Une nouvelle méthode permettrait de modéliser une théorie de la gravité quantique en laboratoire

Une compréhension des processus gravitationnels complexes à toutes les échelles.

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Des physiciens ont développé une méthode qui permettrait de modéliser en laboratoire une théorie centrale de la gravité quantique appelée « correspondance AdS/CFT ». Basée sur un modèle d’espace-temps incurvé, elle permettrait notamment de comprendre des processus gravitationnels complexes à toutes les échelles, y compris au niveau quantique, à l’aide de modèles mathématiques simplifiés. La technique pourrait ainsi potentiellement permettre d’observer directement la gravité quantique.

La gravité est probablement la plus familière des quatre forces fondamentales. Elle est largement explorée et étayée par de nombreuses expériences et observations, surtout celles cosmiques, où son influence est la plus évidente. Elle permet par exemple de calculer la trajectoire des planètes, d’observer les régions environnant les trous noirs ou encore de prédire le mouvement des étoiles. Cependant, la description théorique de la gravité atteint ses limites à l’échelle des particules, notamment au niveau quantique.

Or, « pour expliquer le Big Bang ou l’intérieur des trous noirs, nous devons comprendre les propriétés quantiques de la gravité », indique dans un communiqué la coauteure principale de la nouvelle étude, Johanna Erdmenger, titulaire de la chaire de physique théorique III à l’Université de Würzburg (JMU) en Bavière, en Allemagne. Cependant, les mesures à partir de sources conventionnelles ne permettent pas d’étudier la gravité quantique.

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Erdmenger et ses collègues suggèrent que la correspondance AdS/CFT peut potentiellement permettre de la mesurer à toutes les échelles. « À très haute énergie, les lois classiques de la gravité échouent. Notre objectif est donc de contribuer au développement de nouvelles théories capables d’expliquer la gravité à toutes les échelles, y compris au niveau quantique », explique l’experte. L’Université d’Alberta (au Canada), l’Institut Max Planck de physique des systèmes complexes de Dresde et l’Université d’Alabama à Tuscaloosa, ont également contribué à l’étude.

Une mesure de la gravité à toutes les échelles

La correspondance AdS/CFT (aussi appelée « dualité de Maldacena » ou « dualité jauge/gravité ») est une conjecture combinant deux types de théories. La première correspond aux espaces dits « Anti-de-Sitter (AdS) », un type particulier d’espace-temps courbé vers l’intérieur en forme d’entonnoir (ou hyperbole). La seconde correspond à la théorie conforme des champs (CFT), qui décrit les systèmes quantiques dont les propriétés restent les mêmes à toutes les distances spatiales.

La correspondance AdS/CFT avance que les théories gravitationnelles complexes au sein d’un espace de grande dimension peuvent être décrites par des théories quantiques plus simples à la frontière de cet espace courbé. Selon Erdmenger, « cela semble très compliqué au premier abord, mais c’est facile à expliquer ». « La correspondance AdS/CFT nous permet de comprendre des processus gravitationnels complexes, tels que ceux qui existent dans le monde quantique, à l’aide de modèles mathématiques plus simples », explique-t-elle.

Plus précisément, la correspondance avance que la dynamique quantique au bord de l’hyperbole doit concorder avec celle plus complexe se déroulant à l’intérieur. Pour l’analogie, on pourrait comparer le principe avec un hologramme projeté au-dessus d’une feuille de papier. Cette dernière projette un hologramme tridimensionnel alors qu’elle est bidimensionnelle. Bien que la correspondance ait été étayée par de nombreux calculs, sa vérification expérimentale est particulièrement difficile en raison de la nécessité de simuler des interactions graviton-graviton (les particules hypothétiques véhiculant la gravité). Les experts de l’étude proposent donc un protocole plus simple pour la modéliser.

gravite quantique
Illustration de la théorie utilisée pour modéliser la gravité quantique : le réseau simule un espace-temps courbé. Près de la frontière, le réseau est plus dense en raison de la courbure. Les signaux électriques en interaction (lignes jaunes, rouges et bleues) dans le volume simulent la dynamique gravitationnelle. La dynamique dans le volume et à la frontière extérieure correspondent entre elles. Elles sont en équilibre selon la cohérence AdS/CFT. © Erdmenger/JMU, Böttcher/Alberta

Une application potentielle aux réseaux neuronaux

Le protocole expérimental, décrit dans la revue Physical Review Letters, est basé sur un circuit électrique ramifié visant à imiter l’espace-temps courbé stipulé par la correspondance AdS/CFT. Les signaux électriques répartis au niveau de différents sites de ramification du circuit, correspondraient notamment à la dynamique gravitationnelle que l’on trouverait au niveau de différents points de l’espace-temps. « À titre d’exemple concret, nous proposons et simulons un protocole expérimentalement réalisable pour mesurer la CFT holographique à l’aide de circuits électriques », expliquent les chercheurs dans leur document.

En analysant le mouvement des signaux électriques, l’équipe a montré que la dynamique au bord de l’hyperbole simulée correspondait comme prévu à celle à l’intérieur. Cette dynamique complexe transposée à l’échelle d’un laboratoire pourrait enfin permettre d’observer la gravité quantique. En prochaine étape, l’équipe prévoit de mettre le protocole en pratique.

En outre, cette méthode pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles applications technologiques. Le circuit ramifié proposé devrait par exemple permettre de transmettre des signaux électriques avec moins de pertes, car la courbure simulée de l’espace-temps les rassemblerait et les stabiliserait. Cela permettrait par exemple d’améliorer la transmission des signaux au sein des réseaux neuronaux utilisés pour l’IA, ont suggéré les experts.

Source : Physical Review Letters 

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