Pour surveiller et suivre rapidement les neurones ainsi que les biomolécules activés par les drogues psychédéliques, des scientifiques ont développé un outil innovant à base de protéines baptisé CaST. Selon leur étude publiée dans la revue Nature Methods, CaST réalise le marquage cellulaire en seulement 30 minutes, au lieu de deux heures avec les méthodes conventionnelles. D’après l’équipe, cet outil novateur, en aidant à mieux comprendre l’impact des psychédéliques sur les neurones, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles thérapies pour des troubles mentaux tels que la dépression.
Les composés psychédéliques comme le LSD et la psilocybine appartiennent à une catégorie de composés appelés psychoplastogènes. Ils favorisent la croissance des neurones et restaurent les connexions atrophiées dans le cortex préfrontal du cerveau. Cette capacité fait que ces molécules sont désormais utilisées dans le traitement expérimental de maladies neuropsychiatriques telles que la dépression chronique.
Cependant, comprendre les effets neuroplastiques de ces psychédéliques est un procédé complexe. C’est pourquoi des chercheurs de l’Université de Californie à Davis, en collaboration avec David Olson, directeur fondateur de l’Institut des psychédéliques et neurothérapeutiques, ont développé CaST (Split-TurboID activé par Ca2+ de son nom complet), une méthode innovante et non invasive capable de fournir des informations précieuses pour explorer ce mécanisme.
Christina Kim, professeure adjointe de neurologie au Davis Center for Neuroscience et à la School of Medicine de l’Université de Californie (UC), affiliée à l’Institute for Psychedelics and Neurotherapeutics de l’UC Davis, a déclaré dans un communiqué : « Il est crucial de comprendre les mécanismes cellulaires sur lesquels ces psychédéliques agissent. Une fois que nous savons cela, nous pouvons concevoir différentes variantes ciblant le même mécanisme, mais avec moins d’effets secondaires », a-t-elle ajouté.
Un marquage cellulaire plus rapide que jamais
Comme le décrivent les chercheurs dans leur étude, CaST permet de marquer et de suivre rapidement les processus de signalisation moléculaire dans le cerveau, en seulement 10 à 30 minutes. Ce processus accéléré devrait optimiser l’efficacité de la recherche et permettre de trouver des traitements avec des effets secondaires modérés. Selon l’équipe, la concentration de calcium est un marqueur clé pour suivre l’activité des neurones. Ils ont donc développé CaST pour qu’il surveille spécifiquement cette concentration, qui augmente lorsque les neurones sont très actifs.
Les chercheurs expliquent qu’ils ont initialement conçu une enzyme capable « d’attacher » une petite « poignée » biochimique aux cellules activées présentant une forte teneur en calcium intracellulaire. « La stratégie consistait à réorganiser, puis à réutiliser une enzyme de marquage de proximité, le split-TurboID16, afin de signaler une augmentation du calcium intracellulaire dans les cellules vivantes. L’idée est de marquer les protéines avec une molécule de biotine délivrée de manière exogène », écrivent-ils.
Le problème, c’est que les enzymes comme split-TurboID16 n’ont pas été conçues pour détecter les changements dynamiques dans les concentrations d’ions intracellulaires. Ainsi, les scientifiques ont eu l’idée de créer CaST pour, permettre un marquage enzymatique rapide des neurones. Une fois marqués, ces derniers peuvent être détectés à l’aide des méthodes existantes de détection de la biotine.
Kim a ajouté : « Nous avons conçu en laboratoire ces protéines qui peuvent être conditionnées dans l’ADN, puis intégrées dans des virus adéno-associés inoffensifs. Une fois que nous avons introduit l’outil CaST et ces protéines dans les neurones, elles incubent à l’intérieur des cellules et commencent à s’exprimer ».
Dans le cadre d’une expérience, Kim et ses collègues ont administré de la psilocybine psychédélique à des souris. Ils ont ensuite utilisé CaST pour marquer les neurones du cortex préfrontal des animaux avec la biotine. Cette région est associée à plusieurs troubles neuropsychiatriques et connaît une croissance neuronale ainsi qu’une connectivité renforcée suite à l’administration psychédélique.
L’équipe a ainsi pu analyser comment la psilocybine modulait l’activité neuronale dans cette zone du cerveau, tout en mesurant les contractions cérébrales, principal corrélat comportemental hallucinogène causé par les drogues psychédéliques. « Ce qui est bien avec CaST, c’est qu’il peut être utilisé chez un animal au comportement libre », a déclaré Kim, soulignant la polyvalence de leur nouvel outil. En effet, les autres techniques de marquage nécessitent que le crâne des modèles de laboratoire soit stabilisé afin d’obtenir des images de qualité suffisante. « La biotine est également un excellent substrat de marquage, car il existe de nombreux outils commerciaux préexistants permettant de vérifier sa présence par simple coloration et imagerie », a-t-elle ajouté.
Vers une analyse approfondie des effets thérapeutiques des psychédéliques
L’équipe prévoit maintenant d’améliorer l’outil CaST afin de réaliser un marquage cellulaire à l’échelle du cerveau entier. Les chercheurs explorent également de nouvelles façons d’enrichir les protéines produites par les composés psychédéliques affectant les neurones.
« Nous pourrons envoyer ces échantillons à l’UC Davis Proteomics Core Facility, qui nous donnera une image impartiale de toutes les protéines identifiées », conclut Kim. En comparant ensuite l’activité neuronale induite par les psychédéliques à celle induite par les neurothérapeutiques non hallucinogènes, l’équipe pourra analyser en profondeur les effets thérapeutiques des psychédéliques.