Des chercheurs chinois ont découvert qu’une espèce de mousse extrêmophile connue, Syntrichia caninervis, est en fait si résistante qu’elle serait capable de survivre sur Mars. On la trouve notamment dans le désert des Mojaves (en Californie). D’après leur récente étude, elle dispose d’une capacité impressionnante à tolérer des conditions martiennes simulées : la sécheresse, le froid extrême (-196 °C) ainsi que des niveaux élevés de rayonnement gamma et de dioxyde de carbone (plus de 95 %). Ainsi, cette mousse du désert serait capable de survivre et de se développer dans cet environnement hostile.
Avec une atmosphère composée principalement de dioxyde de carbone, de faibles niveaux d’azote, d’argon et d’oxygène, Mars présente des conditions qui rendent difficile la survie d’espèces vivantes. La pression atmosphérique y pose également problème : elle représente moins de 1 % celle de la Terre et la température moyenne à la surface est d’environ -62 °C avec une variation de -126 °C en hiver. Ne possédant pas non plus de champ magnétique global, tout ce qui se trouve à la surface de la planète rouge est exposé à des niveaux élevés de rayonnement gamma.
La mousse de l’extrême
Malgré ces conditions extrêmes, l’un des grands projets utopiques de l’humanité consiste à rendre Mars habitable. Alors que les scientifiques de la NASA et de la DARPA se concentrent sur la manière de libérer l’eau emprisonnée de la planète rouge, Daoyuan Zhang, Yuanming Zhang et Tingyun Kuang, de l’académie chinoise des sciences, comptent s’y prendre autrement. « Des organismes provenant de la Terre pourraient être nécessaires pour produire des conditions similaires à celles de notre planète, adaptées à la vie humaine sur Mars, un processus connu sous le nom de terraformation », déclare le trio.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Ils ont alors eu l’idée de concentrer leurs rechercheurs sur S. caninervis, une mousse extrêmophile qui pousse dans des zones désertiques au climat difficile telles que l’Antarctique, le Tibet, le désert des Mojaves et les régions circumpolaires. L’équipe affirme que leurs travaux sont les premiers à examiner la survie de plantes entières dans un tel environnement. Pour leur expérience, les chercheurs ont utilisé un simulateur d’atmosphères planétaires. Dans un premier temps, ils ont testé la tolérance au froid de la mousse en la stockant à -80 °C pendant 3 à 5 ans, puis à -196 °C pendant 15 à 30 jours.
Après décongélation, les scientifiques ont constaté que les plantes étaient en mesure de se régénérer et de se développer. La déshydratation des mousses avant la congélation les aurait aidées à faire face à ces conditions et surtout à récupérer plus rapidement. Une fois la résistance au froid de S. caninervis connue, l’équipe l’a soumise à différents niveaux de radiations gamma. À leur grande surprise, non seulement la mousse a survécu à un niveau auquel toutes les plantes communes seraient mortes, mais elle a aussi supporté des doses de 500 grays (Gy). De plus, les chercheurs ont constaté que cette exposition à 500 Gy a favorisé la croissance de la mousse. « Nos résultats indiquent que S. caninervis fait partie des organismes connus les plus tolérants aux radiations », a déclaré l’équipe. À savoir qu’un humain subirait des convulsions avant de décéder avec une exposition de seulement 50 Gy.
Pour finaliser leur expérience, les chercheurs ont combiné tous ces facteurs pour simuler l’environnement de Mars, exposant S. caninervis à des températures variant de −60 °C à 20 °C, des niveaux élevés de radiation UV, une faible pression atmosphérique et un air composé à 95 % de CO2. Résultat : quand la mousse était desséchée au préalable, elle montrait un taux de récupération de 100 % environ 30 jours après l’exposition à un tel environnement. En revanche, pour les mousses hydratées, même si elles récupéraient également, le processus de régénération était plus lent.
« Pour l’avenir, nous espérons que cette mousse prometteuse pourra être amenée sur Mars ou sur la Lune pour tester davantage la possibilité de colonisation et de croissance de plantes dans l’espace », déclarent les chercheurs. Cependant, le professeur Stuart McDaniel, botaniste à l’Université de Floride et qui n’a pas participé à l’étude, a suggéré que même si l’idée a du mérite, elle montre une limite non négligeable. « Les expériences ne montrent pas que la mousse peut être une source importante d’oxygène dans les conditions martiennes ni que la mousse du désert peut se reproduire et proliférer dans le contexte martien », déclare McDaniel.
« Bien qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour créer des habitats autosuffisants sur d’autres planètes, nous avons démontré le grand potentiel de S. caninervis en tant que plante pionnière pour une croissance sur Mars », concluent Zhang et Kuang.