Les nanoplastiques constituent une menace croissante pour la santé. Invisibles à l’œil nu — de taille inférieure à 1 µm, ils s’accumulent aussi bien dans l’eau douce que dans les profondeurs des océans. Récemment, des chercheurs américains ont mis au point une méthode et un solvant innovants permettant d’éliminer facilement les nanoplastiques de l’eau avec une efficacité de 98 %.
En plus d’être liés à des maladies cardiovasculaires et respiratoires, les nanoplastiques sont également immunotoxiques (perturbent le système immunitaire), inhibent la croissance et la réparation des tissus et provoquent des dommages oxydatifs.
Les nanoplastiques de l’environnement sont principalement issus des déchets plastiques, se décomposant en particules nanoscopiques. En considérant le volume croissant de résidus plastiques dans l’environnement, la menace est très alarmante. En effet, ces résidus devraient atteindre 12 milliards de tonnes d’ici 2050 selon les dernières estimations. Pour cette raison, la sensibilisation aux nanoplastiques a considérablement augmenté ces dernières années. L’objectif étant de trouver à terme des solutions efficaces de lutte contre ce fléau, qu’elles soient technologiques ou comportementales, mais le défi est de taille.
Dans cette optique, des chercheurs de l’Université du Missouri (MU, ou Mizzou) se sont concentrés sur le développement d’une solution rentable pour débarrasser l’eau de ces polluants microscopiques. « Les nanoplastiques peuvent perturber les écosystèmes aquatiques et entrer dans la chaîne alimentaire, ce qui présente des risques pour la faune et la santé humaine », explique Piyuni Ishtaweera dans un communiqué du Mizzou. « En termes simples, nous développons de meilleurs moyens d’éliminer les contaminants, tels que les nanoplastiques, de l’eau », ajoute-t-elle.
Dans leur étude, publiée dans ACS Applied Engineering Materials, Ishtaweera et son équipe ont mis au point une solution liquide capable d’éliminer près de 98 % des nanoplastiques présents dans l’eau. Pour obtenir ce résultat, ils ont notamment utilisé des solvants hydrofuges conçus à partir d’ingrédients naturels et non toxiques.
Au cours d’une expérience, les scientifiques ont versé le solvant dans de l’eau. Dans un premier temps, le solvant a flotté à la surface, à l’image de l’huile. Puis après s’être mélangées une première fois, les deux substances se sont à nouveau séparées. En remontant à la surface, le solvant a transporté les nanoplastiques dans sa structure moléculaire. Les chercheurs ont ensuite utilisé une pipette pour retirer le solvant, laissant une eau exempte de plastique.
Les nanoplastiques : des contaminants émergents au cœur des préoccupations
La structure moléculaire des plastiques les rend particulièrement persistants, ce qui explique pourquoi les méthodes courantes d’élimination des nanoplastiques et des microplastiques (NMP) comme l’oxydation ne sont pas efficaces. Il en est de même pour la filtration, étant donné la taille des nanoplastiques, souvent bien inférieure au diamètre d’un cheveu humain. C’est également ce qui leur confère une capacité élevée à s’introduire dans les membranes biologiques. Chez les plantes, par exemple, ils s’infiltrent dans la paroi cellulaire et s’incrustent dans les tissus.
Les estimations suggèrent qu’une personne consomme chaque semaine jusqu’à 5 grammes de microplastiques. Une étude précédente menée par des chimistes de l’Université Columbia a également révélé que 90 % des particules de plastique présentes dans les bouteilles de nombreuses marques d’eau américaines sont du polyéthylène téréphtalate ou du polyamide. En moyenne, ils ont mesuré environ 240 000 particules nanoplastiques par litre d’eau. Pour arriver à cette conclusion, ils ont utilisé la microscopie à diffusion Raman stimulée.
Pour tenter d’éliminer les NMP, des chercheurs de l’Université médicale de Guangzhou et de l’Université de Jinan ont réalisé, dans le cadre d’une étude antérieure, des tests avec de l’eau douce de source et du robinet. Leurs résultats avaient mis en évidence que le processus d’ébullition et de filtrage élimine jusqu’à 90 % des nanoplastiques. Cependant, les résultats de l’équipe d’Ishtaweera (de Mizzou) ont largement surpassé cette efficacité.
De plus, les chercheurs de Mizzou ont testé leur méthode sur cinq paramètres différents de nanoplastiques à base de polystyrène, un polymère notamment utilisé pour fabriquer les gobelets jetables. « Notre stratégie utilise une petite quantité de solvant de synthèse pour absorber les particules de plastique présentes dans un grand volume d’eau », a déclaré Gary Baker, professeur agrégé au département de chimie de Mizzou.
Bien que l’expérience ait été réalisée à petite échelle, les scientifiques comptent étendre l’ensemble du processus pour que la méthode puisse être appliquée à de vastes étendues d’eau. « Ces solvants sont fabriqués à partir de composants sûrs et non toxiques, et leur capacité à rejeter l’eau empêche toute contamination supplémentaire des sources d’eau, ce qui en fait une solution extrêmement durable », estime Ishtaweera.
D’après l’équipe, la capacité des solvants qu’ils ont mis au point n’est pas encore bien comprise. Baker a avancé que des recherches futures viseront à apporter plus de précision à ce sujet. Il a également souligné que l’équipe explorera des moyens de recycler les solvants afin de pouvoir les utiliser « plusieurs fois si nécessaire ».
Cette solution, selon les chercheurs, ouvre également la voie à de nouvelles recherches ciblant les technologies avancées pour la purification de l’eau. « D’un point de vue scientifique, la création de méthodes d’élimination efficaces favorise l’innovation dans les technologies de filtration, fournit des informations sur le comportement des nanomatériaux et soutient le développement de politiques environnementales éclairées », conclut Ishtaweera.