Dans la lutte contre le changement climatique, les programmes qui visent à restaurer les forêts ont des objectifs variés, la restauration des écosystèmes étant l’un d’entre eux. Cependant, ces programmes sont confrontés à un défi de taille : déterminer la méthode de restauration du couvert forestier offrant le meilleur retour sur investissement. Dans une étude internationale, des chercheurs révèlent que le reboisement est 10 fois plus rentable pour atténuer le réchauffement climatique que ce qui a été estimé précédemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
À l’échelle mondiale, la restauration des forêts a été largement proposée comme étant la meilleure solution de lutte directe contre le changement climatique. En effet, les arbres retiennent le dioxyde de carbone dans leur biomasse et dans le sol. Le bois récolté, par la suite, stocke le carbone sous forme de produits ligneux. Cependant, dans les pays les plus touchés par la déforestation et qui disposent de moins de ressources pour planter des arbres, déterminer comment allouer des fonds pour stocker un maximum de carbone constitue un obstacle majeur.
Dans ce genre de situation, deux principales options sont envisageables. La première consiste à laisser les forêts se régénérer d’elles-mêmes. Le bémol, c’est que le processus est lent, très lent. La seconde option est d’adopter une approche active qui consiste à planter des arbres, mais le coût est élevé. Ces obstacles ont motivé des chercheurs de Conversation International, de l’UC Berkeley, de l’Université Duke, de l’Université de Californie et de l’Université d’État de l’Oregon à collaborer afin de comparer ces deux approches afin de déterminer de façon plus fiable le retour sur investissement.
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L’étude, récemment publiée dans la revue Nature Climate Change, est la première à se focaliser sur le coût par tonne de reboisement en se basant sur des données réelles. Ces données proviennent de projets qui ont été menés dans différents pays à revenu faible ou intermédiaire. Jonah Busch, chercheur en économie du climat, a déclaré dans un communiqué du Conservation International : « Notre but est de déterminer où il est plus rentable d’établir des plantations d’arbres et où il est le plus rentable de laisser les forêts repousser naturellement. Nous l’avons fait en intégrant des centaines d’observations sur les coûts des projets de reboisement avec d’autres données biophysiques et économiques ».
L’équipe a synthétisé les données de plusieurs milliers de sites de reboisement dans près de 130 pays. Par suite, les chercheurs ont utilisé des modèles d’apprentissage automatique et de régression et ont découvert que la régénération naturelle, pour 46 % des zones étudiées, est l’option la plus rentable sur une période de 30 ans. Le reboisement actif quant à lui constitue l’option la plus rentable pour 54 % des zones étudiées.
Les chiffres montrent également que cette option offre un potentiel d’atténuation du changement climatique à faible coût bien plus important que ce qui a été estimé précédemment par le GIEC. Les résultats montrent entre autres que la régénération naturelle devrait être particulièrement rentable dans une partie de la région andine, à l’ouest du Mexique, en Afrique occidentale et centrale ainsi qu’en Inde et au sud de la Chine. En revanche, le reboisement serait préférable au Brésil, aux Caraïbes, au nord de la Chine, aux Philippines, en Amérique centrale ainsi qu’en Afrique du Nord.
Une combinaison de régénération naturelle et de reboisement pour limiter les coûts
L’équipe a également pensé à combiner les deux approches dans toutes les zones et a constaté que cela serait 44 % plus rentable que la régénération naturelle et 39 % plus rentable que le reboisement. Les chercheurs ont ainsi émis l’hypothèse que l’application de chaque méthode là où elle devrait l’être pourrait contribuer à stocker à terme plus de carbone qu’en cas de reboisement uniquement. « Les paiements carbone peuvent à eux seuls constituer une incitation suffisante au reboisement dans certains endroits », a déclaré Jeff Vincent, professeur d’économie et de gestion forestière à la Nicholas School of the Environment de l’Université Duke.
Cependant, le carbone n’est qu’un élément à prendre en compte lors de la plantation d’arbres. D’après l’équipe, la biodiversité, le soutien aux moyens de subsistance locaux ainsi que la demande de produits ligneux sont également des critères à ne pas négliger avant de décider où et comment reboiser dans une zone donnée.
Les chercheurs ont modélisé une carte du monde montrant quelle méthode de reboisement est la plus rentable par emplacement. « Nous espérons que notre carte aidera les gouvernements, les entreprises et d’autres organisations à utiliser plus efficacement leurs budgets de restauration forestière », conclut Vincent.
« Dans le cadre de recherches futures, nous espérons estimer les coûts d’abattement pour le reboisement dans les pays à revenu élevé et pour d’autres méthodes de reboisement telles que l’agroforesterie et la régénération naturelle assistée. Nos cartes des coûts d’abattement peuvent être combinées avec des données sur la biodiversité, les moyens de subsistance et d’autres besoins et préférences de la société pour déterminer s’il faut reboiser, où et comment dans différents contextes », concluent les chercheurs dans leur communiqué officiel.