Des chercheurs sont parvenus à faire pousser un arbre à partir d’une graine datant de près de 1 000 ans, découverte dans une grotte dans le désert de Judée, en Israël. Bien que son taxon soit pour le moment non identifié, car il n’a pas encore fleuri, il appartiendrait à une espèce aujourd’hui éteinte du genre Commiphora (de la famille des arbres à myrrhe et à encens) et pourrait potentiellement être à l’origine du « tsori », un baume médicinal mentionné plusieurs fois dans la Bible.
La germination de graines anciennes suscite un intérêt croissant en raison de la possibilité d’applications dans de nombreux domaines, tels que la conservation de la biodiversité. Cela permettrait par exemple de régénérer ou d’identifier des taxons éteints, et ainsi d’augmenter la population d’espèces rares à l’état sauvage. Elle peut également fournir de précieuses informations concernant la longévité des graines, leur résilience et leur tolérance aux stress, ce qui pourrait avoir des implications pour l’agriculture. Elle peut aussi déboucher sur la découverte de nouveaux composés pharmaceutiques.
Parmi les graines anciennes dont la germination a été réussie figurent par exemple des Silene sp. datant d’environ 30 000 ans et provenant du pergélisol sibérien. Des graines de dattes d’il y a 2 000 ans, d’Anagyris foetida d’il y a 1 600 ans et de lotus d’il y a 1 300 ans ont également été germées. Datant d’entre 993 et 1202 de notre ère (soit il y a environ 1 000 ans), la graine du genre Commiphora plantée par l’équipe de la nouvelle étude s’ajoute à cette collection.
La graine a été découverte dans les années 1980 dans une grotte naturelle lors d’une fouille sur le site archéologique de Wadi el-Makkuk, dans le nord du désert de Judée. Bien que son origine soit pour le moment inconnue, les chercheurs estiment qu’elle aurait pu être soit transportée dans la grotte par des animaux, soit stockée là par des humains lors des périodes de bouleversement. Le site possède en effet une riche histoire en montrant par exemple des traces d’utilisation par les moines byzantins. Il aurait également servi de refuge lors des révoltes juives contre l’Empire romain.
Désormais devenue un arbre adulte de 3 mètres de haut, la graine a bénéficié d’analyses supplémentaires fournissant de précieuses informations concernant son origine et son importance historique. « En faisant revivre une espèce inconnue de Commiphora, cette étude offre une occasion unique de redécouvrir les origines d’une population qui existait autrefois dans le Levant [Proche-Orient] du sud et de fournir des informations sur son possible rôle historique et économique dans la culture et le commerce local », explique l’équipe dans son rapport détaillé, publié dans la revue Communications Biology.
Première preuve de la présence du genre dans la région il y a 1 000 ans
Pour devenir un arbre adulte, la graine a été cultivée par les chercheurs sur une période de 14 ans. Surnommé Sheba, l’arbre présente les caractéristiques morphologiques typiques des plantes du genre Commiphora, poussant généralement en milieux arides et semi-arides. Son écorce est brun-vert pâle et ses feuilles sont petites, vertes et légèrement veloutées. Il est également caduc, c’est-à-dire qu’il perd temporairement ses feuilles au cours des mois les plus frais de l’année (entre décembre et avril).
Cependant, étant donné qu’il n’a pas encore fleuri, les chercheurs n’ont pas encore pu effectuer une description complète permettant de le nommer taxonomiquement. Néanmoins, les séquençages d’ADN et l’analyse phylogénétique indiquent qu’il appartient à une espèce aujourd’hui éteinte. D’autre part, sa germination a également permis de mettre en évidence la première preuve fiable de la présence du genre Commiphora dans la région, il y a 1 000 ans.
En effet, ce genre compte près de 200 espèces principalement distribuées en Afrique, au Madagascar et dans la péninsule arabique. Il a été largement utilisé au cours de l’histoire en raison des résines, des oléorésines et des gommes aromatiques qu’il produit. Commiphora gileadensis, une espèce très aromatique existant encore aujourd’hui (dans la péninsule arabique et le Nord-est africain), figure par exemple parmi les 25 espèces les plus utilisées en ethnomédecine.
De précédentes études ont suggéré que C. gileadensis pourrait être à l’origine du « baume de Judée », ou « baume de Galaad », un baume très aromatique mentionné dans la Bible et dans de nombreux textes anciens et qui aurait été le produit d’exportation le plus précieux de l’ancienne Judée. Cependant, ce baume a disparu de la région au 9e siècle de notre ère, ce qui remet en question son association avec C. gileadensis. Les experts de la nouvelle étude ont donc supposé que le Commiphora nouvellement mis au jour pourrait potentiellement être à l’origine de ce fameux baume, étant donné sa présence dans la région il y a 1 000 ans.
À l’origine du « tsori » mentionné dans la Bible ?
L’équipe a donc effectué une analyse phytochimique afin de déterminer si Sheba pouvait être à l’origine du baume de Judée. Cependant, les chercheurs ont constaté qu’il ne contenait pas les composés aromatiques caractéristiques d’autres espèces de Commiphora, tels que C. gileadensis. Le grattage de son écorce ne produit qu’une petite quantité d’oléorésine à la couleur claire et très peu parfumée. Les feuilles n’émettent, elles aussi, quasiment pas de parfum. Il est ainsi peu probable qu’il puisse être à l’origine du baume, celui-ci étant censé être très aromatique.
En revanche, les chercheurs ont détecté des triterpénoïdes pentacycliques, des composés aux propriétés anti-inflammatoires et potentiellement anticancéreuses. Les feuilles contenaient également des concentrations élevées de squalène, une substance connue pour ses propriétés anti-oxydantes et cicatrisantes.
Ils en ont ainsi déduit qu’il pourrait être à l’origine d’un autre baume appelé « tsori », mentionné à plusieurs reprises dans la Bible (dans les livres de la Genèse, de Jérémie et d’Ézéchiel) pour ses vertus médicinales, mais qui n’y est pas décrit comme étant parfumé. Des travaux supplémentaires concernant ces composés sont prévus dans l’espoir d’une potentielle application dans la médecine moderne, en particulier ceux anticancéreux.