Une étude suggère que la cavité cylindrique formée par la gaine de myéline entourant les fibres nerveuses (ou axones) peut produire des paires de photons intriqués. Le spectre de vibration des liaisons carbone-hydrogène de la myéline favoriserait notamment l’émission de ces paires de manière spontanée. Ce phénomène quantique pourrait jouer un rôle clé dans la synchronisation des activités des milliards de neurones composant notre système nerveux central.
La synchronisation de l’activité neuronale au niveau du cerveau joue un rôle essentiel dans le contrôle de nombreux processus neurobiologiques. Des études ont montré que la perte de cette synchronisation est étroitement liée à des anomalies de fonctionnement associées à des maladies neurologiques, telles que la maladie de Parkinson. Cependant, malgré les décennies de recherche qui y ont été consacrées, les mécanismes sous-tendant cette synchronisation demeurent en grande partie insaisissables.
Des études ont suggéré que l’intrication quantique pourrait potentiellement jouer un rôle dans cette synchronisation. En effet, les photons sont impliqués non seulement dans l’activité biologique des plantes et des bactéries, mais également celle des animaux. Les polaritons (un état quantique né de l’interaction continue entre les photons et les paires électron-trou) formés par la lumière visible et en résonance avec les excitons (des quasiparticules constituées de paires électron-trou) des molécules de chlorophylle, facilitent par exemple le transfert d’énergie lors de la photosynthèse.
D’autre part, les photons infrarouges moyens issus de l’hydrolyse de l’ATP stimulent la réplication de l’ADN et régulent l’activation des canaux ioniques pour le potassium, ainsi que la signalisation neuronale. Les photons ultra-faibles (ou biophotons), auparavant considérés comme de simples métabolites, sont également impliqués dans la fonction neuronale.
D’un autre côté, de récentes études ont démontré que les effets induits par les rayonnements s’étendent bien au-delà des cellules ciblées, affectant ainsi celles éloignées du site irradié. Il a été suggéré que cela est dû à un effet de type intrication quantique.
Ces données suggèrent que les photons pourraient être une potentielle source de synchronisation neuronale en étant quantiquement intriqués. « Ces constats, bien que chacun d’entre eux exige un examen plus détaillé, offrent une perspective significative de la lumière dans l’activité neuronale », explique l’équipe de l’Université de Shanghai et du Sichuan. Et, « malgré des écarts expérimentaux par rapport aux prédictions, les corrélations inhérentes à l’enchevêtrement quantique restent captivantes », ont-ils écrit dans leur nouvelle étude, prépubliée sur le serveur arXiv.
Une implication potentielle dans la synchronisation de l’activité neuronale
Pour explorer leur hypothèse, les chercheurs de la nouvelle étude ont évalué l’implication de la gaine de myéline dans la synchronisation de l’activité neuronale. Il s’agit d’une membrane lipidique entourant les axones qui en assure à la fois l’isolation et améliore la transmission du potentiel d’action.
« La gaine de myéline est généralement considérée uniquement comme un isolant. Cependant, des preuves émergentes suggèrent la plasticité de la myéline, indiquant un rôle au-delà de l’isolation et son potentiel pour promouvoir la synchronisation de phase », indique l’équipe. Son altération est d’ailleurs associée à l’altération de la fonction cognitive due aux maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer ou la sclérose en plaques.
D’un autre côté, la formation de microcavités est essentielle au transfert d’énergie médié par les excitons et les polaritons. La réflexion de la lumière au niveau de la paroi interne de ces cavités provoque un confinement des photons. Les chercheurs ont supposé qu’en formant une cavité cylindrique, la gaine de myéline pourrait avoir un meilleur effet de confinement sur les photons après une production de polaritons. Ce processus pourrait aboutir à la formation de paires de photons intriqués.
Les experts ont utilisé l’électrodynamique quantique de cavité (cQED) pour détecter la génération de paires de photons intriqués dans le spectre de vibration des liaisons carbone-hydrogène (C-H), situées au niveau des queues des molécules de myéline. Cela consiste à confiner les atomes au sein de structures minuscules (les cylindres de myéline) dont les parois reflètent la lumière, ce qui permet d’étudier les interactions entre la matière et la lumière à l’échelle quantique.
Les résultats ont révélé que la cavité cylindrique formée par la gaine de myéline favorise la production d’un grand nombre de paires de photons intriqués. L’abondance d’unités de vibration C-H au niveau des neurones suggère qu’elles pourraient servir de sources d’intrication quantique pour le système nerveux.
Selon les chercheurs, cela pourrait être potentiellement impliqué dans la capacité du cerveau à optimiser et à synchroniser le transfert d’informations à travers le réseau neuronal. « En tirant parti des propriétés de corrélation non locale de l’enchevêtrement quantique, on peut spéculer que l’enchevêtrement quantique synchronise efficacement l’activité neuronale dans tout le cerveau », concluent-ils.