligaments. Une technique de traitement à base de vapeur d’eau a également été utilisée pour améliorer la pénétration du gel cutané à l’intérieur des cavités.
Il a été constaté que la peau pouvait effectuer des mouvements fluides comparables à ceux de la peau humaine. « Nous établissons une corrélation entre les dimensions de l’ancre et son efficacité de fixation via des tests de contraction et de traction », expliquent les experts dans leur document. L’actionnement du tissu a également montré que le robot peut produire de véritables expressions faciales, notamment un sourire.
D’autre part, lorsque les chercheurs ont fait sourire le robot pendant un mois, ils ont découvert que la peau présentait des rides d’expression comparables à celles humaines. Ces résultats pourraient avoir d’importantes implications pour l’industrie cosmétique et pharmaceutique. Ils pourraient entre autres améliorer notre compréhension du processus de formation des rides afin de réduire les essais sur les animaux pour le développement des produits cosmétiques antirides.
Toutefois, il est important de noter que cette peau artificielle est encore loin de pouvoir reproduire toutes les fonctions biologiques caractérisant la peau humaine. De plus, l’absence de fonctions sensorielles et de vaisseaux sanguins pour l’irriguer et lui fournir des nutriments implique qu’elle ne peut pas survivre longtemps à l’air libre.
En prochaine étape, « nous aimerions intégrer à la peau des structures telles que les nerfs et les vaisseaux sanguins, avec un robot qui se déplace à l’aide de muscles fabriqués à partir de cellules musculaires pour le rendre plus humain », conclut le coauteur principal de l’étude, Shoji Takeuchi, de l’Université de Tokyo, pour The Mainichi.
Vidéo montrant l’actionnement du visage robotique doté de la peau artificielle :