Une start-up a développé une technique permettant de produire de la caséine (la protéine composant le lait) sans lait de vache, en modifiant génétiquement des souches de levure. Ces dernières produisent notamment de la caséine pouvant s’autoassembler en micelles, les granules conférant au fromage et au yaourt leur élasticité et leur onctuosité — des qualités qui font généralement défaut aux produits laitiers à base de plantes.
L’élevage bovin a un impact environnemental considérable. L’industrie laitière est par exemple, à elle seule, responsable de plus de 3 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Afin d’en atténuer les impacts, des stratégies visant à réduire la dépendance à la viande et au lait de vache sont explorées depuis plusieurs décennies. Les entreprises biotechnologiques enregistrent d’importantes avancées pour la production de viande cultivée en laboratoire, tandis que les produits laitiers à base de plantes sont désormais largement disponibles dans le commerce.
Cependant, les produits laitiers sans lait de vache (surtout le fromage) peinent à convaincre les consommateurs, leur goût et leur texture ayant du mal à égaler ceux conventionnels. Cela est principalement dû à la difficulté à produire de la caséine, la protéine composant principalement le lait et qui, en se rassemblant en micelles, confère l’élasticité et l’onctuosité aux produits laitiers. En conséquence, les producteurs de produits laitiers alternatifs utilisent généralement des additifs (émulsifiants, épaississants, stabilisants, …) pour imiter les propriétés de la caséine naturelle — ce qui peut altérer le goût.
DairyX, une start-up biotechnologique israélienne, propose une nouvelle technique de fermentation de précision (utilisation de microorganismes pour la production d’ingrédients spécifiques) pour produire de la caséine sans lait de vache, pouvant reproduire les propriétés de celle naturelle. « L’industrie sait très bien que les caséines sont extrêmement difficiles à produire par fermentation de précision. Notre objectif initial était donc de résoudre ce problème », explique dans un communiqué Arik Ryvkin, PDG et fondateur de l’entreprise. « Une fois que nous avons réussi à fabriquer des caséines, le prochain défi majeur était de les améliorer afin qu’elles puissent s’autoassembler en micelles gélifiantes pour produire les propriétés laitières recherchées par les fabricants », indique-t-il.
De la caséine « intelligente » s’auto-assemblant en micelles
La technique de fermentation de précision de DairyX consiste à utiliser des souches de levures pour produire de la caséine « intelligente », une forme protéinique avancée pouvant s’autoassembler spontanément en micelles. Pour ce faire, les souches ont été stimulées par le biais d’une sélection génétique rigoureuse. Plus précisément, l’équipe a utilisé une technique de criblage accélérée pour identifier les souches à haute teneur en protéines. Ils ont également utilisé l’apprentissage automatique pour identifier les conditions de fermentation optimales.
« Nous avons entraîné la levure à produire la prochaine génération de caséine. La caséine en instance de brevet de DairyX est une forme avancée créée pour s’organiser précisément et efficacement en micelles », explique Maya Bar-Zeev, responsable de développement de produits de l’entreprise. Cette technique permettrait ainsi non seulement d’obtenir des produits laitiers ayant la même texture que ceux à base de lait de vache, mais également d’obtenir des rendements en caséine très élevés dans un délai court — un aspect essentiel pour les producteurs et déterminant pour les coûts des produits finaux.
Un impact carbone jusqu’à 90 % inférieur
En utilisant le même processus de fermentation que celui utilisé pour les fromages conventionnels, l’équipe a obtenu un gel de caséine présentant des séquences d’acides aminés identiques à celui à base de lait de vache. D’autre part, le procédé de DairyX élimine complètement les besoins d’hormones et d’antibiotiques couramment utilisés dans l’industrie laitière, ainsi que les additifs utilisés pour la fabrication conventionnelle de produits sans lait de vache.
Par ailleurs, en étant exclusivement composées de protéines, les micelles produites ne contiennent ni cholestérol ni lactose, ce qui offrirait aux producteurs la possibilité de choisir les graisses et les sucres à ajouter dans leurs formulations. Le procédé ne nécessite pas non plus de réoutillage ni de changements dans les processus de fabrication des produits. « Un autre défi majeur auquel sont confrontées les entreprises laitières est l’adaptation de leurs installations de production à l’utilisation de nouveaux ingrédients », explique Bar-Zeev. Quant à l’impact carbone des produits, l’entreprise estime qu’il pourrait être jusqu’à 90 % inférieur à celui des produits laitiers conventionnels.
À noter toutefois que le fromage produit par le biais du nouveau procédé n’a pas encore été goûté. L’autorisation réglementaire à cet effet n’ayant pas encore été obtenue. Néanmoins, DairyX prévoit d’accélérer les procédures nécessaires à l’obtention de ces autorisations, de sorte à parvenir à une mise sur le marché d’ici 2027 dans l’idéal.