Les anneaux de Saturne sont parmi les objets les plus spectaculaires du système solaire. Jupiter, Uranus et Neptune en possèdent également, bien qu’ils soient moins visibles. Très récemment, un groupe de chercheurs australiens a avancé une hypothèse intéressante. Selon cette dernière, un anneau de roches semblable à celui de Saturne se serait formé autour de la Terre il y a environ 450 millions d’années. Bien que cet anneau ait orbité autour de notre planète pendant quelques dizaines de millions d’années seulement, il aurait laissé une empreinte durable dans les archives géologiques et aurait même été à l’origine d’une période intense d’impacts météoritiques.
L’impact de Chicxulub, qui aurait causé l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années, est sans doute l’un des impacts d’astéroïdes les plus célèbres. Cependant, des chercheurs de l’Université Monash en Australie ont peut-être écrit un nouveau chapitre de l’histoire de la Terre. « J’aime imaginer à quoi aurait pu ressembler la Terre avec un anneau autour d’elle. Un aspect très différent par rapport à aujourd’hui », a déclaré dans un communiqué Andy Tomkins, auteur principal de l’étude et membre de l’École de la Terre, de l’Atmosphère et de l’Environnement de l’Université Monash.
Dans leur document d’étude publié dans la revue Earth and Planetary Science Letters, les chercheurs expliquent avoir été intrigués par la pluie de météorites qui a frappé la Terre au cours de la période ordovicienne, qui aurait débuté il y a 440 millions d’années. Des gisements de calcaire datant de cette époque ont été découverts en Europe, en Russie et en Chine. Cependant, ce qui a particulièrement interpellé l’équipe, dirigée par le professeur Tomkins, ce sont les cratères d’impact anormalement concentrés autour de l’équateur.
En utilisant un modèle de simulations avancées des mouvements tectoniques, les scientifiques ont réussi à retracer l’emplacement de 21 de ces cratères. Ils ont constaté que ces derniers avaient frappé des continents situés à moins de 30° de latitude de l’équateur. Cette zone géographique représentait alors 30 % des terres émergées, tandis que 70 % des terres se trouvaient à des latitudes plus élevées.
Une ceinture de météorites formée par les restes d’un astéroïde géant
Dans la majorité des cas, les astéroïdes frappent la Terre de manière aléatoire. Pour les chercheurs, la probabilité que les impacts se soient concentrés sur cette région est de 1 sur 25 millions, soulignant ainsi une anomalie statistique. Pour expliquer cette concentration, ils ont avancé l’hypothèse d’un astéroïde massif. Selon eux, une ceinture de météorites se serait donc formée lorsque cet astéroïde, s’approchant de la Terre, se serait progressivement désintégré sous l’influence de la gravité terrestre.
Ce phénomène, connu sous le nom de limite de Roche, correspond à la distance critique où les forces de marée surpassent la gravité de l’astéroïde, provoquant sa fragmentation. Un anneau de débris aurait alors orbité autour de la Terre. « Au fil des millions d’années, les matériaux de cet anneau sont progressivement tombés sur Terre, créant le pic d’impacts météoritiques observé dans les archives géologiques », explique Tomkins. « Nous constatons également que les couches de roches sédimentaires de cette période contiennent des quantités extraordinaires de débris de météorites », ajoute-t-il.
Le mystère du refroidissement de la Terre élucidé ?
Tomkins et son équipe suggèrent également que cet anneau de débris pourrait expliquer d’autres mystères liés au refroidissement de la Terre. En effet, près de 20 millions d’années après cette pluie de météorites, vers la fin de l’Ordovicien, la Terre est entrée dans une nouvelle ère glaciaire, la période Hirnantienne, considérée comme l’une des plus froides des 500 derniers millions d’années. Selon Tomkins, « comme l’axe de la Terre est incliné par rapport à son orbite autour du Soleil, l’anneau aurait ombragé certaines parties de la surface terrestre ».
Les chercheurs avancent également que les changements climatiques induits par cet anneau ont pu engendrer une évolution chez les organismes terrestres de l’époque. En effet, des mollusques comme les nautiles, des arthropodes comme les trilobites et les premiers poissons à mâchoire, auraient émergé durant cette période.
« L’idée qu’un système d’anneaux aurait pu influencer les températures mondiales ajoute une nouvelle couche de complexité à notre compréhension de la manière dont les événements extraterrestres ont façonné le climat terrestre », déclare Tomkins. La prochaine étape de cette recherche se concentrera sur la modélisation numérique. « Nous avons déjà commencé ce travail, mais nous nous attendons à ce que d’autres scientifiques s’y essaient également », conclut-il.