Une étude se concentrant sur les impacts climatiques régionaux révèle que près de 70 % de la population mondiale (soit environ 5,6 milliards de personnes) sera confrontée à des conditions météorologiques extrêmes au cours des deux prochaines décennies, si la tendance actuelle d’émissions de gaz à effet de serre se poursuit. Ce chiffre descendrait à 20 % si les émissions sont suffisamment réduites pour se conformer aux objectifs de l’Accord de Paris.
Le dernier rapport du service Copernicus sur le changement climatique (C3S) indique que la Terre vient de connaître l’été le plus chaud jamais enregistré dans l’hémisphère Nord, tandis que l’hémisphère Sud a connu des températures hivernales record. Le programme estime d’ailleurs que cette année est en passe de devenir la plus chaude jamais enregistrée, surpassant notamment le record de l’an dernier.
Alors que l’arrivée prévue de l’effet La Niña (un refroidissement naturel temporaire de certaines parties du Pacifique central) devrait logiquement atténuer ce réchauffement, il serait peu probable que les températures diminuent suffisamment pour que 2024 ne batte pas un record. Les modèles climatiques prédisent depuis longtemps que les phénomènes météorologiques deviendront plus intenses à mesure que la planète se réchauffe.
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Cependant, malgré les avertissements des scientifiques, les efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre peinent à générer de réels impacts positifs. « Comme des gens vivant dans une zone de guerre avec le bruit constant des bombes et le cliquetis des armes, nous devenons sourds à ce qui devrait être des sonnettes d’alarme et des sirènes annonçant des raids aériens », estime dans une déclaration à l’Associated Press Jennifer Francis, climatologue au Woodwell Climate Research Center, en référence au rapport du C3S.
D’un autre côté, peu d’études ont exploré les impacts des phénomènes météorologiques extrêmes au niveau régional, ce qui pourrait entraver les efforts de sensibilisation. Afin de combler les lacunes, « nous nous concentrons sur les changements régionaux, en raison de leur pertinence accrue pour l’expérience des populations et des écosystèmes par rapport à la moyenne mondiale », explique dans un communiqué de l’Université de Reading (en Angleterre) Carley Iles, du Centre de recherche internationale sur le climat et l’environnement (CICERO), auteure principale de la nouvelle étude. « Nous identifions les régions qui devraient connaître des changements substantiels dans les taux d’un ou plusieurs indices d’événements extrêmes au cours des prochaines décennies », ajoute-t-elle.
Des changements affectant de manière disproportionnée les pays à faible revenu
Dans le cadre de l’enquête détaillée dans la revue Nature Geoscience, Iles et ses collègues ont effectué 4 simulations climatiques différentes visant à déterminer dans quelle mesure les précipitations et les températures pourraient changer au cours des deux prochaines décennies. Ils ont constaté que si la tendance actuelle d’émissions de gaz à effet de serre persiste, environ 70 % de la population mondiale sera impactée par des événements combinés de précipitation et de chaleur extrêmes au cours des 20 prochaines années. Et même si des efforts sont déployés pour réduire les émissions, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris, ce chiffre ne descendrait qu’à 20 %, ce qui inclut environ 1,5 milliard de personnes.
D’après les analyses, les phénomènes météorologiques extrêmes affecteront majoritairement les régions tropicales et subtropicales, telles que la péninsule Arabique, l’Asie du Sud et l’Afrique équatoriale. La Méditerranée, l’Amérique du Nord-Ouest et du Sud et l’Asie de l’Est, devront aussi s’attendre à des changements sans précédent. D’autre part, les changements les plus rapides affecteront de manière disproportionnée les pays à faible revenu.
Les prémices des impacts de ces conditions extrêmes sont déjà perceptibles actuellement. Les vagues de chaleur et les sécheresses prolongées augmentent la fréquence des incendies de forêt dans de nombreuses régions du monde, telles que le Canada, la Californie et l’Australie. Les températures extrêmes ont également des impacts directs sur la population, par exemple en provoquant un stress thermique qui augmente la mortalité des personnes vulnérables (les enfants et les seniors). L’agriculture et l’élevage sont également impactés, les vagues de chaleur augmentant la mortalité des animaux et diminuant les rendements agricoles, ce qui, par extension, peut provoquer des famines.
Les infrastructures de base telles que les centrales électriques, les transports et les hôpitaux seront aussi perturbées. Les précipitations extrêmes engendrent, quant à elles, des inondations dévastatrices endommageant également les infrastructures et déplaçant des millions de personnes. Les modélisations des experts suggèrent que même dans le meilleur des scénarios d’émission (conforme à l’Accord de Paris), ces événements augmenteront en intensité au cours des 20 prochaines années et pourraient se produire presque successivement, voire simultanément. L’un des exemples les plus récents est la vague de chaleur qui a frappé le Pakistan en 2022, immédiatement suivie d’inondations sans précédent. Une carte interactive montrant le changement climatique attendu pour chaque région au cours des 60 prochaines années est disponible en ici.
Une dépollution de l’air aggravant les pics de chaleur
Il est important de noter que bien que la dépollution de l’air soit essentielle pour la santé, elle pourrait aussi contribuer à une augmentation accélérée et localisée des pics de chaleur, surtout en Asie, soulignent les chercheurs. « Aujourd’hui, la dépollution nécessaire pourrait se combiner au réchauffement climatique et entraîner de très forts changements dans les conditions extrêmes au cours des prochaines décennies », explique Laura Wilcox, coauteure de l’étude. Cela pourrait perturber le cycle des moussons dans une grande partie du continent et, par extension, modifier les saisons agricoles et entraîner des inondations prolongées.
Étant donné que dans le meilleur des cas, les événements météorologiques extrêmes impacteraient tout de même 1,5 milliard de personnes, « la seule façon de faire face à cette situation est de se préparer à une situation avec une probabilité beaucoup plus élevée d’événements extrêmes sans précédent, dès les 1 à 2 prochaines décennies », conclut Bjørn H. Samset CICERO, également coauteur de l’étude.