Elon Musk, fondateur et PDG de SpaceX, a déclaré samedi que les premiers vols d’essai de la fusée Starship vers Mars auront lieu dans deux ans, tandis que les premières missions avec équipage seront effectuées d’ici seulement 4 ans. La première colonie pourrait en outre s’y installer dans une ville autonome d’ici 20 ans. Alors que certains experts estiment qu’il s’agit d’une exagération de plus de la part du célèbre milliardaire, d’autres y voient toutefois un objectif audacieux avec une réelle chance de réussite.
Conçue pour être la plus grande et la plus puissante fusée jamais construite, Starship mesure pas moins de 122 mètres de haut et génère une impressionnante puissance de poussée de 7 750 tonnes, soit près de deux fois celle du Space Launch System (SLS) de la NASA (la fusée du programme lunaire Artemis). Alors que cette dernière est à usage unique, Starship sera entièrement et rapidement réutilisable. Il dispose notamment d’un lanceur (Super Heavy) qui peut être réceptionné au niveau de la base lancement après chaque décollage. Cela permettrait d’effectuer les inspections et les remises à niveau nécessaires à un redémarrage rapide.
Bien que la fusée ne soit pas encore entièrement opérationnelle, Musk estime que les progrès réalisés par SpaceX rapprochent l’entreprise de son objectif de colonisation de Mars. Starship n’a effectué que quatre missions d’essai à ce jour, dont les deux premières ont découlé sur de violentes explosions. Le cinquième essai aura probablement lieu avant la fin de cette année et prévoit d’inclure la première tentative de réception du Super Heavy sur la rampe de lancement.
Dans sa dernière déclaration sur X, Musk affirme que les premières missions vers Mars pourraient être effectuées dès 2026 si tout se passe comme prévu. « Ces missions seront sans équipage pour tester la fiabilité d’un atterrissage intact sur Mars », explique-t-il. « Si ces atterrissages se déroulent bien, les premiers vols avec équipage vers Mars auront lieu dans 4 ans », a-t-il ajouté. À partir de là, le nombre de vols augmenterait de façon exponentielle, permettant ainsi d’atteindre son objectif d’établir une ville autonome sur la planète d’ici 20 ans et qui abritera les 1 million de personnes que Musk prévoit d’y envoyer en une fois (à bord de 1 000 vaisseaux).
Des objectifs ambitieux dans des délais exagérés ?
Il ne s’agit pas de la première fois que Musk fait des déclarations souvent jugées trop ambitieuses. En 2016, il avait déjà annoncé que les premiers vols avec équipage vers Mars auraient lieu dans les six ans suivants, alors que la mégafusée Starship n’était qu’à son stade de conception. D’autre part, même la NASA estime qu’une première mission vers la planète avec équipage d’ici 2040 est déjà un objectif très ambitieux.
Toutefois, bien que l’envoi d’un million de personnes sur Mars dans deux décennies soit impossible, des experts estiment que les premiers vols réguliers avec équipage pourraient tout de même être réalisables à moyen terme. Et même si l’immense fortune du milliardaire (évaluée à 252 milliards de dollars) ne suffisait pas à financer un projet d’une telle envergure, les investisseurs de SpaceX semblent enthousiastes dans sa réalisation. D’après les analystes, cet enthousiasme proviendrait à la fois de la stratégie marketing bien rodée de SpaceX et de l’étonnante capacité de ce dernier à attirer les talents. Les déclarations parfois jugées comme exagérées de Musk feraient d’ailleurs partie de cette stratégie.
« Si je devais me demander pourquoi un calendrier très ambitieux a été fixé pour Mars, c’est en partie pour montrer que SpaceX ne ralentit pas, qu’elle ne se repose pas sur ses lauriers, qu’elle ne se transforme pas en un acteur dominant et grinçant dans l’espace, et qu’elle reste la start-up innovante qui repousse les limites qu’elle a toujours été », explique au Guardian Matthew Weinzierl, professeur d’administration des affaires à la Harvard Business School, spécialisé dans l’économie spatiale.
D’autre part, SpaceX a toujours été excellent dans la réalisation de ses objectifs, comme le démontrent les missions de roulement pour la Station spatiale internationale (ISS), réalisées avec ses capsules Crew Dragon (alors que son concurrent Boeing est à la traîne). Par ailleurs, les opérations spatiales de l’entreprise bénéficient désormais d’apport financier supplémentaire provenant par exemple du système de satellites Starlink.
Cependant, l’entreprise ne semble pas tenir suffisamment compte des infrastructures nécessaires à l’installation des colons sur la planète et se concentre davantage sur le transport, soulignent les experts. Selon Robert Zubrin, président de la Mars Society, il serait possible d’envoyer les premiers humains sur Mars d’ici 2028, mais ces infrastructures ne seront pas prêtes à temps pour leur permettre de s’y établir.
« C’est l’un des problèmes que je vois dans les déclarations de Musk. Je n’ai pas l’impression qu’ils [son équipe] développent réellement les systèmes de surface nécessaires aux opérations humaines sur Mars », explique l’expert. « Ils travaillent très dur sur le système de transport, mais sur le système permettant de produire, par exemple, du méthane et de l’oxygène sur Mars à grande échelle, ils ne le font pas », indique-t-il. En fin de compte, les objectifs de Musk pour Mars seraient tout à fait réalisables, mais pas dans les délais qu’il annonce, selon les experts.